Usage des produits capillaires et mèches sur les enfants : L’ignorance des mères tue des âmes innocentes - Journal Educ'Action

Usage des produits capillaires et mèches sur les enfants : L’ignorance des mères tue des âmes innocentes

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L’usage des produits pour les cheveux et des mèches fait désormais partie du quotidien des femmes. Malheureusement, cette pratique touche aussi des petites filles innocentes à peine nées, avec des risques sérieux pour leur santé. À quelques jours des fêtes de fin d’année, des personnes averties attirent l’attention des uns et des autres sur les dommages que peuvent subir les enfants.

Elle est morte. La petite Miranda [ndr] a succombé. Elle qui, il n’y a pas longtemps, avait réuni le cercle de sa famille autour de la joie de sa naissance. Elle qui commençait à ouvrir ses yeux sur le monde des humains et gambadait déjà sur la terre de ses ancêtres. Très tôt, l’innocence de cette petite fille d’à peine 4 ans a été abîmée par des pratiques qui portent à croire que l’artifice prime sur le naturel. Jusqu’à la mort.
Cette histoire s’est produite il y a environ 7 ans. À quelques jours des fêtes de fin d’année à Godomey-Houalacomey, Miranda, comme toutes les petites filles de son âge, devrait se préparer, notamment pour Noël, reconnue comme étant la fête des enfants.Pour lui réaliser les tresses dites « deux chignons » en vogue pour les bouts de chou de son âge, la coiffeuse préconise l’usage des défrisants pour rendre un peu plus doux ses cheveux afin de minimiser les douleurs. Quelques minutes plus tard, malgré les protestations et les pleurs incessants de la petite fille qui refusait ce traitement, une bonne dose de mèches étaient déjà sur sa tête. Décidée à faire tresser la fille en ignorant ses cris de douleur, sa mère lui administre alors des somnifères pour l’endormir, le temps de la tresser. Miranda n’ouvrit plus jamais les yeux.
Loin d’être un épisode imaginaire, cette histoire a vraiment endeuillé ce quartier de Godomey. Aujourd’hui encore, des petites filles à peine nées, subissent des tortures capillaires résultant de l’usage des produits défrisants, des tresses trop serrées. Une image rendue publique sur les réseaux sociaux Facebook et Whatsapp a montré récemment une petite fille qui aurait perdu la vie, à en croire le texte qui a accompagné l’image, après avoir été tressée. Or, toutes ces images qui circulent n’empêchent pas certaines mamans d’abuser de tous les produits artificiels pour rendre belles leurs filles, sans se soucier de leur dangerosité pour l’enfant.

L’ignorance des mères, source de destruction de vie

Les rues de Cotonou et environ grouillent de mères qui méconnaissent les effets des produits capillaires sur leur propre santé, et encore moins sur celle des enfants. Très souvent analphabètes, elles sont nombreuses à livrer leurs filles parfois très jeunes, à cette pratique. « Moi j’ai toujours fait ça et ma fille le fait aussi. Elle et moi utilisons les mêmes produits et nous n’avons jamais eu de problème. », confie en langue fon une mère interrogée. Pour certaines, les parents ne jouent pas leur rôle s’ils ne donnent pas l’occasion aux enfants de bien s’habiller, au moins pendant les fêtes. Bien s’habiller revient donc, pour elles, à coudre de nouvelles tenues pour les enfants, coiffer les garçons et tresser les filles. « Pendant les fêtes, il faut tresser les filles pour qu’elles soient au même rang que les autres. Elles ne doivent pas être négligées toute l’année et durant les fêtes aussi. Elles doivent se faire tresser », défend une vendeuse de cure-dents. D’autres par contre, sans pour autant connaître les conséquences de l’usage des mèches et produits défrisants sur les cheveux, défendent du mieux qu’elles peuvent, leur usage sur leurs enfants. « Moi je me défrise les cheveux parce que je suis grande. Mais je n’accepte pas que mes filles le fassent avant l’âge de 12 ans tout au moins », laisse entendre une mère de famille. Une coiffeuse, confie à son tour : « il y a certaines mamans qui pensent qu’il faut laver les cheveux des enfants avec des défrisants, avant de tresser les enfants parce qu’elles estiment que les cheveux ont des repousses ou qu’ils sont sales. Mais quand, on leur dit que c’est mauvais pour les enfants, elles te disent que les produits n’ont jamais tué quelqu’un. Et moi, je m’exécute. » Pourtant, que ce soit l’usage des produits défrisants ou des mèches, ces pratiques sont défendues par certains spécialistes en la matière.
Les spécialistes, contre l’usage des produits défrisants

Mère de famille et pédiatre dans une clinique de la place, le Dr Marinelle Hounwanou Gnacadja exprime son refus catégorique de ces produits capillaires et mèches sur les femmes, qu’importe l’âge. Avec un ‘‘non’’ encore plus sec, elle s’insurge contre l’usage de ces produits sur les enfants. « Les mamans ne devraient plus jamais utiliser les défrisants sur les cheveux de leurs enfants peu importe l’âge, ni sur les leurs d’ailleurs. À n’importe quel âge, les défrisants détruisent nos cheveux, retardent la pousse effective de nos cheveux et surtout limitent notre créativité avec nos cheveux », dit-elle. C’est clair et net. Revenant sur les enfants, elle ajoute : « Il me plaît d’abord de rappeler aux parents que la tranche d’âge de 5 à 10 ans est une période sensible durant laquelle l’enfant découvre réellement l’univers dans lequel il vit et fait asseoir progressivement sa personnalité. C’est une période durant laquelle toutes nos actions envers nos bouts de chou doivent être empreintes d’amour et utiles pour leur développement », a-t-elle notifié. Ainsi, pour elle, l’usage des produits défrisants pour les enfants de 5 à 10 ans est une pratique à fortement décourager, car ces produits ont bien des effets néfastes sur le développement de l’enfant.
À la fois sage-femme, homéopathe, esthéticienne et conseillère en soins capillaires, dame Nassiratou Boussari Gbadamassi a toutes les ressources pour avancer que « les cheveux de l’enfant ont besoin de soin, de bonne pratique, d’une bonne alimentation pour se développer normalement ». Pour ce faire, elle préconise les shampoings sans sulfatant, mais  à base de sucre pour l’entretien des cheveux des enfants. Elle fait une différence entre les shampoings et les défrisants. S’agissant des défrisants, tous ont des effets secondaires. D’où son refus d’utiliser ces derniers sur les enfants. En le disant ainsi, elle laisse entendre que les cheveux des enfants sont fragiles et perméables à tout ce qui est produit. Les produits utilisés sur l’enfant peuvent donc traverser le cuir chevelu et pénétrer dans son sang. « Notre peau est constituée de trois couches à savoir l’épiderme, le derme et l’hypoderme. Au niveau du derme, il y a les vaisseaux sanguins. Ce qui veut dire que tout ce qu’on absorbe va dans le sang, agir sur les vaisseaux. Ainsi, selon ce qu’on a absorbé, ça peut alimenter tout le cuir chevelu et faire fortifier les cheveux. De la même manière, ça peut dégrader les cheveux », expose-t-elle en insistant sur le fait que les défrisants cassent les cheveux et qu’on ne doit d’ailleurs pas en utiliser. La pédiatre Hounwanou atteste que l’usage des défrisants résulte du fait que beaucoup de femmes noires pensent que les cheveux crépus ne sont pas beaux et sont très difficiles à manipuler. Elle ajoute par ailleurs que l’utilisation de ces produits sur un enfant peut entraver ou influer sur la perception qu’il a de lui-même.

Qu’en est-il de l’usage des mèches ?

Les mèches sont tout aussi défendues que les produits défrisants. Que cela soit sur enfant ou même sur adultes, ces spécialistes du domaine sont contre l’usage de tous ces produits. Nassiratou Boussari Gbadamassi va insister sur le fait que ces produits sont faits à base de dérivés de pétrole et tous autant qu’ils sont, ils asphyxient les cheveux au lieu de les faire respirer. Par conséquent, pense-t-elle, on peut bien entretenir les cheveux sans mettre les produits et les mèches. Consciente cependant que malgré tout, beaucoup de femmes ne peuvent se passer de l’usage des mèches, la conseillère en soins capillaires dénonce les coiffeuses qui, selon elle, ne sont pas assez formées pour savoir que les tresses serrées abiment la racine des cheveux. « La racine de nos cheveux est comme celle des plantes. Si la racine d’une plante est abimée, la plante ne va pas pousser. On a déjà notre capital capillaire depuis la naissance et dès qu’on abime cela, c’est fini », a-t-elle revelé. Revenant spécifiquement sur l’usage des mèches sur enfants, la pédiatre Marinelle Hounwanou Gnacadja pense que « c’est méchant d’exposer l’enfant à toutes ces souffrances au lieu de lui apprendre à développer son amour propre en lui apprenant à prendre soin de ses cheveux naturels ». À en croire cette spécialiste de la santé de l’enfant, l’impact de l’utilisation des mèches est beaucoup plus psychologique que physique chez l’enfant. Elle s’explique : « En fait, déjà très tôt, on fait comprendre aux enfants que celles qui font des mèches sont plus jolies et même plus riches que celles qui ne le font pas. Ainsi, on crée inutilement une rivalité et un conflit émotionnel dans la tête de ses petites filles. » Conséquences, développe-t-elle, quand on prive l’enfant de faire des mèches par exemple en période de fête, il commence à ruminer dans sa tête que ses parents ne l’aiment pas autant que les parents de l’autre fille qui a fait des mèches.

Des maladies à court et à long terme, comme conséquences de l’utilisation de ses produits

Avant d’énumérer les conséquences liées à l’usage de ces produits, pédiatre et conseillère en soins capillaires ont jugé utile de préciser que ces produits sont constitués de substances nuisibles à la santé. « Les sulfatants à base de Sodium Lauryl Sulfate (SLS), c’est dangereux. On ne doit pas les mettre sur les cheveux pour bébé et les cheveux sensibles. Ces produits sont à base de dérivés de pétrole et asphyxient les cheveux au lieu de les faire respirer », dévoile Nassiratou Boussari Gbadamassi. À son tour, la pédiatre Marinelle dira que « les produits contiennent de la soude à divers dosages qui provoque des brûlures à divers degrés de notre cuir chevelu. Les défrisants contiennent entre autresun agent alcalin : hydroxyde de sodium, de potassium de lithium ou de guanidine qui sont responsables des brûlures du cuir chevelu. Ils contiennent également des produits chimiques tels que le parabène, le bisphénol A, des métaux, et du formol classés et reconnus comme cancérogènes. Ces produits sont fabriqués également avec des huiles essentielles très concentrées et des perturbateurs endocriniens ».
Ainsi, entre autres conséquences, à court terme, « Les défrisants causent plus de dégâts. Cela abîme la structure de cheveux africains qui sont crépus. Ces produits provoquent l’irritation et l’alopécie qui est la chute des cheveux chez la femme », a développé la conseillère en soins capillaires, Nassiratou Boussari Gbadamassi. Faisant parler son expérience en tant qu’acteur du domaine de la santé, cette dernière ajoute que le fait que ces produits rentrent dans le sang, provoque d’autres perturbations au niveau hormonal pour l’enfant. Vrai ! s’exclame la pédiatre Marinelle Hounwanou Gnacadja. Elle qui est aussi du domaine de la santé, avec pour spécialité celle de l’enfant, laisse comprendre que « l’usage des produits capillaires cause des lésions qui laissent passer des substances toxiques dans le sang et directement dans le cerveau ». Ce qui peut provoquer à son entendement,des problèmes gynécologiques plus tard. Ces propos seront corroborés par le gynécologue obstétricien Zayd Olatoundji.

Des conséquences gynécologiques à long terme

Dans une vidéo publiée sur sa page Facebook, le 26 octobre 2022, le gynécologue obstétricien Zayd Olatoundji renseigne qu’une femme qui se livre très tôt à l’usage des produits capillaires, prend le risque de se faire attaquer par différents cancers à l’âge adulte. Se basant sur diverses études publiées entre 2020 et 2022, il explique que le défrisage des cheveux est lié aux cancers gynécologiques.
« Adolescent use of hairdyes, straighteners and perms in relation to breast cancer risk (https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/ijc.33413) » est une étude de 2020 qui montre que les adolescentes entre 10 et 13 ans qui se défrisaient les cheveux régulièrement ou qui avaient commencé à se défriser les cheveux dès cet âge développaient, beaucoup plus vite, des cancers du sein avant l’âge de 40 ans. En 2021, une autre étude, « Use of hairproducts in relation to ovarian cancer risk », démontre que les femmes qui utilisaient des défrisants, des produits chimiques pour rendre les cheveux plus doux ou des produits pour se teinter les cheveux, sont plus victimes de cancers des ovaires. Enfin, la troisième étude faite en octobre 2022, « Use of straighteners and otherhairproducts and incident uterine cancer », parle du cancer du col de l’utérus. On se rend compte que les femmes qui se défrisaient régulièrement les cheveux, plus de quatre fois l’année, dans ce groupe, sont beaucoup plus victimes de cancer utérin que les autres.
« Le dénominateur commun, c’est le défrisage. Dans les produits défrisants, il y a des produits chimiques pour dénaturer les cheveux et les rendre plus soft. Dans ces produits chimiques, il y a ce qu’on appelle les perturbateurs endocriniens », a-t-il lui aussi confirmé. Dans notre organisme, continue-t-il, nous avons les hormones, qui sont des molécules chimiques qui jouent des rôles de messagers entre les organes. Les seins, les ovaires et l’endomètre qui est dans le corps  de l’utérus sont en fait hormono-dépendants. Donc tous ces cancers sont des cancers hormono-dépendants. « La gâchette, ce serait les perturbateurs endocriniens qu’il y a dans les produits défrisants qui perturbent tout le système. Et c’est pour ça qu’il y a plus de cancers chez les femmes qui utilisent ces produits », a-t-il expliqué dans la vidéo.

Des conseils pour éviter aux femmes d’être victimes de ces conséquences

Autrefois sous l’emprise de ces produits jusqu’en 2019, le Dr Marinelle Hounwanou Gnacadja a désormais tourné dos aux produits chimiques et préfère garder ses cheveux crépus dignes d’une vraie africaine. De son côté, Nassiratou Boussari Gbadamassi, sage-femme, homéopathe, esthéticienne et conseillère en soins capillaires, est friande des cheveux crépus et naturels. Après avoir, à tour de rôle, exposé la manière adéquate et les ingrédients naturels nécessaires pour entretenir les cheveux crépus, elles ont conseillé à leurs collègues mères, ce qui suit. « Éviter les défrisages précoces, les tresses serrées et l’usage des mèches qui créent des démangeaisons et des céphalées. Car tous ces produits sont des nids de microbes », a averti Nassiratou Boussari Gbadamassi. La pédiatre Hounwanoué pouse Gnacadja invite à son tour, les mères qui sont encore réticentes à la culture du naturel, à se documenter sur les bonnes routines capillaires et à faire un test. « Aidez vos enfants à se découvrir et à s’aimer tel qu’ils sont. Ne rendez pas vos enfants bêtes à la longue avec des médicaments que vous ne maîtrisez pas. Ces médicaments ont de nombreux effets néfastes comme : somnolence, faiblesse musculaire, vertiges, hallucinations, troubles du sommeil, troubles de la mémoire, de l’attention et de la concentration. » Elle finit en disant que les mères doivent savoir que le seuil de tolérance de chaque individu diffère, et qu’elles peuvent causer la mort des enfants.

Estelle DJIGRI

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