Avez-vous remarqué ce terrible paradoxe ? Lorsque tout est cher, c’est curieusement l’être humain qui ne vaut plus rien. Cela est surtout vrai dans nos sociétés africaines où on se surprend à quantifier la valeur de l’individu réduit à néant, à la fois par le manque d’éducation et le manque du minimum matériel vital. Et pourtant, certains continuent à croire que les questions existentielles simples que sont : Qui sommes-nous ? D’où venons-nous et où allons-nous ? sont purement philosophiques. Elles sont juste existentielles et traduisent, même chez le dernier ignorant qui les entrevoit confusément, le désarroi d’une société souffrante et malade.
Combien coûtent aujourd’hui les produits de premières nécessités à savoir le gari et le maïs ? Tout le monde le sait car une chose est sûre, les prix ont augmentés. Mais combien coûte alors cette infinité de gens, de pauvres hères réduits à une pitance sans cesse lamentable qui détruit le corps et l’âme et ne vous permet même plus de réfléchir et de véritablement travailler ? La réponse, vous la connaissez : ils n’ont même plus la valeur de ces marchandises qu’ils recherchent. Mais comment est-on arrivé là dans nos sociétés actuelles de l’abondance et de la démesure qu’on appelle mondialisation ?
La nature donne et a toujours donné mais l’Homme, ce prédateur universel, arrache, détruit et transforme à son profit et pire en éliminant son voisin. C’est pourquoi Hobbes avait déjà souligné depuis longtemps que le seul ennemi de l’Homme, c’est son prochain : « homo homini lupus ». L’histoire humaine est faite de ces guerres, de ces trahisons développées à travers des théories où les plus forts créent des classes, des castes, mettent leurs semblables en esclavage juste pour asseoir leurs propres intérêts. C’est donc cela qui continue à travers cet état de misère dans lequel végète nos populations.
Vous vous demandez s’il faudrait aller si loin pour parler de nos problèmes matériels qui, en réalité, sont prosaïques ? Vous vous étonnez de ce tableau si noir alors que vous êtes assuré que le recours à la providence divine nous permettra de sortir bientôt de cette ornière. Et vous soutenez qu’un tour sur les statuts et profils Whasapp me rasséréna car, tout le monde a sa citation divine qui encourage et fortifie !
En réalité, face à cette misère matérielle, l’individu n’a que deux solutions qui ne s’excluent pas nécessairement : la religion et la bière. La première nous dit, selon les faux pasteurs et prophètes « heureux les pauvres » (Ils oublient sciemment d’ajouter en esprit) car la richesse nous détourne du divin et du paradis que Dieu nous réserve dans l’au-delà. Cette vision quasi injurieuse de la parole divine suffit à bon nombre et les maintient dans leur état misérable qu’ils supportent à coup d’eau bénite et de cierges miraculeux. C’est pourquoi K. Marx a souligné, notamment dans ses Thèses sur Feuerbachque c’est l’homme qui fait la religion ; ce n’est pas la religion qui fait l’homme. Ce qui veut dire, à juste titre, que cette religion qui théorise le bonheur de l’homme seulement dans un au-delà hypothétique est le fait d’une idéologie de l’aliénation humaine véhiculée par des gens qui manipulent la parole divine pour abêtirles autres.
De l’autre côté, bon nombre préfèrent se perdre dans l’alcool et ses corolaires à savoir le stupre et toutes les permissivités qui apaisent mais ne guérissent rien. Ainsi autant, hommes que femmes écument les soirées, les fêtes, les messes d’enterrement et finissent dans les alcôves interdites pour faire face à une vie qui ne se résume à rien. Mais alors : Quelle est la solution ?
Pour certains qui se croient plus malins, on recherche directement l’argent par tous les moyens et lorsqu’on l’a, on se rend compte qu’on s’est mis tellement de cordes au cou qu’on est, en définitive, plus bas que n’importe quel autre esclave. D’autres s’acharnent à étudier en amassant les diplômes mais pas la compétence qui identifie les moyens d’entreprendre et finissent dans les doutes, les incertitudes et les places de valets de quelque seigneur qui ose. On comprend pourquoi, de plus en plus, les sociétés qui réussissent cherchent la compétence. Or il se trouve que, depuis les indépendances jusqu’à nos jours, notre éducation intellectuelle, c’est-à-dire ce qui nous est enseigné dans les écoles ne forme et ne fonde pas l’homme véritable. La fonction de penser ne se délègue point pour paraphraser un auteur. Or nos curricula, nos planifications, nos évaluations sont pensés pour nous. Bref, il n’y a pas et il n’y aura jamais un grand destin pour nos peuples si une véritable éducation bien pensée et développée ; fait de compétence et d’attention à l’entreprenariat, aux formations pratiques et utiles qui développent notre environnement, ne se met en place. Ceci, heureusement, rencontre le souhait de nos autorités politiques au Bénin.
C’est vrai, on se surprend à se demander que faire, face à la première adversité qui, peut-être, est celle du microcosme socio-politique ambiant où plusieurs blocages ponctuels asphyxient l’individu et l’homme. Ce moment passera car nous, générations sacrifiées, pensons à celles futures !
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe