L’année 2022 s’ouvre avec de nouveaux défis pour le système éducatif au Bénin. Outre l’épineuse question de l’amélioration de la qualité des enseignements partiellement prise en compte avec la relecture des curricula dans le sous-secteur maternel et primaire, le recrutement et la formation d’enseignants qualifiés, la réfection des infrastructures scolaires, la gouvernance du secteur et bien d’autres encore, les acteurs de l’éducation s’alarment, de plus en plus, des déviances comportementales des apprenants. Ceux-ci excellent parfois dans l’irrespect de la hiérarchie éducative et dans la violation des textes et règlements intérieurs. La situation des enseignants pré-insérés constamment soulevée sur les ondes, reste aussi un os dans la gorge des responsables de l’éducation. Pour résoudre ces questions, des acteurs rencontrés appellent à la tenue d’une assise nationale de vérités et totalement dépolitisée.
«Tant qu’il reste à faire, rien n’est fait», dit l’adage. Plusieurs acteurs du système éducatif béninois restent convaincus qu’il reste des efforts à faire pour améliorer les performances et la qualité de l’éducation. Ils sont unanimes pour dire que les responsables gouvernementaux de l’éducation doivent nécessairement revoir certains compartiments du dispositif éducatif afin d’espérer obtenir au terme de l’exercice 2022, des résultats satisfaisants dans l’intérêt des apprenants et de toutes les parties prenantes.
Pour le sous-secteur primaire, il importe de rappeler que l’année 2021 a vu, notamment, une révision des curricula d’enseignement. Un acte fort éloquent, aux dires de Aristide Bankolé, directeur du groupe A de l’école urbaine centre de Porto-Novo. Cette révision des curricula, selon lui, permettra aux apprenants de s’en sortir dans le processus apprentissage-évaluation. Il souhaite qu’en plus de la relecture des curricula d’enseignement, le gouvernement dote les écoles primaires publiques de matériels didactiques adéquats et en quantité suffisante pour faciliter et améliorer l’apprentissage des apprenants. Une autre préoccupation de l’avis du directeur, est la formation des enseignants pour espérer une meilleure qualité de l’enseignement.
« Nous espérons qu’au cours de cette année 2022, les autorités du secteur éducatif vont organiser de façon continue des formations pour renforcer les capacités des enseignants de l’Etat », a souhaité Aristide Bankolé.
De la question de l’Aspiranat au primaire et au secondaire
Stanislas Zogo, enseignant des PCT dans le secondaire, reste préoccupé par la question des aspirants. «Le système éducatif béninois semble éprouvé avec la mise en œuvre de certaines réformes telle que l’Aspiranat. Depuis quelques années, les mesures prises pour la gestion du corps enseignant suscitent des remous et ne permettent pas aux enseignants, en l’occurrence les pré-insérés, d’avoir le cœur à l’ouvrage», a-t-il analysé, critiquant par ailleurs l’interdiction du châtiment corporel. Deux griefs qui, de son avis, retardent l’amélioration de la qualité du système éducatif béninois. Sylvère Adjahouto, enseignant d’Anglais dans le secondaire, ne se réjouit pas de la situation. « Lorsque vous travaillez pour une éducation de qualité, il faut que les acteurs, en l’occurrence les enseignants, soient bien traités. Nous avons cru au départ que le gouvernement voulait améliorer les choses, en changeant de statut aux enseignants vacataires ou communautaires qui sont devenus des ‘‘Aspirants’’. Mais aujourd’hui, le traitement qui leur est fait n’est pas enviable », se désole-t-il. Il poursuit en ces termes : « Aucun enseignant dit aspirant n’est satisfait de sa situation. Beaucoup d’entre nous sont encore dans le système parce qu’ils n’ont pas trouvé mieux ailleurs. Dès que les perspectives seront bonnes, ils vont se retirer pour des emplois meilleurs ». Il forme le vœu que l’actuel ministre des Enseignements Secondaire, Technique et de la Formation Professionnelle qui a une parfaite maîtrise de la situation, saura apporter les corrections qu’il faut pour le bonheur de ce corps d’enseignants.
Plusieurs directeurs d’établissements du secondaire ont également opiné sur la question de l’Aspiranat. Tout en saluant les efforts du gouvernement, Bernard Lahamy, directeur du Collège d’Enseignement Général (CEG) 1 Godomey, a plaidé pour l’amélioration des conditions des aspirants afin qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes en termes de résultats. « Il s’agit de maîtriser les dépenses, de savoir qui fait quoi et ce qui se passe dans le système. Je sais que le gouvernement nous écoute et écoute les partenaires sociaux. On est dans un environnement de négociation, d’écoute et d’amélioration progressive de manière à maîtriser les dépenses. Si les dépenses sont maîtrisées, j’espère qu’on saura améliorer progressivement le traitement salarial de ces enseignants. Ce qui va impacter positivement le système éducatif », a-t-il déclaré.
Pour Akobodé Kiki, son collègue du CEG Kouhounou-Vêdoko, tout effort pour améliorer les conditions des enseignants pré-insérés sera salutaire et apprécié. Il se réjouit, par ailleurs, de la reconduction de ces enseignants dans le secteur éducatif en dépit des problèmes soulevés. « Je souhaite et propose au Gouvernement que les enseignants aspirants soient payés douze mois sur douze afin qu’ils soient plus épanouis… Si on peut revoir leur contrat pour qu’ils soient payés douze mois sur douze, ils seront beaucoup plus épanouis et le travail sera de qualité », a-t-il suggéré.
De l’irrespect de certains apprenants dans les collèges
Le non-respect de la hiérarchie éducative et la violation du règlement intérieur sont des déviances imputées aux apprenants des établissements secondaires au Bénin. À en croire certains acteurs interrogés, ces comportements déviants observés dans le rang des apprenants résultent de certaines réformes entreprises et qui n’augurent rien de bon pour le système éducatif. C’est le cas de l’enseignant des PCT Stanislas Zogo, qui regrette la situation. « L’enseignant est traité désormais comme un manœuvre dans des conditions pas vraiment motivantes, avec à la clé, des textes qui le limitent dans son autorité sur l’apprenant. Ce qui amène l’apprenant à parfois profiter de ces textes pour manquer de respect à l’enseignant », a-t-il déploré, précisant que l’enseignant n’a plus le droit de renvoyer de son cours un apprenant qui n’a pas fait ses exercices ou qui perturbe ses camarades en plein cours. Et la liste des exemples est bien longue, argumente-t-il.
Akobodé Kiki, pour sa part, estime que l’interdiction du châtiment corporel et de l’usage de la chicote en milieu scolaire abondamment relayée via les médias, est la cause principale de l’irrespect dans le rang des apprenants, de nos jours au Bénin. « Depuis que les gouvernants du système éducatif ont interdit l’usage de la chicote dans les classes, nous avons relevé que les apprenants tiennent tête aux enseignants. Ils ne veulent plus respecter, ils n’aiment plus faire des efforts pour comprendre les cours, ils priorisent le retard, ils n’apprennent plus leurs leçons et c’est grave. Nous espérons que quelque chose sera fait rapidement par les autorités pour ne pas laisser perdurer ces comportements déviants des apprenants », a-t-il souhaité.
Bernard Lahamy, directeur du CEG 1 Godomey, dira, à son tour : « Nous espérons le changement radical des comportements des apprenants. Qu’ils cessent les tricheries, qu’ils soient moins présents sur whatsapp et qu’ils travaillent effectivement pour se donner du contenu pour leur emploi futur… »
De façon consensuelle et sans être consultés au même moment, ces directeurs d’établissements secondaires recommandent la relecture de certains textes pour une meilleure gouvernance des établissements et de bons rapports entre enseignant et apprenant.
De ce point de vue, ils appellent de leurs vœux la tenue d’une assise nationale totalement dépolitisée afin de se dire les grandes vérités et repanser les plaies du système éducatif national. De l’avis de Stanislas Zogo, enseignant des PCT dans le secondaire, il faut impérativement « une assise nationale sur l’éducation, une assise qui ne soit pas politisée, une assise qui doit regrouper rien que les techniciens de la chose éducative pour procéder à la relecture des textes et les adapter aux réalités actuelles du secteur de l’éducation au Bénin. Une conférence nationale sur l’éducation est donc nécessaire ».
En matière d’objectif à court terme, les acteurs de l’éducation rêvent de très bons résultats pour les examens nationaux de juin ou de juillet 2022.
Estelle DJIGRI & Adjéi KPONON