Scolarisation hasardeuse des handicapés au Bénin : L’école des sourds-muets de Vèdoko au bord du précipice - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde

Scolarisation hasardeuse des handicapés au Bénin : L’école des sourds-muets de Vèdoko au bord du précipice

13 mins read

L’insalubrité et l’insécurité auxquelles sont confrontées les écoliers de l’école des sourds-muets de Vèdoko inquiètent enseignants et autorités de cette école. Malgré les multiples démarches infructueuses effectuées à l’endroit des décideurs éducatifs de notre pays suite à cette situation qui ne laisse personne indifférente, les autorités étatiques n’ont pas cru devoir, à ce jour, répondre aux cris de détresse des acteurs et usagers de cette école. Face alors à cette indifférence observée découlant de leur inaction, les enseignants ont décidé de donner de la voix. Ils appellent au secours, toute personne de bonne volonté pouvant les aider à corriger cette situation qui n’a que trop duré.

Si à l’impossible, nul n’est tenu dans bien des situations, enseignants et écoliers de l’école primaire publique des sourds-muets, située à Vèdoko dans le 10ième arrondissement de Cotonou, sont bien tenus de vivre ce qu’on peut appeler un double calvaire. Calvaire lié d’abord à un cadre de travail malsain et calvaire ensuite lié au programme exécuté à l’endroit des enfants. Erigée dans une zone très marécageuse dans la ville de Cotonou, cette première école béninoise des sourds-muets créée le 14 Mars 1977 par autorisation : N° 6/SGG/REL du 17/02/1977, peut aisément se comparer, au plan assainissement du cadre de vie, aux nombreuses écoles que l’on retrouve dans un état piteux, le long de la traversée du pays en partance pour le septentrion.

Un cadre de vie et de travail inapproprié hypothéquant le rendement …

Une voie d’accès impraticable, des ordures ménagères, des eaux souillées et nauséabondes, des vert de gris, des salles de classe sans portes et fenêtres livrant ainsi enseignants et écoliers à un combat contre moustiques et reptiles, des herbes décorant aussi bien l’extérieur que l’intérieur de l’école, un portail sans serrure donnant accès à d’autres maisons, le tout couronné par un bâtiment à trois salles de classe inondées à même de céder à tout moment. Ce sont les premières images poignantes et insoutenables qui retiennent l’attention des usagers de la seule école publique des sourds muets située dans la capitale économique de notre pays. Une situation qui expose ainsi la santé et la sécurité des enseignants et écoliers de ce temple du savoir. Construite un bas-fond depuis sa création, cette école des sourds-muets n’a jamais été, de tout temps, un cadre facile d’accès aux enseignants, écoliers et parents d’écoliers. « L’entrée aujourd’hui dans l’école pose problème du moment où il y a des herbes partout. Tout est complètement dans l’eau, les voies d’accès impraticables. A la moindre pluie, on ne peut plus accéder ni à l’école, ni au bâtiment », conte avec désolation la première autorité de cette école, le directeur Bienvenu Komaklo avec un regard médusé et un visage plein d’amertume pour ses enfants déjà vulnérables avant de qualifier la situation d’un danger permanent, d’un piège à homme pour les usagers de l’école. A en croire ses propos, les dirigeants de l’école n’ont pas manqué de se déplacer vers les autorités pour solliciter leur aide. Aussi, se sont-ils déplacés pour inviter nos autorités à venir constater par leurs propres yeux, les risques que courent leurs enfants et les dangers auxquels ils sont exposés. « Nous avons eu plusieurs fois la visite des autorités dans notre école. Elles ont promis nous venir en aide. Mais, depuis des années, nous continuons toujours avec la même situation », a laissé entendre avec beaucoup de consternation, le directeur pour ainsi montrer la mauvaise foi dont font montre les autorités du Ministère des Enseignements Secondaire, Technique et de la Formation Professionnelle, la tutelle de cette école. Le cadre de vie n’est que l’illustration évidente et patente de bien d’autres problèmes qui ont de graves répercussions sur la conduite normale des activités académiques.

La conduite des activités académiques, l’autre os dans la gorge du directeur…

Programme non adapté avec un effectif d’enseignants très réduit sont au plan académique, les autres difficultés que rencontre le directeur de l’école dans l’exécution des responsabilités à lui confiées. Une première difficulté que rencontrent enseignants et écoliers au plan académique, c’est le programme qu’étudient les enfants. « Le programme que nous enseignons à ces enfants, à notre sens, n’est pas adapté. Il faut revoir forcement ce programme et l’adapter au niveau de ces enfants sourds-muets puisque c’est le même programme qui est enseigné dans les écoles pour enfants dits normaux », a fait savoir le maître Adolphe Nounon, enseignant des classes de CI et CP dans ladite école avant d’expliquer : «… dans le programme ordinaire que nous exécutons, il y a la syllabation, il y a la lecture oralisée. Mais, un enfant qui n’a pas acquis la parole, comment peut-il faire la lecture oralisée et la syllabation ? ». A ce propos, il explique qu’en lieu et place de la lecture oralisée et de la syllabation, l’enseignant est appelé à restituer exactement le texte qui se trouve dans le manuel de lecture, mais signe les mots dans le langage des sourds pour que les enfants puissent comprendre. L’autre difficulté qui retarde aussi les activités pédagogiques, selon les enseignants de cette école, c’est le langage même des sourds. « Un enfant sourd n’est pas comme un enfant ordinaire dit normal. Celui qui n’a pas acquis la parole et qui ne peut pas s’exprimer, qui n’entend pas, c’est difficile de communiquer avec lui. Il faut lui apprendre les fondamentaux des langages des signes avant de passer à l’acquisition réelle des règles notionnelles », a fait observer Adolphe Nounon. Il n’a pas manqué de souligner un autre aspect qui est le manque remarquable d’enseignants dans l’école. Sur six classes que contient l’école, seuls trois enseignants formés sur le tas en langage de sourd y travaillent de manière à jumeler les classes. Devant cette situation, les enseignants avouent leurs limites malgré la bonne volonté visiblement affichée. « Nous avons du mal à prendre en charge les enfants. C’est vrai que nous avons été formés sur le tas en langage de signe, mais la psychologie de l’enfant sourd, nous enseignants qui les gardons, nous avons du mal à connaître ce que c’est qu’un sourd-muet si bien que les prendre en charge pédagogiquement, nous cause énormément de problème », confesse avec affliction le directeur de l’école Bienvenu Komaklo. Face à ces diverses difficultés, enseignants et autorités lèvent le ton et appellent à la rescousse, toute personne morale ou physique, pouvant aider à redresser la barre de cette école pendant qu’il est encore temps.

Messages des pensionnaires aux bienfaiteurs moraux de droit public ou privé …

Directeur, enseignants et apprenants de l’école des sourds-muets n’ont pas eu autres choix que de solliciter la générosité de toute personne morale ou physique de droit public ou privé pour sauver cette école de sa léthargie chronique à tous points de vue. « Pas plus tard qu’il y a un mois, nous avons eu la visite de quelques personnes venues de la mairie de Cotonou pour constater ce que nous vivons et inventorier nos besoins. Nous espérons vivement que nos cris ne sont pas tombés dans les oreilles de sourds et que bientôt, l’école sera aménagée », a dit le directeur visiblement préoccupé de l’avenir de son école. Pour le maître Adolphe Nounon, il n’est plus question de compter que sur les autorités à divers niveaux. Il lance un cri de cœur à l’endroit de toutes personnes de bonne volonté qui aimerait, d’une manière ou d’une autre, venir en aide aux enfants vulnérables. Des dons en numéraires ou en nature ou tout autre apport sont donc les bienvenus, selon ses dires. Pour ce qui est du manque d’enseignants, ils se remettent à la sollicitude étatique espérant en obtenir dans les nouveaux recrutements en cours au profit de l’école béninoise. Aussi voudraient-ils une formation continue à l’endroit des enseignants pour les aider à mieux prendre en charge les enfants. Concevoir un programme spécial pour les enfants sourds-muets est leur plus grande doléance à l’endroit du gouvernement.

Estelle DJIGRI

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Les plus récents

error: Vous n'avez pas le droit de copier ce contenu !