Consultant en gouvernance et économie de la culture, William Codjo est le superviseur principal de l’étude de recherches sur les pratiques culturelles communes aux régions côtières du Bénin, du Togo et du Ghana. A travers cette interview accordée à Educ’Action, l’expert renseigne sur l’objectif du projet et ses bienfaits pour les acteurs culturels.
Educ’Action : Vous êtes superviseur d’une étude portant sur les régions côtières du Bénin, du Togo et du Ghana. Quel est l’intérêt de cette étude ?
William Codjo : La particularité de ce travail, c’est que cela tourne autour de la transversalité. C’est une étude qui se déroule simultanément dans trois pays à savoir le Bénin, le Togo et le Ghana. Elle est concentrée sur les régions côtières. Pourquoi les régions côtières ? Parce que c’est essentiellement dans ces régions que sont situées les principales agglomérations des trois pays. Donc, le travail est concentré sur la bande côtière afin de voir un peu les habitudes des populations qui sont situées dans ces régions, en matière culturelle. D’abord, c’est pour voir l’offre culturelle disponible et aussi sa demande. Vous savez que quand on parle de marché, c’est la rencontre de l’offre et de la demande. Donc, quelle est l’offre et quelle est la demande ? Cela permet aux partenaires qui soutiennent les activités culturelles de savoir ce qui se passe et la dynamique qui existe au niveau de cette région afin de voir comment se positionner pour soutenir le secteur culturel de la manière la plus efficace possible.
Quelles sont les disciplines artistiques concernées par cette étude ?
Ce sont essentiellement les disciplines classiques à savoir la musique, les arts vivants, les arts visuels, le patrimoine, le cinéma, l’audiovisuel, l’édition et l’artisanat d’art. Donc, vous voyez que c’est assez large et on s’intéresse également aux fonctions qui viennent en support à ces différentes filières. Il s’agit des organismes qui font de la formation des acteurs culturels, des organismes qui font de la promotion du secteur culturel, les organismes qui font dans le financement du secteur culturel ou dans le conseil aux entreprises culturelles. L’objectif, c’est de voir les dispositifs qui sont en place et comment ces dispositifs fonctionnent en vue d’apporter le meilleur à ces différentes filières.
Dans le cadre de cette étude, des experts sont allés à la rencontre des acteurs culturels dans plusieurs villes du Bénin.
Quel est l’objectif de cette tournée ?
L’objectif de cette tournée, c’est de faire ce que nous appelons des rencontres sectorielles avec les acteurs pour pouvoir identifier ceux qui sont sur le terrain et qui opèrent aujourd’hui dans le domaine de la culture. Il s’agit d’identifier également les différents éléments, c’est-à-dire les difficultés, les impacts que ces événements ont sur leurs différentes cibles et voir les points sur lesquels il faut travailler pour avoir plus de résultats.
Comment les acteurs culturels ont apprécié l’initiative ?
Nous sommes encore au niveau du traitement des données collectées. C’est après le traitement que nous allons analyser et voir les pratiques culturelles actuelles et les tendances dans les années à venir parce qu’il est important de savoir cela pour se préparer à accompagner ces acteurs. C’est un travail qui est demandé par l’Union européenne (Ue) et vous savez très bien que l’Ue est l’un des partenaires de la culture dans la sous-région. Donc, il faut comprendre les dynamiques en cours pour savoir comment soutenir les acteurs qui évoluent dans ces domaines au cours des années à venir. C’est cela l’enjeu principal.
Est-ce que les objectifs de la tournée sont atteints ?
Oui, les objectifs sont atteints. Le travail va se poursuivre avec des rencontres beaucoup plus individuelles au niveau des personnes ressources qui n’ont pas eu le temps de se déplacer. La collecte se fait également en ligne avec des questionnaires que ceux qui n’ont pas eu le temps de se déplacer peuvent remplir à distance. C’est important de le faire parce que cela permet d’avoir la photographie d’aujourd’hui, la configuration du secteur de la culture pour savoir exactement ce qui se fait et par qui. Si les acteurs culturels n’expriment par leurs projets, il sera difficile de se préparer à les accompagner et se sera leur propre faute parce que la coopération internationale est disposée à les accompagner, mais il faut qu’ils se démarquent et qu’ils s’affichent pour qu’on sache un peu ce qu’ils font et comment ils le font. Avec quels moyens et comment ils pourraient mieux faire si on leur mettait plus de moyens à disposition.
Quelle sera la suite du projet après les études menées dans les trois régions côtières des trois pays impliqués ?
La prochaine étape sera une table-ronde qui va être organisée à Lomé. C’est pour le 15 juin prochain et on souhaiterait que les différentes filières artistiques qui sont actives au niveau des trois pays se retrouvent pour permettre aux acteurs d’échanger avec leurs homologues des autres pays sur les enjeux de leur secteur. Vous savez, pour partir du Bénin et aller à Lomé, c’est juste 2 heures. Nous partageons la même langue officielle qui est le français. C’est pratiquement les mêmes peuples qui sont de part et d’autre de cette frontière. Donc, nous partageons beaucoup de choses. Mais quand on crée un spectacle, par exemple au niveau du Bénin, c’est difficile de penser automatiquement à aller se produire au Togo pour augmenter la taille du marché. C’est quelque chose qui est déplorable et vice-versa. Or, c’est beaucoup plus facile aujourd’hui pour une création faite à Cotonou de se diffuser à Lomé plutôt qu’à Parakou. Comment est-ce qu’on doit organiser la circulation des œuvres et des artistes pour qu’il y ait une sorte de fluidité en matière artistique, qu’il y ait un brassage, pour qu’il y ait plus de collaboration entre les acteurs et que le marché se développe davantage pour les acteurs et qu’on ait des mécanismes de financement qui encourage cette supranationalité ? Les arts et la culture, c’est un enjeu, c’est important. Donc, c’est d’amener les acteurs à se rencontrer, à se parler et à parler avec leur PTF. C’est ensemble que nous allons réfléchir à la formule.
Propos recueillis par Edouard KATCHIKPE