L’École Doctorale Pluridisciplinaire « Espace, Culture et Développement » (EDP-ECD) de l’Université d’Abomey-Calavi (UAC) vient d’enrichir le monde universitaire béninois d’une nouvelle docteure, le samedi 15 octobre 2022. Elle s’appelle Abla Sesime Djissenou. Après trois ans de recherches ardues, elle a présenté la quintessence de ses travaux grâce auxquels elle a décroché le grade de docteur de l’UAC avec la mention très honorable.
«Quelles sont vos motivations dans le choix de ce sujet? » À cette question du professeur Arnauld Gbaguidi, président du jury de soutenance, Abla Sesime Djissenou, dans sa tenue locale guipure orange claire, debout, présente au jury et à l’assistance le cœur de son action scientifique : « Malgré que j’étais à Porto-Novo depuis des années, je n’ai jamais su qu’il y avait une école qui s’appelait Louho. Une fois arrivée sur les lieux en année de Licence pour des travaux d’exposé, j’ai été agréablement surprise. Quelques années après en Master, l’expérience s’est encore répétée car j’ai choisi un sujet d’exposé sur le handicap. Cela m’a tellement intéressée. Une fois dans le centre pour faire les recherches sur les germes de l’exclusion tacite dans les textes officiels, j’ai constaté qu’il y a eu de l’amélioration dans le centre depuis mon dernier passage. Cela a nourri ma motivation. De plus, naturellement éprise de justice, je me suis dit pourquoi marginaliser cette cible ? »
C’est l’un des nombreux échanges qui a marqué lors de la soutenance de thèse de l’impétrante après qu’elle a déroulé son exposé retraçant ces trois années de dur labeur. Son travail a porté sur le thème « Education inclusive au Benin : analyse des pratiques enseignantes avec les apprenants à déficiences auditives au CAEIS de Louho/Porto-Novo ». Ainsi, l’un après l’autre, elle a répondu aux questions de chacun des membres du jury, trois présents dans la salle et deux originaires de l’Université de Lomé (Togo) dont l’un a pris part aux travaux par visioconférence. Dans leur tenue académique marquant la solennité du moment, en plus du président du jury, l’équipe d’évaluation du travail de Abla Sesime Djissenou était composée du Professeur Yelindo Patrick Houessou (directeur de thèse), Dr (MC) Razacki R. Kélani (co-directeur de thèse) puis, Dr (MC) Ati-Mola Tchassama et Dr (MC) Badji Ouyi, tous deux examinateurs et en service à l’Université de Lomé. Leur regard pointu s’est penché sur l’ensemble du document de 306 pages.
Un travail scientifique remarqué et à fort impact
Dans un cérémonial académique bien rodé, à l’issue des délibérations, le jury n’a pas lésiné sur les mots pour apprécier le travail abattu par l’impétrante. « Sujet pertinent et d’actualité dont les résultats sont concluants et d’un intérêt socio-éducatif évident. Il est suggéré à l’impétrante de sortir un projet professionnel à mettre en œuvre », a prononcé le professeur Arnauld Gbaguidi, au nom du jury, suivi d’un tonnerre d’applaudissement. Car, « à l’issue des délibérations, le jury l’a déclarée du grade de docteur de l’UAC en Sciences de l’éducation dans la spécialité analyse et évaluation des systèmes éducatifs avec la mention Très honorable », a-t-il informé.
Et pour cause, la thèse de Abla Sesime Djissenou, enseignante de carrière, est une production scientifique construite sur six chapitres qui reposent sur deux parties. L’objectif poursuivi dans cette thèse, renseigne le résumé du document, est de procéder à l’analyse des pratiques enseignantes avec les apprenants à déficiences auditives. Il a essentiellement été question de savoir : quelles sont les pratiques enseignantes utilisées dans le cadre de l’éducation inclusive des enfants à déficiences auditives au Benin, précisément au Centre d’Accueil et d’Education Inclusive des Sourds (CAEIS) de Louho ?
Pour réaliser cette œuvre intellectuelle de haute facture, elle a utilisé une approche mixte recourant à des méthodes qualitatives et quantitatives et s’appuyant sur un certain nombre de techniques et d’instruments de collecte et de traitement des données. Ces dernières ont été recueillies auprès de 219 personnes sur les 319 que compte le public cible, sélectionnées à partir de la méthode d’échantillonnage raisonnée. Finalement, elle a abouti à la conclusion quele CAEIS est une institution éducative inclusive au sein de laquelle les pratiques enseignantes sont favorables à l’inclusion effective des apprenants déficients auditifs. Toutefois, les enseignants doivent être davantage formés aux pratiques inclusives innovantes afin de mieux répondre aux exigences de la mise en œuvre de l’éducation inclusive.
Avec cet arsenal méthodologique, les efforts ont été couronnés, à entendre les observations des membres du jury à propos de la qualité du document. « J’ai conclu que vous avez utilement lu, en témoigne les résultats. Votre bibliographie est très riche, très fournie et très récente avec des documents de 2019, 2020, 2021. C’est dire que vous êtes dans l’actualité scientifique. Autre qualité, vous vous êtes appuyés sur vos directeurs de thèse. C’est très important », a martelé le professeur Gbaguidi, qui a aussi attiré l’attention sur la qualité des analyses et de la conceptualisation dans le document.
Une nouvelle voix pour mener le combat de l’éducation inclusive au Bénin
Faire reconnaître l’école de formation des enseignants en langue des signes du CAEIS, œuvrer pour que l’enseignement de la langue des signes soit intégré dans la formation initiale des enseignants depuis les écoles normales, œuvrer pour que le CAEIS bénéficie davantage de subvention. Ce sont les autres perspectives formulées par Abla Sesime Djissenou, qu’elle a portées à la connaissance des membres du jury. Dans une synergie d’actions avec les responsables du CAEIS, elle compte mener des actions de plaidoyer en direction des autorités et partenaires à divers niveaux. De plus, elle compte concevoir un projet à partir de ses travaux pour accompagner l’éducation inclusive au CAEIS, en particulier, et dans le Bénin, en général.