Dans les établissements d’enseignement primaire voire secondaire, des disparités s’observent dans le rang des apprenants. Il y a, par endroits, des apprenants à besoins spécifiques dont ceux dysgraphiques. Pour leur allumer les faisceaux de la réussite, enseignant et spécialistes des questions de l’enfant doivent avoir un œil regardant sur eux. Bienvenue dans le monde des apprenants dysgraphiques.
Hélène (prénom attribué) est âgée de 9 ans. D’une taille courte, elle est en classe de CP à l’Ecole Primaire Publique (EPP) Fifatin logée dans la région pédagogique N°29. Lors des devoirs de classe surtout ceux liés à l’expression écrite, elle présente des difficultés à écrire, à former les lettres. « En classe, nous faisons l’expression écrite souvent mais ce n’est pas facile. Elle écrit lentement et avec difficulté. C’est une fille qui a un souci d’écriture et je suis obligée de la motiver pendant les activités pédagogiques. En réalité, c’est une enfant qui a un retard de croissance. », lâche Eugénie Akandé, institutrice de Hélène à l’EPP Fifatin. La situation de Hélène n’est pas un cas isolé. Ils sont nombreux dans les établissements d’enseignement primaire et secondaire à souffrir du trouble du langage écrit. « Ils ont des difficultés à bien orienter les lettres, à assouplir le geste scripteur. Puisque ces enfants sont mal déchiffrés par les enseignants, ils ont souvent de mauvaises notes, les moqueries des pairs … », fait constater Finagnon Djossou épouse Dossa, orthophoniste. Il s’agit là de la dysgraphie, un mal qui s’observe au cours de l’enseignement-apprentissage-évaluation.
La dysgraphie : Un désordre de la graphie ?
Tout jeune enfant au contact des apprentissages scolaires rencontre bien des difficultés pour écrire. Mais chez le jeune dysgraphique, la difficulté persiste et se consolide malgré l’âge et les moyens ordinaires de l’entourage. Le cas de Hélène n’est pas nouveau pour les spécialistes approchés. « Un apprenant dysgraphique est celui-là qui a le trouble du langage écrit. En d’autres termes, c’est le trouble qui affecte l’aspect formel de l’écriture », explique l’orthophoniste, Finagnon Djossou épouse Dossa pour situer sur le désordre de la graphie. Concernant environ 10% des enfants surtout des garçons, la dysgraphie touche ceux qui débutent dans l’écriture. Cependant, elle peut également faire son apparition à n’importe quel âge, dans le cadre de certaines pathologies que sont, entre autres, la maladie de Dupuytren, de parkinson. « Un apprenant dysgraphique est un apprenant qui a un problème d’écriture dans lequel il ne parvient pas à organiser et à coordonner son écriture, ce qui la rend difficilement compréhensible. La dysgraphie est un trouble durable. Il n’est pas que passager », a indiqué Mickaël Viégbé, psychologue clinicien. Toujours sur la même lancée, Wilfried Kouélo, éducateur spécialisé précise que « les mots de l’apprenant dysgraphique sont mal écrits. Ils ne restent pas sur la ligne ou on observe des lettres qui rendent difficiles la lecture et la compréhension ». Ainsi, quelques aspects et comportements permettent à l’enseignant, aux spécialistes d’identifier les apprenants souffrant du trouble du langage écrit.
De la détection de la dysgraphie aux origines…
Ecriture excessivement lente ; fatigue et douleur dans l’écrit ; écriture illisible et peu compréhensible ; inefficacité de son geste à l’écrit, défauts dans la connaissance et la représentation des parties du corps, des activités de rythme, d’orientation spatiale, du temps, de latéralité ; production écrite très désordonnée. C’est le champ lexical de la dysgraphie chez l’apprenant. Mieux, ce sont les signes d’alertes du trouble du langage écrit. « L’apprenant a des difficultés à se faire comprendre par écrit ; l’écriture est lente ; écrire est fatigant voire douloureux ; réaliser une tâche supplémentaire est impossible pour lui, car l’écriture demande à elle seule trop d’efforts ; l’apprenant va de moins en moins écrire », fait savoir le psychologue clinicien Mickaël Viégbé. Pour Wilfried Kouélo, également spécialiste en prise en charge des enfants à besoins spécifiques, l’enfant souffrant d’une dysgraphie se reconnaît par trois principaux symptômes. Il s’agit, selon lui, d’une écriture excessivement lente, d’une écriture illisible et peu compréhensible et d’une production écrite très désordonnée. « La lenteur de l’enfant s’explique par l’inefficacité de son geste à l’écrit. Ne pouvant pas écrire les lettres et les caractères de manière naturelle et automatique, il doit fournir un grand effort pour arriver à exécuter des formes graphiques sur le papier. La pression n’a aucun effet sur sa vitesse d’écriture, mais pourrait rendre sa production encore moins soignée. Car, s’il est forcé à accélérer, il fournira moins d’efforts, d’où l’écriture illisible », a-t-il martelé.
Parlant des origines de la dysgraphie chez l’apprenant, elles sont bien visibles et plus ou moins sévères. « Les origines sont multiples, variées et peuvent être comportementales ou associées à un handicap, la gaucherie contrariée et une forte part est attribuée à l’affectivité », a précisé Finagnon Djossou épouse Dossa. Wilfried Kouélo, éducateur spécialisé va plus loin dans ses envolées explicatives. « Elle peut provenir d’une mauvaise posture ou encore un mauvais placement de la feuille, d’une motricité fine pas assez développée chez l’enfant, d’une latéralité pas encore définie, d’un contexte familial ou scolaire compliqué », a-t-il affirmé. Encore poursuit-il, ce trouble de l’écriture peut complexer l’apprenant et avoir des répercussions sur sa scolarité, son estime et sa confiance en soi. « L’élève présente des difficultés motrices générales c’est-à-dire la mauvaise perception du schéma corporel ; des problèmes de latéralité ou une mauvaise posture. Il a des difficultés à reproduire les lettres, ce qui s’observe notamment en cas de troubles visuels ; un handicap visuel chez l’enfant. Ici, il s’agit surtout de troubles de la coordination oculomotrice ; la crampe de l’écrivain ; une immaturité psychologique liée au manque de confiance en soi, de problèmes familiaux. Il y a parfois une dyslexie qui s’associe généralement à une dysorthographie, notamment si l’enfant cherche à accélérer le rythme de son écriture », explicite Mickaël Viégbé, également orthophoniste. Du côté de ces apprenants à besoins spécifiques, aucun défi neurologique ou intellectuel n’explique ce trouble. Néanmoins, des difficultés se présentent lors des séquences pédagogiques. D’où la prise en charge de l’apprenant dysgraphique est pluridisciplinaire.
De la prise en charge aux exercices pratiques…
Pour une meilleure prise en charge de l’apprenant dysgraphique, les parents doivent prendre langue avec un psychologue clinicien, un éducateur spécialisé, un orthophoniste, un psychomotricien, un ergothérapeute. Tout ceci après le diagnostic. « Étant éducateur spécialisé de formation, rien ne peut se faire avec les enfants dysgraphiques sans la rédaction d’un projet de vie ou d’un projet spécialisé. Ce projet prend en compte les besoins spécifiques de l’enfant afin de l’aider pour l’atteinte de son autonomie », a indiqué l’éducateur spécialisé Wilfried Kouélo avant de souligner qu’il n’y a pas d’âge pour consulter et résoudre des difficultés d’écritures. « Le psychologue clinicien établit le profil psychologique de l’apprenant de par son écriture. Donc par des exercices types nécessaires. Mais c’est en fonction des types de difficultés relatives à sa personnalité que les exercices sont présentés. Par exemple pour un apprenant qui a un manque d’estime de soi, il faut lui proposer des exercices de dessin, de description pour dissiper cette énergie agressive », dira pour sa part Mickaël Viégbé, psychologue clinicien. Pour l’orthophoniste Finagnon Djossou épouse Dossa, « lorsque les difficultés résistent aux activités sus-citées assidûment passées, l’enfant écrit à l’envers, l’idéal sera de consulter un spécialiste pour bénéficier d’un suivi adapté. Il faut consulter l’orthophoniste ». L’école regroupant des catégories d’apprenants, l’attention et la considération permettent de corriger les dysfonctionnements observés en situation de classe. Dans cette condition, des exercices sont à prioriser pour sauver les meubles. Au nombre de ces exercices, il y a entre autres, des exercices de relaxation ; ceux de motricité fine et globale ; de contrôle de pression ; de coordination cinétique ; de graphomotricité ; de repérage spatio-temporel ; de mémoire. A tout cela s’ajoutent des exercices de graphisme, des exercices d’écriture et de calligraphie. « Ces différents exercices menés sur l’enfant, coordonnés par les différents professionnels impliqués dans la prise en charge permettent à l’enfant de parvenir à son autonomie », soutient Wilfried Kouélo, spécialiste en prise en charge des enfants à besoins spécifiques. Pour avoir acquis de l’expérience dans le domaine de la prise en charge des apprenants dysgraphiques, le psychologue clinicien Mickaël Viégbé souhaite l’introduction dans la formation des enseignants, des modules de cours sur les troubles d’apprentissage et leur donner quelques bribes pour aider les spécialistes. Ce défaut de formation participe du mauvais rendement scolaire, du repli sur soi de l’apprenant concerné, de l’échec scolaire et du manque d’initiative. Malgré cela, la maîtresse Eugénie Akandé n’espère rien de tout cela pour son écolière Hélène à la fin de l’année scolaire. Elle est optimiste. « A la fin de l’année, elle peut donner un bon résultat. J’aimerais demander à mes collègues de consacrer plus de temps à cette catégorie d’élèves, de les apprécier et de les motiver à travailler », insiste-t-elle tout sourire.
Nos tentatives pour rencontrer un psychomotricien et un ergothérapeute sont restées vaines. Des informations reçues, la République du Bénin ne compte pas, pour l’heure, de spécialistes dans les deux domaines cités plus haut.
Enock GUIDJIME