La Conférence régionale du Centre de Compétences en Education Numérique (C-CoEN) du Centre d’Excellence Africain (CEA) Impact s’est tenue du 28 au 29 avril 2022 à Cotonou, sous le thème : « L’intégration durable du numérique dans l’enseignement dans l’ère post Covid-19 ». Business Development Manager de Vidélio, Etienne Gueye a partagé avec les participants à cette conférence, l’opportunité qu’offre le Fonds « Global Gateway » de l’Union européenne aux universités africaines. A travers cette interview accordée à Educ’Action, le chargé du développement de Vidélio en Afrique subsaharienne opine sur l’état des lieux du numérique dans l’enseignement sur le continent africain.
Educ’Action : Quelle est l’implication de Vidélio dans la C-CoEN du CEA Impact ?
Etienne Gueye : Nous avons été invité par l’Association des Universités Africaines (AUA) ainsi que par l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) qui collaborent beaucoup avec nous en termes de contenu numérique à mettre à disposition des étudiants. Aujourd’hui, on parle du numérique. Le numérique inclut le matériel, une plateforme. Donc, nous répondons à ces besoins, notamment de la salle de visio-conférence à l’implémentation de réseau dans les écoles et les universités. Hormis cette partie infrastructure qu’on apporte, on amène aussi une partie de mise en relation d’un Fonds d’investissement qui est à disposition. C’est un fonds de l’Union Européenne (UE). L’UE a annoncé au mois de février à Dakar, lors de la visite de sa présidente au Sénégal, la mise à disposition de 150 milliards d’euros pour des projets venant de l’Afrique. Il y a cinq axes, notamment les projets dans le domaine de l’éducation et du numérique, dans le domaine de l’entrepreneuriat, de la formation, de la santé et de l’énergie verte. Nous répondons au niveau de deux critères de demande de projets : la demande de formation et celle dans la numérisation. Donc, on apporte aussi l’expertise en termes d’infrastructures et de réseau.
Quelle est la raison de votre présence à cette conférence régionale ?
Nous sommes venus à Cotonou pour prendre en compte les projets qui sont en cours dans différentes universités au Bénin, au Burkina-Faso, au Sénégal. Bref, en Afrique francophone pour pouvoir y répondre. Que les projets soient mutualisés, qu’on puisse regrouper les universités des pays francophones et qu’on propose quelque chose de globale pour pouvoir accéder à ce Fonds. L’idée, c’est de pouvoir mutualiser l’ensemble des universités qui sont concernées par la question du numérique afin d’aller demander des fonds. Un audit est fait d’abord avant d’avoir accès au Fonds. Au bout de deux mois environ, les fonds sont mis à disposition. Donc, inutile de perdre du temps à faire de l’administratif, mais c’est de se concerter pour proposer quelque chose de globale. Nous avons commencé à échanger et je pense que les semaines à venir, nous aurons vraiment des propositions intéressantes.
Vous avez eu l’occasion de parcourir plusieurs pays africains. Qu’est-ce que vous pouvez dire sur l’état des lieux du numérique dans l’enseignement ?
L’état des lieux de la numérisation en Afrique pose problème. Il y a beaucoup de choses à solutionner. La première chose, c’est l’accès à internet, parce qu’aujourd’hui, il y a une disparité énorme au niveau des coûts de l’internet. Entre pays limitrophes qui ont accès au bac borne de l’internet, il y a des pays qui sont sur la côte africaine et les pays qui sont à l’intérieur. Le prix de l’internet à Cotonou est différent du coût de Niamey ou de Ouagadougou, parce que ces pays sont beaucoup plus éloignés de la connexion bac borne. Du coup, le coût est beaucoup plus important. Donc, c’est quelque chose à solutionner. La deuxième problématique, c’est de pouvoir donner du matériel aux étudiants pour suivre les cours, du matériel hardware (ordinateur), avoir une connexion internet ou une connexion via une clef USB. La troisième problématique, c’est la disparité des solutions qui sont proposées. Ce qui est proposé à l’Université virtuelle du Sénégal est différent de ce qui est proposé dans une autre université au Bénin. Il faut penser à la possibilité de les mutualiser sur une seule et même plateforme. Tous ces pays parlent le français, la pédagogie est pratiquement la même. L’idée, c’est de prendre exemple de l’un et l’autre pour proposer quelque chose de globale. Depuis Cotonou, on doit pouvoir suivre un cours qui se passe à Dakar ou un cours qui se déroule à Niamey sur une même plateforme et suivant une même pédagogie. Le quatrième défi, c’est concernant la mise à disposition des cours en ligne. Les professeurs qui ont la possibilité de donner des contenus pédagogiques rechignent à mettre à disposition leur cours. C’est un problème. Le fait de se l’accaparer et de se dire, je mets le cours à disposition que si et seulement si je suis rémunéré n’est pas trop bien. On est déjà en retard au niveau de la pédagogie, on se met encore en retard dans la mise à disposition des cours. Alors que l’anglophone va tout de suite le proposer. Pourquoi l’internet est beaucoup plus accessible dans l’espace anglophone ? Parce que les contenus sont plus en anglais. Tout est mis à disposition en anglais. Dans la francophonie, c’est complètement différent. L’Afrique étant le berceau de la francophonie, les professeurs africains doivent pouvoir mettre les contenus sur internet. Cela va beaucoup plus nous pousser à être au-devant de la scène au niveau de la pédagogie et d’avoir aussi une part de marché en vue de réduire cette balance pédagogique entre l’anglais et le français.
Quel sera l’avenir du numérique dans l’enseignement au sortir de cette conférence ?
Nous ne sommes qu’au début. Est-ce qu’on est prêt pour une seconde pandémie de la Covid-19 ? Aujourd’hui, c’est non ! Parce que les choses ont été faites dans la rapidité, rien n’a été concerté, rien n’a été globalisé. Donc, appuyons nous sur cette crise de la Covid-19 pour essayer d’être beaucoup plus armés demain. La Covid-19, personne ne s’y attendait mais cela nous est tombé dessus, tout en sachant qu’elle a complètement bouleversé la façon de travailler, d’être formé, d’apprendre. Ce bouleversement, on doit pouvoir y trier des enseignements pour être prêt pour demain. C’est pour cette raison que ce fonds européen est mis à disposition pour aider les pays africains à s’armer pour demain afin de booster les domaines de la santé, l’éducation, la formation, la numérisation.
Propos recueillis par Edouard KATCHIKPE