Les grossesses en milieu scolaire constituent depuis toujours un sujet qui préoccupe plus d’un. Certaines ONGs en arrivent à se donner pour mission l’éradication de ce fléau du rang des apprenants. C’est d’ailleurs le cas de l’ONG Osana. Dans ce dossier sur les dérapages sexuels en milieu scolaire, Educ’Action a tendu son micro au jeune Serge Dèfodji, directeur exécutif de l’ONG Osana, président de l’organisation Jeunesse Consciente pour la Relève de Demain (JCRD-BENIN).
Educ’Action : Quel est l’état des lieux de la sexualité et des cas de grossesses en milieu scolaire ?
Serge Dèfodji : Les grossesses en milieu scolaire demeurent tristement une réalité au Bénin. Celles-ci, malgré toutes les luttes acharnées contre ce phénomène. Plusieurs organisations, les gouvernants et les médias s’investissent avec fougue dans cette lutte qui nous interpelle tous. Cependant, il nous a été donné de constater malheureusement que le pourcentage n’est pas encore reluisant. Il y a encore beaucoup de choses qu’il faut corriger et il nous faut toujours accentuer les sensibilisations puisque tant qu’il reste à faire, il faut redoubler d’effort, comme l’indique un adage populaire.
En tant que spécialiste de la chose, pensez-vous qu’il est possible de concilier sexe et études pour espérer réussir dans la vie ?
Le problème de conciliation du sexe et des études refait surface très souvent. On est devant un impératif qui rend captif la jeune génération. Pour être plus clair, aujourd’hui, nous grandissons avec tout notre corps, les enfants aussi. Ce corps nous réclame par moment certaines choses qui ne concordent pas avec nos engagements, nos devoirs du présent. Autrement dit, le sexe et les études répondent très bien au parallélisme des normes. C’est deux choses différentes mais qui ont des conséquences convergentes, c’est-à-dire que le sexe n’a rien à voir avec les études. Mais pratiquer le sexe sans avoir l’âge adéquat, sans avoir fini ses études, pratiquer le sexe sans l’avoir fait de façon saine, cela peut avoir des conséquences sur ces études. Le cas que nous rencontrons dans les collèges, c’est des enfants qui, de par leur curiosité vont connaitre le sexe et ils en font usage de façon abusive et exagérée sans préalablement avoir pris les dispositions nécessaires pour se mettre à l’abri des déconvenues, des conséquences de leurs actes. Ce qu’ils ignorent, c’est qu’en allant au sexe, ils doivent s’attendre à être infectés de diverses manières par les diverses maladies que nous connaissons tous, notamment le VIH/SIDA, les maladies sexuellement transmissibles. Mais le cas qui est aussi récurent, c’est contracter une grossesse pendant qu’on est encore ‘‘irresponsable’’. Si je dis irresponsable, c’est pour dire que pendant qu’ils ne sont pas encore prêts à pourvoir aux besoins d’un être humain, et donc bienvenus les dégâts. C’est l’enfant qui laisse l’école, ils vivent dans la précarité et ils deviennent tout simplement des cas sociaux. Donc, je pense que ceux à quoi nous invitons les apprenants aujourd’hui, c’est d’étudier dans la chasteté. De tout faire pour étudier hors de toute pression sexuelle. Mais quand ils sont devant le fait accompli, quand ils sont dans l’incapacité de pratiquer la chasteté, nous les invitons tout simplement à mener une vie sexuelle saine, à prendre des précautions et éviter le multi partenariat et les rapports sexuels non protégés.
Quelles sont les raisons qui poussent les enfants à vouloir aller au sexe ?
Comme je l’ai dit tantôt, ils partent toujours de la curiosité de découvrir ce que c’est que le sexe. En dehors de la curiosité, nous pouvons voir la misère, la pauvreté. Il y a aussi le manque d’information de la part des parents. Il y a des enfants, parce que leurs camarades ont porté telle chaussure ou telle robe aujourd’hui, elles veulent aussi se conformer à cela et elles se laissent faire par des petits apprentis qui leur donnent au quotidien quelques sous et facilement elles tombent dans leurs pièges. Mais l’autre problème que je pointe du doigt, c’est le rôle que les parents, les enseignants, l’Etat central, les parents sont appelés à jouer mais qu’ils ne jouent pas. Ce rôle, c’est d’informer les enfants sur le fléau. Il ne faut plus faire du sexe un tabou, il faut complètement démystifier cette problématique du sexe et leur montrer que ce n’est pas un truc qui donne la malédiction. Il faut leur dire les choses telles qu’elles sont et les amener à comprendre qu’il y a des conséquences parce que ne pas informer, ne pas parler du sexe avec les enfants ne garantit pas qu’ils ne vont pas le faire. Mais quand on leur en parle déjà, devant le fait, ils se rappellent des conseils des parents et se raisonnent.
Cette année, il nous a été donné de constater que votre ONG et plusieurs d’autres sont encore absentes sur le terrain pour continuer le combat des grossesses en milieu scolaire. Qu’est-ce qui justifie cela ?
Belle remarque ! Notre engagement pour lutter contre ce fléau est toujours d’actualité. Mais force a été de constater que dans notre élan de lancer la campagne courant le mois de décembre, toutes nos tentatives dans le sens d’obtenir l’autorisation ont été vaines. Par le passé, il suffira d’écrire aux directeurs d’établissements qui vont accepter que vous veniez dans leurs établissements. Les années antérieures, on nous avait expliqué que ce cas n’est plus possible et qu’il faudra s’adresser aux directions départementales qui sont habiletés à nous demander un certain nombre de choses avant de nous autoriser à aller faire nos sensibilisations. Mais cette année, on a été surpris encore quand, à la suite de nos demandes d’autorisations, la réponse a été que les DDESTFP n’ont plus les prérogatives d’autoriser les organisations. Désormais, il faudra se rendre au MESTFP pour se conformer aux nouvelles exigences. Mais nous n’avons pas compris que c’est un processus assez long d’au moins un à trois mois qu’il fallait faire avant d’obtenir l’agrément en question. Nous avons démarré ce processus depuis décembre mais jusque-là, nous n’avons pas encore eu l’agrément et c’est ce qui justifie notre absence sur le terrain. Le ministère ne nous facilite pas la tâche dans notre élan d’accompagner le gouvernement dans la lutte contre les grossesses en milieu scolaire. Les raisons avancées seraient que certaines organisations, une fois sur le terrain se permettent de mener des activités à but lucratif. Mais si tel est réel, il suffirait de mettre en place des renseignements de qualité et quand on constate une telle chose, qu’on interdise toute activité à ladite organisation et qu’on relève les complices de leur poste, c’est plus facile.
Quel appel avez-vous à lancer dans ce sens ?
Je dirai au ministre en charge des ESTFP de revoir cette mesure. Dans un premier temps, c’est de voir la conformité du contenu de la sensibilisation qui est donné aux apprenants sur le terrain et de mettre leurs guides dans les DDESTFP. Lorsqu’il y a manifestation d’obtention d’autorisation, on nous répond tout en nous les soumettant, autrement, vous êtes autorisés à mener vos activités tout en restant dans ce canevas. Aussi, importe-t-il, avant la rentrée scolaire, que le gouvernement invite les organisations de la société civile spécialisées dans la lutte contre ce phénomène et leur donne une formation avant le démarrage de l’année scolaire, cela favoriserait les choses. Mais vouloir au cours de l’année, nous imposer tout un processus alors que nous avons des jeunes déterminés, volontaires qui veulent être utiles à leurs jeunes frères en les informant sur les dangers du sexe sans précautions, ce n’est pas encourageant.
Réalisé par la Rédaction de Educ’Action