Le dossier thématique de ce mois d’avril consacré à la gestion de l’argent de poche chez les apprenants et étudiants aborde son troisième virage cette semaine. Dans cette parution, les spécialistes du secteur financier opinent sur le sujet tout en donnant des conseils pour une bonne gestion des réserves de l’argent de poche.
Epargner ses revenus et les utiliser à bon escient relèvent de deux réalités totalement différentes l’une de l’autre. Beaucoup d’apprenants et d’étudiants, contrairement à leurs camarades qui n’arrivent pas à épargner, se débrouillent tant bien que mal afin de mettre de côté une partie de leurs revenus. Toujours est-il que l’usage auquel sont destinées ces économies est peu commode et ramène toujours ces derniers à la case départ. Gilles Rostand Chabi, enseignant d’économie au CEG Ste Rita en parle bien ici tout en évoquant les diverses fins auxquelles sont destinées les économies. « Il y a quand même des apprenants et des étudiants qui essaient d’épargner. D’autres se forment en groupe de tontines et j’ai l’habitude de le remarquer. Ils cotisent 50 francs par jour ou des fois 100 francs par jour », fait savoir Gilles Rostand qui fustige, par contre, les fins auxquelles sont utilisées ces tontines. En effet, poursuit l’enseignant « ils utilisent ces économies pour s’acheter des biens de luxe, satisfaire leurs besoins qui ne rentrent pas dans le cadre de leur éducation et même qui ne les aident pas dans leur évolution. D’autres s’achètent des vêtements et bien d’autres choses ». Pour Gilles Rostand Chabi, il importe pour les apprenants d’entreprendre à la fin des tontines. Préparer des beignets, des galettes et revendre marque, selon l’enseignant en économie, l’esprit d’entrepreneuriat chez les apprenants.
Mieux, poursuit-il, « je conseille de commencer à initier des choses, de se mettre en groupe et d’essayer d’investir les revenus issus de l’épargne dans des activités génératrices de revenus ». A titre d’exemple évoque Gilles Rostand Chabi, « pourquoi ne pas acheter ensemble des papiers de rame et les revendre aux faiseurs de photocopies. En groupe, ils peuvent payer ses papiers en gros et les revendre à ceux qui font les photocopies afin d’avoir des marchés ». Autre idée proposée par l’enseignant, c’est la satisfaction des besoins proches de leurs camarades. « Il y a aussi les besoins quotidiens au niveau des apprenants qu’ils peuvent satisfaire entre eux. Acheter des stylos et les garder sur soi pour les revendre si éventuellement un camarade a son stylo qui n’a plus d’encre ou qui a cessé d’écrire. Le temps que les camarades ne sortent et n’aillent vers les vendeuses, ils auraient déjà résolu leurs problèmes en classe. Les petites activités peuvent donc les aider à gagner leurs vies et à résoudre, un tant soit peu, quelques problèmes », a-t-il conclu.
De l’usage fait des épargnes

Les avis diverges dans le rang des parents sur la nécessité ou non pour un apprenant de faire des réserves sur l’argent destiné à manger. Pour ceux qui n’encouragent pas la pratique, les raisons sont diverses. Certains parents interviewés dans la parution précédente, pensent que le fait pour un apprenant de cotiser de l’argent peut avoir pour conséquence la détérioration de ses résultats scolaires, si ce dernier ne mange pas bien. Pour d’autres encore, demander à un enfant, surtout une fille, de s’adonner à cet exercice pourrait la conduire dans les bras d’un homme.
Par contre, les parents qui y sont favorables estiment que cela pourrait habituer l’enfant à faire de l’épargne pour la réalisation de ses futurs projets. C’est le cas d’une jeune fille dont l’histoire est contée par l’auditeur-comptable, Boris Janas Agbessi. « J’ai rencontré une jeune fille Alida (prénom attribué) dans une institution de microfinance de la place, il y a quelques années. Lors de nos échanges, elle m’a confié avoir commencé une petite activité depuis le collège, avec une épargne faite pendant plusieurs années », a témoigné l’auditeur-comptable, confortablement assis dans son fauteuil. Vêtu d’une chemise à multiples couleurs, Boris Janas Agbessi poursuit son histoire en faisant observer que pour avoir commencé tôt une activité avec ses économies, cette fille, après ses études universitaires, n’a pas voulu travailler pour quelqu’un. « Dès son entrée à l’université, sa maman qui l’aidait dans le suivi de son commerce, l’a amenée à faire un emprunt dans le but de faire grandir son activité. Après sa licence aujourd’hui, elle s’occupe de son activité elle-même et n’est aucunement intéressée à travailler pour quelqu’un malgré son diplôme professionnel », se réjouit visiblement le conteur au teint noir. A l’en croire, si la finalité de l’épargne chez l’apprenant n’aboutit pas à une expérience comme celle de la jeune Alida, il vaut mieux pour lui, ne pas épargner. Car, déplore-t-il fortement, « nous voyons souvent des apprenants mettre de l’argent de côté pour supporter des frais de photocopies et autres. Cela ne devrait pas être le cas ». C’est le cas de la jeune Edwige, élève au Collège d’Enseignement Général (CEG) 1 Godomey, département de l’Atlantique. « J’ai pris l’habitude d’économiser pour aider ma maman qui nous élève seule. Avec mes économies, je l’aide à nous acheter des fournitures scolaires à mes frères et moi et à faire des photocopies quand c’est nécessaire », affirme la jeune fille, aînée d’une fratrie de cinq (05) enfants.
L’accompagnement des parents pour une meilleure gestion des épargnes
« Avec l’aide des parents, l’économie devra servir pour un apprenant ou étudiant, à développer une activité, c’est-à-dire investir dans quelque chose pour en tirer profit. Ce sont les parents qui pourront aider les apprenants à faire bon usage de leur économie surtout si cela devrait servir tant qu’ils sont apprenants. » Ainsi pense Boris Janas Agbessi, auditeur-comptable, pour situer la responsabilité des parents. Pour ce que remarque généralement l’homme des comptes, les épargnes sont souvent investies dans les photocopies, les tenues ou encore les biscuits et bonbons souvent vendus dans les salles de classe par les filles. Mais lorsque l’économie est bien cadrée par les parents ou quand ces derniers sont associés à l’épargne, l’utilisation faite de la somme réunie à la fin d’une période, peut être sous diverses formes. « Pour moi, il serait mieux que l’économie soit investie dans quelque chose de rentable. Elle peut servir par exemple à une activité, à une formation », a-t-il listé. Mais ceci peut être possible si l’épargne est faite sur une longue durée. « Ce qui serait souhaitable est que l’épargne dure assez longtemps, le temps pour que l’enfant puisse avoir, non seulement le montant qu’il faut, mais aussi la maturité nécessaire qu’il faut pour comprendre. Car, si l’épargne est une initiative de l’apprenant, sans le suivi des parents, elle ne sert pas à grand-chose même si l’utilisation faite de cela n’est pas toujours mauvaise», ajoute t-il.
La Rédaction