La dysorthographie (difficulté à apprendre l’orthographe, ndr) est au coeur des troubles liés à l’apprentissage chez l’apprennant. Ce mal, en effet, se caractérise par la confusion des lettres de même que l’inversion de celles-ci, pour ne citer que ces deux manifestations. Présent déjà dès le bas âge, en raison de plusieurs circonstances, la dysorthographie, quoi que peu connue, s’érige en mal durable chez l’apprenant et lui rend l’apprentissage peu reluisant lorsque ce dernier ne bénéficie pas au plus vite des soins adéquats. Connaître mieux le trouble à travers ses manifestations, causes et comment y remédier, sont autant d’aspects qui abordés, permettront d’éclairer la lanterne de plus d’un. Zénabou Boukari, psychologue de l’éducation, directrice administrative du Centre d’Assistance et de Conseil en Éducation Ste Louise de Siméon (C.A.C.E) en parle à travers cette interview. Lisez plutôt !
Educ’Action : Que pouvons-nous comprendre par dysorthographie?
Zénabou Boukari : D’abord, il faut dire que la dysorthographie n’est pas une difficulté mais un trouble d’apprentissage durable, caractérisé par un défaut d’assimilation important et durable des règles orthographiques. Elle est souvent associée à la dyslexie mais peut également exister de façon isolée. Ensemble, dyslexie et dysorthographie forment le trouble spécifique de l’acquisition du langage écrit, appelé dyslexie-dysorthographie. Autrement dit, les troubles spécifiques d’apprentissage de la lecture et de l’orthographe.
Quelles sont les causes de la dysorthographie ?
Certains facteurs de risque explique ce phénomène: Ce trouble de l’apprentissage est ainsi favorisé par des facteurs médicaux, c’est-à-dire la prématurité, la souffrance néo-natale; des facteurs psychologiques ou affectifs (manque de motivation )et même quand la mère est très tendue pendant la grossesse), des facteurs génétiques (à l’origine d’une altération du système cérébral responsable de l’assimilation du langage écrit), des facteurs hormonaux et des facteurs environnementaux (milieu défavorisé de l’enfant).
Comme la dyslexie, ce trouble est d’origine neurologique et héréditaire. Les enfants atteints de dysorthographie ont des déficits cognitifs. Le premier est d’ordre phonologique : c’est-à-dire que les enfants dysorthographiques auraient des compétences phonologiques et linguistiques inférieures aux autres enfants. Le deuxième deficit est lié à un dysfonctionnement visuo-temporel : ce qui voudrait dire que ces enfants atteints de dysorthographie auraient des difficultés de perception des mouvements et des informations rapides, des troubles de la vision des contrastes, des saccades et fixations oculaires anarchiques.
Sur quelles bases reconnaît-on un apprenant dysorthographique ?
La dysorthographie se manifeste par plusieurs signes qui peuvent être regroupés en plusieurs catégories. Les principaux signes sont une écriture vraiment lente, irrégulière et maladroite. Ce dernier va éprouver des difficultés à associer un graphème à un son. Cela se manifeste par une confusion entre des sons proches, une inversion des lettres, une substitution d’un mot par un mot voisin, des erreurs de copie des mots.
Vous est-il déjà arrivé de prendre sous traitement un apprenant dysorthographique ?
Non. A priori, je suis psychologue de l’éducation. Cependant, pour évoquer un cas que j’ai eu dans mon centre, l’enfant en question a commencé avec la dyslexie (trouble d’apprentissage de la lecture, ndr). Il fait en effet, la confusion des lettres b et d lorsqu’il écrit. Hormis cela, dans la lecture, il a du mal à prononcer certains mots. Il voit bien ce qui est écrit, il peut bien le répéter mais quand il s’agit de prononcer les lettres, il dit autre chose. L’autre exemple est qu’il peut bien recopier aujourd’hui une phrase ou un mot mais demain, écrire la même phrase ou le même mot n’est pas possible. Ces enfants aussi, tantôt écrivent de façon lisible et parfois aussi écrivent sans qu’on ne puisse déchiffrer une seule lettre de tout ce qu’ils ont écrit. Quand nous avons décelé cela, nous avons fait appel aux parents afin de discuter avec eux. C’est suite à cet entretien que les parents nous ont expliqué qu’à la naissance, l’enfant en question n’a émit aucun cri.
Peut-on remédier totalement à la dysorthographie ?
Oui, dans la mesure où le trouble a été vite détecté. C’est ce que nous faisons d’ailleurs, ici au Centre d’Assistance et de Conseil en Éducation Ste Louise de Siméon (CACE). Dès que nous détectons un enfant très tôt qui a cette difficulté, nous l’orientons en même temps vers les psychologues cliniciens. Aussi, faut-il dire que dès que ce cas est vite détecté par les encadreurs de l’enfant, il est possible de remédier au mal à travers des exercices et des soins avec l’enfant. Cependant, lorsque le mal n’est pas vite détecté, il est durable.
Que conseillez-vous aux enseignants dans la dynamique d’un bon accompagnement de ces apprenants ?
Je dirai aux enseignants que très tôt, déjà au CI ou à la maternelle, s’ils constatent que certains enfants réagissent de façon anormale sur les aspects que j’ai évoqué déjà, il faut que ces derniers informent et commence à attirer l’attention des parents sur ces aspects et si possible que l’enfant aille en consultation chez un psychologue clinicien. C’est très important puisque les enseignants sont plus proches des enfants en termes d’apprentissage. Il leur revient donc de déceler au niveau des apprenants des difficultés d’assimilation, d’écriture, de lecture, etc.
Le premier réflexe de l’enseignant doit être d’informer les parents des apprenants en situation d’apprentissage difficile. Malheureusement, ce qui se constate de plus en plus, est que tous les enseignants ne donnent pas un retour aux parents parce qu’ils se disent qu’il n’y a pas que ça à faire. Ce sont des parents qui parfois dans le souci d’effectuer un suivi sur leurs enfants, se rapprochent des enseignants pour poser le plus de questions possibles sur leur apprentissage et comment est-ce qu’ils réagissent en classe.
Que dire pour conclure ?
Je dirai que la dysorthographie est un trouble qui est bien réel mais qui reste méconnu ici, dans notre milieu. Quand l’enfant a des difficultés, il est facile pour les enseignants d’assimiler ce trouble à des difficultés d’apprentissage alors que loin d’être une difficulté pour les apprenants, cela constitue vraiment un trouble. Je conseille aux enseignants, que lorsqu’ils décèlent ces difficultés, qu’ils informent les parents afin que ces derniers soient orientés vers les spécialistes du domaine pour classifier le mal et savoir s’il s’agit des difficultés ou des troubles et savoir conséquemment que faire.
Propos recueillis par Gloria ADJIVESSODE