Violence : J’ai aimé ! - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde

Violence : J’ai aimé !

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Moi, c’est Fati. En ce moment où la planète entière s’inquiète des violences faites aux femmes, je voudrais donner mon témoignage. Aujourd’hui, je suis mariée et c’est ma famille qui a choisi pour moi. Le plus curieux de l’affaire, c’est que je ne regrette pas. Quand je pense aux évènements qui m’ont amené dans la case de mon homme, je me dis que si c’était à refaire, je trouverai un autre moyen qui me mènerait soit auprès d’un de mes enseignants qui me poursuivait de ses assiduités soit vers le jeune et pétillant Moussa, un de nos camarades. Le premier, au demeurant timide n’arrivait pas à se décider à me « terrasser » comme on dit chez nous. Tout le monde était d’accord que c’était un beau parti. Un enseignant ? Il n’y avait rien de mieux dans nos villages. Le second, plein de bagou me jurait que son cœur ne battait que pour moi ; lui qui allait devenir un grand lettré. Un peu plus tard après mon mariage, il engrossa ma meilleure amie et se résolut à devenir un paysan pour nourrir sa famille. Chez nous, c’est rapide : Tu prends femme, tu t’occupes d’elle.
Mon histoire est venue d’assez loin : Le premier problème qui se posa à moi, ce fut lorsque j’eus pour la première fois mes menstrues. C’est connu, chez nous, une femme qui arrivait à ce stade devrait automatiquement se marier. La famille dans les mois qui suivaient réglait le problème en cherchant un prétendant. Par chance, mes premières règles apparurent alors que j’étais à la maison avec ma mère. Face à sa fille apeurée, elle réagit au quart de tour me montrant ce que je devrais faire et m’intimant l’ordre de ne rien dire autour de moi si je voulais continuer l’école. Ma mère, à l’évidence, n’était pas pressée de me marier ou plutôt, elle se demandait si le professeur du collège allait se décider à sauter le pas. Le collège était à quelques kilomètres de notre village perdu et nous y allions tous le matin en groupe. Il semble que j’étais une des filles qui développait une beauté naturelle sans chichi. Je sentais déjà beaucoup de regards qui m’examinaient, me soupesait, et se demandaient si je serai un bon parti. Malgré mes seize printemps, je me rendais compte de beaucoup de choses et à l’évidence, à âge égal, j’avais de loin plus de maturité que les filles de la ville. Mes seize ans valaient plus que leur majorité.
Sur le chemin de l’école, nous passions toujours devant la plus grande ferme du village et à chaque fois le fils aîné venait nous voir aller vers l’école. Il restait immobile comme perdu dans ses pensées. Certaines de mes camarades cherchaient à attirer son regard, car c’était, dit-on, l’un des plus beaux partis ; mais il n’en avait cure et lorsque nous continuons au loin, il s’enfonçait et disparaissait dans la végétation protectrice entourant leurs champs. Sa venue était maintenant quotidienne et souvent au soir, il nous gratifiait d’une apparition protectrice sur cette longue route. Ne vous méprenez pas : il n’avait rien du prince charmant ! Il s’habillait plutôt mal et semblait avoir besoin d’être mieux nourri ; lui qui venait d’une grande famille.
De l’autre côté, la famille s’étonnait qu’une fille de mon âge n’ait pas encore ses règles et on commença à se demander si ma mère ; cette femme dont tout le monde connaissait le caractère entier et la capacité de braver certaines coutumes ne cachait pas quelque chose.
Le village étant petit, tout se sut bientôt. D’abord mon père remarqua notre manège et demanda à sa femme. Il eut un bref échange et mon père se rangea à l’avis de sa femme. Mon père d’un naturel calme laissait sa femme rentrer dans toutes ses transes mais prédit que bientôt cela se saurait. En effet, une vague tante inquisitrice à ses heures remarqua le nombre de toiles servant à gérer le processus. De bouche à oreille, tout le village fut au courant et quelques sages, parents et amis nous visitèrent. Chacun répétait : la tradition est la tradition.
Ma mère m’appela et me demanda si l’école continuait à m’intéresser. Je répondis oui mais en réalité, ce qui intéressait toute notre jeunesse du village, c’était cette escapade perpétuelle que représentait l’école qui ne nous apprenait strictement rien qui soit lié à l’évolution de nos milieux. Pire, on dévalorisait la large majorité qui s’occupait des champs pour nourrir les autres. Non, L’école ne me plaisait pas par son contenu car elle ne nous donnait rien à appliquer et nous éloignait de nos parents.
Ma maman réfléchit toute la nuit et me dit au petit matin : On va suivre la tradition et tu vas te marier maintenant que tu as dix huit ans. Je fus rempli d’émotions, car j’étais convaincu qu’elle allait trouver la solution pour me sortir de ce piège. Elle constata mon grand désarroi. Ne t’en fait pas ? Je ne les laisserai pas te donner à n’importe qui !
Bientôt, on vint nous dire que le prétendant était trouvé et que c’était le plus beau parti des alentours. On organisa un rendez-vous entre parents et enfants et quelle ne fut ma stupéfaction de découvrir que c’était le jeune homme qui nous observait sur la route de l’école.

Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe

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