Travaux dirigés, cours de renforcement, cours de rattrapage, séances de révisions,… bref ! Toute une panoplie de termes qu’on appelle en psychopédagogie, vu leurs nombreuses ressemblances, remédiations scolaires. A l’approche des examens nationaux de fin d’année, ces séances se multiplient pour le bien des uns, mais aussi pour le malheur des autres. Analyse symptomatique des heurts et malheurs de ce cafouillage pédagogique à la veille des joutes cérébro-académiques dressant le lit aux vacances sur environs deux bons mois de trêve, de repos (période par excellence d’inactivité académique).
Si ces initiatives sont à louer vu leurs nobles objectifs, de nombreuses questions légitimes subsistent sur le fond et la forme de celles-ci. D’abord, le moment où ces séances sont organisées est-il propice ? Qui sont les acteurs qui les animent ? Dans quelles conditions sont-elles organisées ? Et, le plus important, quels impacts ces séances ont-elles sur les apprenants ?
Une remédiation défaillante et tardive …
Au prime abord, la période à laquelle ces séances sont organisées. Il n’est un secret pour personne qu’elles se font à la fin de l’exécution du programme officiel. Cette période correspond souvent au début du mois de mai c’est-à-dire dans un intervalle de 30 à 40 jours avant les examens. Pour en arriver là, certaines écoles, tant privées que publiques, bâclent souvent les cours durant l’année scolaire. La raison, les enseignants sont plus préoccupés par le fait de finir leurs programmes plutôt que de privilégier la compréhension des cours chez les élèves. Ces derniers sont donc lésés, laissés à eux-mêmes durant l’année et produisent des résultats en demi-teinte. Le rôle des TD et autres cours de renforcement est de permettre à l’apprenant de mieux s’approprier les savoirs afin de mieux les appliquer. Le problème est que, durant l’année, ces TD sont organisés, certes, mais pas avec autant d’entrain et de sérieux que ceux qui sont organisés en mai. Ainsi, les résultats du premier, du deuxième et du troisième trimestre pour les écoles privées, ou du premier et du second semestre pour les écoles publiques sont décourageants avec des taux de réussite, en termes de moyenne de classe, qui dépassent parfois à peine les 30%. Le véritable problème ici, c’est que ces résultats-là n’entrainent pas de remédiation immédiate et efficace mais ces tares sont laissées en rade. En général, les enseignants corrigent les examens blancs et devoirs. Cependant, la remédiation scolaire ne se limite pas à cela. Faire de la remédiation, exige que l’enseignant donne le temps à l’apprenant de dire ce qu’il n’a pas compris, ce qui lui a posé problème dans son apprentissage. L’enseignant dispose alors d’éléments solides pour fonder son action de remédiation grâce à une méthode adaptée. Lorsque cela n’est pas fait, les élèves cumulent les lacunes qui s’empilent au fil des trimestres et des semestres. Et on attend le mois de mai pour tout corriger car les enseignants répondent aux élèves qui se plaignent : on reprendra cela durant les séances de révision, mais pendant ce temps, les moyennes de classe vacillent. Cette réponse des enseignants ne serait-elle pas la cause du fait que les élèves qui reprennent les classes d’examens ne se soucient plus des moyennes de classes et pensent seulement aux examens de fin d’année ?
Sous les regards des principaux acteurs du système …
Durant l’année, les séances de TD sont animées par un enseignant autre que celui qui anime les cours dans les situations de classe normales. Parfois, il n’existe aucune coordination dans les actions de ces deux acteurs, mais de plus en plus les censeurs et directeurs d’établissements font en sorte qu’il y ait plus de synergie dans les actions de ces deux enseignants. Durant la période de révision, les directeurs d’établissements font souvent recours aux conseillers pédagogiques et inspecteurs de l’enseignement pour éclairer la lanterne des élèves. En outre, les différents acteurs des établissements insistent de plus en plus sur la qualité des enseignants qu’ils recrutent même s’il reste encore beaucoup d’efforts à fournir pour avoir de bons enseignants, des enseignants de qualité dont le profil et le parcours ne sont pas à remettre en cause.
Avec des victimes qui subissent le dictat d’une course effrénée …
Quels impacts ces actions ont-elles sur les apprenants ? Là est la vraie question. Durant 8 mois, ces apprenants, généralement en classes d’examens, ont suivi des cours, fait des travaux dirigés, parfois sans rien comprendre et en accumulant des lacunes que leurs enseignants ont jugé utiles de corriger au moment des révisions. Du début de l’année jusqu’au mois de mai, ces incompréhensions ont eu le temps de lézarder leurs moyennes de classe. Ce qui, de façon irréversible, peut briser le moral de ceux qui sont les plus fragiles. Les plus fragiles justement sont, en général, ceux qui font la classe pour la première fois, car ils sont acculés de toutes parts. Au total, ces élèves, qui, en majorité, sont en classes d’examens, se retrouvent au mois de mai avec de nombreuses lacunes, détenant plus de questions sur leurs apprentissages que de réponses, avec un moral brisé et soumis à un rythme nouveau.
L’adage dit que quand la cadence change, les pas du danseur aussi changent. C’est la même chose en fin d’année scolaire dans la période des révisions. Autant les enseignants que les élèves sont soumis à un rythme insoutenable inscrivant sous le registre de TD intensifs ou de dernières révisions ou de réglages académiques, différentes expressions convergentes dans leur esprit en général. Les cours de révisions, de renforcement ou les travaux dirigés sont organisés sans tenir compte des rythmes chronobiologique et chronopsychologique des apprenants. Ils commencent tôt, ils finissent tard. Ils n’ont parfois pas le temps de manger, donc ils restent à jeun pour ne pas manquer une seule seconde de ce qui est dit ou fait. Or, comme le dit cette maxime célèbre : ventre affamé n’a point d’oreilles. Alors, malgré leur présence apparente, ils perdent beaucoup d’informations sans s’en apercevoir.
Pour apprendre, il faut d’abord comprendre, ensuite mémoriser ce qui a été compris, s’exercer avec ce qui a été mémorisé dans différentes situations afin de cerner les divers contours de son application. En fin d’année, l’élève en classe de terminale ou de troisième a-t-il le temps de réaliser en quarante jours, ce qu’il n’a pas pu faire en 8 mois ? C’est-à-dire : comprendre ces situations d’apprentissages très denses en SVT, SPCT, mathématiques, français, philosophie, anglais, …. selon sa spécialité, puis les mémoriser et les appliquer dans divers contextes ? Sauf miracle, la réponse est évidemment NON ! Et pour cause, c’est au bout de l’ancienne corde qu’il faut tisser la nouvelle, comme nous l’a enseigné Jean Pliya, de vénérée mémoire. L’ancienne corde (anciennes connaissances) s’est effilée car depuis le début de l’année, l’apprenant n’a pas compris, mémorisé ou appliqué les premiers cours et au fil des jours, les nouvelles connaissances (les nouvelles cordes) se sont ajoutées sans que le nœud de jonction entre nouvelles et anciennes cordes (pré-requis) ne soit solide. Finalement, de nombreux élèves se retrouvent bloqués, surmenés intellectuellement.
Au mépris d’un danger qui guette…
Le syndrome du cerveau bloqué ou Brain Fag Syndrom en anglais est une conséquence des cas de surmenages intellectuels favorisés par un grand état de fatigue et de stress intellectuels qui résultent d’un travail acharné au mépris de nombreuses règles d’hygiène, de vie physique et intellectuelle. C’est cette maladie qui explique pour beaucoup, les cas des élèves, qui, une fois devant les épreuves, ont tout oublié. On ne tarde pas alors à accuser les pauvres sorciers du village ou les personnes que l’on a en inimitié. Avec ces intenses travaux dirigés, cours de renforcement ou séances de révision qui sont organisés parfois à la sauvette dans de nombreux établissements et de façon anti-pédagogique dans d’autres, les apprenants se retrouvent acculés, envahis par une tonne de connaissances qui leur sont livrées sans tenir compte de de leurs rythmes chronobiopsychologiques et qu’ils ont l’obligation de garder. Ce qui cause un stress physiologique, psychologique et une fatigue nerveuse, trois maux qui agissent par ricochet sur le rendement intellectuel des apprenants le jour des examens. Avis donc aux autorités en charge de l’éducation pour que des textes conséquents, clairs et précis soient pris pour règlementer ces diverses activités pédagogiques qui ressemblent parfois plus à un fonds de commerce dans certains établissements ou à un moyen pour les enseignants de se dédouaner moralement des résultats de leurs apprenants.
Adjéi KPONON (Stag)