Wilfried Aimé Tchibozo, manager du VESOS Abomey-Calavi, à propos de l’employabilité des jeunes : « C’est une préoccupation majeure sur laquelle l’organisation travaille avec plusieurs projets » - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde

Wilfried Aimé Tchibozo, manager du VESOS Abomey-Calavi, à propos de l’employabilité des jeunes : « C’est une préoccupation majeure sur laquelle l’organisation travaille avec plusieurs projets »

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Créé en 1987, le Village d’Enfants SOS (VESOS) Abomey-Calavi continue son combat quotidien pour la protection de l’enfant à travers deux programmes et plusieurs projets. Depuis quelques années, Wilfried Aimé Tchibozo tient les rênes de l’organisation logée en plein cœur de la commune d’Abomey-Calavi en qualité de manager. En exclusivité, il dévoile les actions menées par son institution pour le bien-être des enfants et des jeunes. Employabilité, résultats des actions, protection de l’enfant, formation technique et professionnelle, défis, sont autant d’aspects abordés par le responsable qui lance un appel aux dons.

Educ’Action : Présentez-nous le Village d’Enfants SOS Abomey-Calavi.

Wilfried Aimé Tchibozo : Le village d’enfant SOS d’Abomey-Calavi est le premier village d’enfants SOS mis en place au Bénin en 1987 par SOS village d’enfants. Le village compte aujourd’hui deux programmes phares. D’abord le programme qui s’occupe de la prise en charge de remplacement. Il s’adresse aux enfants qui ont perdu leurs parents et qui n’ont pas de proches pour s’occuper d’eux. Ensuite, le renforcement de la famille qui constitue un programme pour soutenir les familles qui ont besoin d’accompagnement pour mieux s’occuper de leurs enfants. S’agissant du programme de la prise en charge du remplacement, il y a une nouvelle option pour les enfants qui ont perdu la prise en charge familiale. SOS village d’enfants développe aujourd’hui, avec le gouvernement, une initiative de familles d’accueil pour ces enfants-là.
Nous avons également l’Ecole Secondaire des Métiers d’Arts (ESMA) qui offre les formations en art à tous les enfants de ce pays ; mais aussi des structures annexes, un programme qui s’occupe spécifiquement de la promotion de la santé et un autre qui s’occupe de l’employabilité et la formation des jeunes. Nous avons aussi de nouveaux projets.

Plus de deux ans que vous êtes le 1er responsable de ce village. Quels sont les défis auxquels vous faites face ?

Les villages d’enfants font face aux défis qui sont liés à leur mission, la protection des enfants. Le défi se situe plus spécifiquement dans la mise en place des structures, des outils et d’une meilleure appropriation des approches pour une protection de qualité des enfants et qui va en droite ligne avec la qualité de la prise en charge. Nous avons également à faire de la promotion de l’employabilité des jeunes. C’est une préoccupation majeure et un défi sur lequel l’organisation travaille avec plusieurs initiatives. Nous avons comme défi également de faire une meilleure implantation des projets et des initiatives en cours. Il y a également de grands défis pour nous en matière d’approches et d’innovations dans la collecte des fonds pour l’organisation.

Quelles sont les orientations stratégiques de VESOS Abomey-Calavi pour l’année 2022 ?

Je viens d’énumérer quelques défis et ils sont pris en compte de manière stratégique dans des axes que nous avons déterminés. Ces axes s’occupent des enfants sur une base d’accroissement des options de leur prise en charge. Nous travaillons également sur la promotion de l’autonomisation des enfants, des jeunes et des familles. Nous travaillons également sur des options transversales au niveau stratégique comme l’égalité et l’équité de genre. Nous abordons aussi la question de l’inclusion. Par ailleurs, nous nous investissons pour une bonne participation des enfants et des jeunes à nos programmes. Nous insistons sur les stratégies pour une meilleure connaissance des projets et une plus grande implication, ce qui va aboutir à la mise en œuvre des projets et la multiplication des fonds pour l’organisation.

Pourquoi ce choix stratégique de l’insertion socio-professionnelle des jeunes ?

Nous insistons beaucoup sur ce volet aujourd’hui parce que ça constitue une préoccupation au niveau de la Fédération qui y a consacré une partie de la stratégie. Au niveau des villages d’enfants SOS, de manière générale, on remarque qu’il faut travailler beaucoup plus sur l’insertion professionnelle des jeunes. Les enfants pris en charge sont ceux qui n’ont pas un réseau social élargi. Ce sont des enfants qui n’ont pour parents que le cercle de prise en charge et ont besoin de soutien, d’un réseau socio-professionnel pour s’insérer facilement. Nous savons tous et nous sommes tous d’accord que les fonds que nous investissons pour la prise en charge des enfants viennent des donateurs. C’est un personnel qui travaille au quotidien pour que ces enfants et ces familles puissent vraiment trouver leur bonheur et leur chemin. Si nous arrivons à terme et que ces enfants pour lesquels nous avons fait tous ces investissements financiers et humains ne réussissent pas, et qu’ils ne sont pas réellement capables d’assumer ; ou que ces familles, après une durée de prise en charge dans le programme, ne sont pas en mesure de se prendre en charge, alors les fonds que nous avons dépensés et les efforts du personnel ont été vains. Donc la fédération travaille sur cette question avec des initiatives, des projets pour obtenir de meilleurs résultats. Nous n’avons pas besoin d’audit pour voir s’il y a des réussites. Il suffit de prendre un enfant pour voir ce qu’il est devenu surtout dans la prise en charge à long terme.

A ce propos, vous avez récemment lancé le programme YouthCan. De quoi s’agit-il ?

YouthCan est une initiative de SOS village d’enfants qui s’occupe de l’employabilité des jeunes. Cette initiative travaille sur le partenariat avec des structures dans le domaine professionnel. Sur ce programme, SOS village d’enfants travaille pour une mise en œuvre conjointe avec les partenaires, une implication profonde des volontaires afin d’aborder la question de la compétitivité, de l’employabilité, tout ce qui tourne autour des renforcements de capacités des jeunes pour qu’ils soient réellement employables. Le programme est en cours de mise en œuvre au Bénin et cela a déjà évolué dans d’autres pays.

Qu’est-ce que YouthCan apporte comme opportunité aux jeunes des villages d’enfants SOS et aux jeunes du Bénin ?

YouthCan se base spécifiquement sur les partenariats. Le grand travail est fait par les partenaires qui mettent à la disposition de SOS village d’enfants, les moyens et leur personnel pour favoriser le renforcement des capacités des jeunes. Un jeune qui a ses parents, qui a une famille élargie, a quand même un réseau qui lui permet de trouver un emploi à un moment donné. Alors que le jeune qui est en prise en charge de remplacement ou de protection, qui n’a pas ce réseau est déjà défaillant. Donc déjà, YouthCan permet la mise en place d’un réseau de professionnel dans le domaine de l’employabilité. Ce réseau leur offre des possibilités de diversification des options d’insertion professionnelle. Ils ont ainsi des figures, des personnes ressources de qualité qui pourront vraiment leur servir de mentor, de guide ou de parrains professionnels.
YouthCan apporte dans le monde entier et au Bénin, beaucoup de nouveautés dont des projets qui fonctionnent déjà. Il y a le projet Coderstrust qui est en cours dans le pays et qui constitue une possibilité pour les jeunes de se faire former et de faire le freelancing. Ils deviennent des professionnels dans le domaine de l’utilisation du numérique. Après quatre mois, ils sont déjà en mesure de rentrer dans un réseau de professionnels du numérique et de travailler à distance pour gagner beaucoup d’argent. Ils le font avec des structures américaines, européennes. Des jeunes l’ont déjà fait et aujourd’hui, ils ont plusieurs contrats en cours. C’est non seulement une opportunité pour les jeunes en prise en charge dans les villages d’enfants SOS, mais également pour les jeunes de ce pays.
Nous avons également un projet appelé learniship qui permet de faire la certification des jeunes en anglais. Aujourd’hui, si tu veux faire de grandes études ou aller dans les universités européennes ,il te faut une certification en anglais. Cette opportunité est d’abord donnée aux jeunes en prise en charge à SOS. Ça coûte extrêmement cher et nous ne sommes pas encore arrivés à obtenir les options de réduction pour l’ouvrir à d’autres. C’est une certification qu’ils obtiennent avec des études à distance et qui leur permettra de s’inscrire dans toutes les formations où c’est exigé d’avoir une certification en anglais.
Nous avons aussi signé un partenariat cette année avec la meilleure structure en plomberie en Europe. Je veux parler de la société Grohé qui est prête à s’implanter au Bénin. Les dispositions sont en cours pour leur installation. Après quoi, ils pourront former les jeunes, tant nos jeunes que ceux qui répondent à notre cible, en plomberie dans une période très courte. Avec le temps ,nous essayerons vraiment de faire la migration, puis permettre aux structures étatiques d’y prendre part. Une fois installée, dans une période relativement très réduite, ils pourront faire former les jeunes en plomberie et leur fournir l’équipement nécessaire qui leur permettra de commencer à travailler juste à la fin de la formation. Grohé fait une promotion dans le social et une ouverture dans les pays africains. Les activités vont commencer à SOS village d’enfants, mais nous allons continuer et permettre l’insertion de cette filière dans les formations pour les Béninois. Nous allons, avec le temps, mettre en place les curricula et le gouvernement pourra apprécier et voir comment continuer.
Ce sont autant d’opportunités aujourd’hui qui s’offrent à nous dans le cadre de ce programme YouthCan qui constitue un projet d’avenir. Nous avons la certitude qu’il va aider, non seulement les jeunes des programmes de SOS, mais aussi beaucoup plus les jeunes de la communauté, et pourquoi pas du Bénin.

Village d’enfants SOS Abomey-Calavi abrite aussi l’Ecole Secondaire des Métiers d’Art (ESMA). Comment contribue-t-elle au développement du Bénin dans ce secteur phare qu’est l’enseignement technique et la formation professionnelle ?

L’ESMA agit pratiquement dans tous les secteurs artistiques. Il faut dire que le gouvernement actuel travaille beaucoup pour la mise en place de cette dimension du développement du pays. Il y a eu, comme vous le savez, l’exposition à la présidence. Des anciens apprenants de l’ESMA ont aussi fait des créations artistiques qui ont été exposées. L’ESMA aborde la question de l’art dans le développement de l’individu et d’un pays. Les classes artistiques se mettent en place actuellement dans le pays. Le personnel de l’ESMA a aussi participé à la conception de ce projet noble du gouvernement.
L’ESMA apporte son soutien pour que la place de l’art dans le développement national soit une réalité au Bénin et que les Béninois arrivent vraiment à reconnaître que c’est un aspect capital du développement de l’individu. Quand nous prenons l’art, beaucoup ne perçoivent pas la place que cela occupe dans le développement d’un individu, dans la promotion d’un pays. Nous allons-y travailler avec tout ce que nous avons comme stratégie pour que ça soit quelque chose de mieux compris. De plus, au niveau de l’accompagnement et de l’orientation des enfants, cette dimension doit être prise en compte par les parents.

Parlant d’enfants, quels sont les défis du VESOS Abomey-Calavi en termes de protection ?

Notre cheval de bataille, c’est la protection de qualité des enfants. Nous sommes dans un environnement où il faut travailler à l’interne et à l’externe. S’agissant des défis à l’interne, c’est beaucoup plus une bonne appropriation des outils en place. Nous pouvons déjà dire ‘‘bravo’’ parce qu’à l’interne, nous avons une structure pour assurer une protection, avec toutes ses implications. Le système de protection dans l’organisation fait partie des meilleurs. Il faut maintenant un accompagnement pour son développement, son évolution. Nous y travaillons avec tous les moyens dont nous disposons.
Nous avons aussi à faire une protection communautaire. Nous avons des enfants et des projets implantés dans la communauté sur lesquels il y a vraiment un grand travail de sensibilisation à faire pour vraiment attirer l’attention sur des aspects, des comportements ou des pratiques qui ne sont pas en droite ligne avec les questions de protection des enfants. Au niveau global, nous travaillons dans un réseau qui met en œuvre nos stratégies de développement. Cela nous permet de travailler pour que les lois et les textes qui prennent en compte les droits et la protection de l’enfant soient mieux connus.

En termes de résultats, qu’est-ce que le public peut retenir des interventions du VESOS Abomey-Calavi ?

En termes de résultats, le premier à voir est l’aboutissement de nos programmes. Aujourd’hui, nous pouvons dire que les résultats de nos programmes sont perceptibles par le public proche, le public qui a connaissance de nos activités. Si nous prenons le VESOS Abomey Calavi, nous avons plusieurs enfants qui sont déjà dans la vie active, qui travaillent pour le développement de ce pays. Nous avons des jeunes dans presque chaque secteur d’activité. Mais ce sont des jeunes qui sont pris en charge comme tout autre jeune et qui ont évolué. Que ça soit au niveau de l’éducation, de la médecine, de l’artisanat, de l’informatique, de l’agronomie, dans tous les domaines nous avons des jeunes qui ont réussi, qui ont fini et qui se prennent réellement en charge. Nous avons une centaine de familles, qui sont également autonomes et qui ont pris par le VESOS Abomey-Calavi et qui sont à même aujourd’hui de faire la prise en charge de leurs enfants comme nous le souhaitons.
Nous avons de nouvelles options pour les enfants. Ce sont des opportunités qui permettent à SOS village d’enfants d’augmenter ses capacités et ses interventions. Cela permet de cibler plus d’enfants qui sont dans le besoin.

Pourquoi est-il important pour les Béninoises et Béninois d’aider et de soutenir le VESOS Abomey-Calavi à travers leurs divers dons ?

Il faut remercier les Béninois car ils font déjà ce qu’ils peuvent mais ce n’est pas encore à la hauteur des besoins. La prise en charge est une question de moyens, surtout quand on veut la faire dans une dimension de qualité en prenant en compte tous les besoins des enfants. Cela demande de grands moyens et nous ne pouvons qu’attirer davantage l’attention du public vers les villages d’enfants SOS. Pas seulement pour la contribution financière, c’est vrai qu’elle est majeure, mais on peut contribuer sans obligatoirement les finances. On peut apporter le soutien sans nécessairement mettre de l’argent. C’est une organisation non gouvernementale, une organisation qui n’est pas fermée et qui peut accueillir toutes les initiatives d’accompagnement. Nous avons ce défi de poursuivre la sensibilisation pour attirer vers les villages d’enfants SOS davantage de regards, d’esprit de solidarité et de dons pour permettre à l’organisation de mettre en œuvre de nouveaux projets qui sont en cours et qui ont besoin d’être financés au profit des enfants.

Quel est votre appel aux Béninoises et Béninois, aux diverses organisations, aux entreprises pour vous soutenir dans cette œuvre noble de protection et de bien-être de l’enfant ?

Je voudrais dire à tous les Béninois que la question de la protection des enfants est une question centrale, même pour le développement de ce pays. Cela constitue un problème de tout le monde. La question de la protection des enfants n’est pas seulement une affaire des organisations, du gouvernement à travers le ministère de la famille ou des autres ministères qui sont appelés à travailler dans le secteur, mais c’est l’affaire de chaque Béninois. Je voudrais inviter tous les Béninois à venir découvrir ce que les villages d’enfants SOS font et les besoins qu’ils peuvent couvrir. Ainsi, nous pourrons aider beaucoup d’enfants parce qu’il n’y a pas de jours sans que des enfants soient jetés quelque part. On abandonne l’enfant dans un coin de rue et on disparaît, on dépose l’enfant dans un hôpital et on s’en va, et on ne sait pas là où se trouvent les parents. On dépose des enfants quelque part au niveau des églises, on disparaît et on ne demande jamais. Ce sont des questions d’ordre vraiment social qui demandent l’engagement de tous. Afin que, dans une dynamique d’ensemble, nous tendions vers les pays de ce monde qui ne vivent plus de pareilles situations. C’est un appel que je lance à tous les Béninois. Qu’ils s’engagent sur la question de la protection des enfants et qu’ils soutiennent les Villages d’Enfants SOS à travers diverses contributions qui sont les bienvenues.

Propos recueillis par Adjéi KPONON

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