Santé sexuelle en milieu scolaire : La précocité des rapports sexuels piège dangereusement les apprenants - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde
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Santé sexuelle en milieu scolaire : La précocité des rapports sexuels piège dangereusement les apprenants

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Longtemps considérée comme un sujet à éviter dans les cercles familiaux, l’éducation à la sexualité s’isole des clivages et prend corps dans les enceintes éducatifs et d’instruction comme les écoles et lycées pour forger une autre appréhension, construire un autre discours autour du sexe. L’Education à la Santé Sexuelle (ESS) ainsi instituée et en phase d’expérimentation dans 76 CEG et Lycées, 24 écoles maternelles et 48 écoles primaires dans tous les départements du Bénin, sonne comme le réveil pour la conscientisation des enfants et apprenants, leur sensibilisation au nouveau rapport avec la santé sexuelle. Dans ce numéro 2 de la série de quatre (04), l’intérêt est accordé à l’épineuse question du sexe vu comme un tabou inviolable en raison des freins et pesanteurs culturels, le poids de la tradition, les nouvelles approches envisagées pour diluer la pilule, ainsi que les initiatives prises de façon continue pour enrôler, d’une part les parties prenantes, en l’occurrence les parents d’élèves et chefs religieux, dans le dispositif éducatif, puis d’autre part les apprenants pour l’atteinte des objectifs. Blaise Coovi Djihouesi, Directeur général de l’INIFRCF et Président du Comité technique chargé du suivi de la mise en œuvre de l’ESS, élucide, dans le deuxième extrait de son interview, le contour de la phase expérimentale de ce programme et les perspectives sur sa génération.

Des dispositifs réglementaires à l’implémentation du projet

C’est par les Arrêtés N°499 et 500/MESFTPRIJ/DC/SGM/DPS/SA du 17 décembre 2015 pris par l’ancien ministre de l’Enseignement Secondaire, Alassane Soumanou Djemba, que les Comités technique et de pilotage chargés respectivement, l’un du suivi, et l’autre de la mise en œuvre du projet d’introduction de l’Education à la Santé Sexuelle (ESS) dans les curricula de formation, dans les sous-secteurs des Enseignements Maternel, Primaire, Secondaire général, Technique et Professionnel, ont été institués. Composé de 30 membres, selon l’arrêté de création, le Comité technique est présidé par le Directeur général de l’INIFRCF et co-présidé par celui de l’INFRE. Outre les cadres des ministères ciblés, on compte parmi les membres, les représentants de l’OCJ, l’UNFPA, PSI/ABMS, ABPF, Plan Bénin, CERADIS, APESSA, OSV Jordan, les Pays-Bas. Selon l’article 2 de l’Arrêté N°499/MESFTPRIJ/DC/SGM/DPS/SA du 17 décembre 2015, le Comité technique a pour rôle de veiller aux aspects techniques du processus et de contrôler le contenu des documents en faisant attention au respect des normes techniques liées au système éducatif.
Le Comité de pilotage, créé par l’Arrêté N°500/MESFTPRIJ/DC/SGM/DPS/SA du 17 décembre 2015, se charge d’orienter le processus, approuver la démarche méthodologique ainsi que les outils élaborés, valider les rapports préliminaires et finaux, approuver toute autre action pouvant améliorer l’efficacité de l’exécution du projet et, enfin proposer un plan de suivi de la mise en œuvre du projet. Pour la mise en œuvre, il est associé aux cadres des ministères des affaires sociales, de la jeunesse, de la justice et de la santé, les représentants de l’UNFPA, l’UNICEF, l’AFD, l’APESSA et de trois représentants des leaders religieux (Islam, Christianisme, Endogène) et la Fédération des Associations des parents d’élèves et étudiants. Ce comité est présidé et co-présidé respectivement par les directeurs adjoints de Cabinets des ministères des Enseignements Secondaire et de l’Enseignement Maternel et Primaire.

Le Bénin se démarque par son approche

Le programme d’Education à la Santé Sexuelle est une initiative du Gouvernement béninois qui bénéficie du soutien de quelques partenaires, notamment le Royaume des Pays-Bas et l’UNFPA. Sur le plan national, selon le Directeur général de l’INIFRCF, Blaise Coovi Djihouessi, « nous avons certaines ONGs comme l’Association Pour l’Education, la Sexualité et la Santé en Afrique (APESSA), l’Association Béninoise pour le Planning Familial (ABPF) et les organisations de jeunes comme l’Organe Consultatif de la Jeunesse (OCJ) qui s’investissent dans le domaine ». Les parents d’élèves ne sont pas en marge de ce processus. A l’en croire, le président de la Fédération Nationale des Associations des Parents d’Elèves et Etudiants, Epiphane Azon, appuie l’initiative et participe à son orientation, du point de vue du contenu des programmes et de toutes les actions menées sur cette thématique. Sur le plan régional et sous-régional, indique l’autorité, ‘’le Bénin est le seul pays à avoir trouvé la bonne formule sur la question de l’Education à la Santé Sexuelle (ESS)’’. « Les autres pays sont confrontés à des difficultés parce qu’ils n’ont pas su trouver la stratégie qu’il faut pour aborder cette thématique sans pour autant choquer les parents des apprenants », a dit à Educ’Action le spécialiste de la didactologie des langues et cultures.
A l’instar du Bénin donc, des pays comme la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Burkina Faso, la Guinée Bissau, expérimentent aussi l’ESS dans les unités d’enseignements et curricula de formations.

Suivisme, médias et réseaux sociaux, morphologie trompeuse : Les principales causes

Les déviances sexuelles en milieu scolaire avec leurs corollaires tels que les grossesses précoces ou non désirées constituent un frein pour la réussite scolaire des apprenants, en l’occurrence les filles. En témoignent les statistiques référencées dans la précédente parution et qu’il nous plaise ici de rappeler. En effet, pour l’année scolaire 2016-2017, 2.763 cas de grossesses ont été enregistrées sur un total de 300.821 filles inscrites dans l’Enseignement Secondaire Général. Les causes majeures de telle ‘’catastrophe humaine’’ vont du suivisme via les relations et amitiés poussées entre copains, et surtout copines ; les médias (les télénovelas) qui offrent à voir des images et scènes obscènes qui enfreignent la morale et les réseaux sociaux avec des référents de toute sorte. Sans occulter la morphologie trompeuse de certaines apprenantes. Luc Hongbété, Surveillant général adjoint du CEG Zogbo et spécialiste des questions sexuelles au sein de l’établissement, indique à Educ’Action que la découverte précoce du sexe chez les apprenants, de nos jours, est récurrente et pourrait friser la banalité. « Les mass médias, l’utilisation des réseaux sociaux en sont vraiment pour quelque chose », a-t-il évoqué, dénonçant des parents d’élèves qui laissent au soin de leurs enfants mineurs ou adolescents des portables androïdes sur lesquels ces jeunes apprenants, parfois de 11 ans et 12 ans, téléchargent et visualisent des films pornographiques à l’insu de leurs parents. A cette cause qui tend à se généraliser, il y a bien d’autres raisons telles que la pauvreté, le manque de surveillance et de suivi de l’enfant, la mauvaise compagnie. Autant de situations qui conduisent à la sexualité précoce. Sègbédé Aligbonon, psychologue-clinicienne au CNHUPC, ajoute, par ailleurs, que l’envie de découvrir des élèves surtout filles, les mauvais conseils et compagnies, le suivisme béat des amis, la recherche rapide, biaisée ou maladroite d’une affectivité sont autant de causes qui pourraient ouvrir le champ et conduire à la sexualité précoce. « A 11 ans ou 12 ans, on n’a pas nécessairement encore l’âge de discernement en terme de sexualité. Donc, il peut y avoir de confusions chez l’enfant pris par une curiosité, une imitation aveugle ou une recherche d’affection ou d’affectivité qui l’amène à tomber dans ce genre de pièges dommageables », a-t-elle expliquée aux reporters. A ces causes sociales, il y a également les causes liées à la morphologie de l’adolescent, selon Luc Hongbété. « Il y a la morphologie de la jeune fille qui est en déphasage avec son âge. Elle se développe plus vite que son âge et donc, ce sont des besoins physiologiques qui s’installent avec l’âge. Le développement sexuel et corporel de la jeune fille l’amène spontanément à la satisfaction charnelle de soi », a appuyé la psychologue-clinicienne Sègbédé Aligbonon.

Expérience précoce du sexe : Un piège aux conséquences innombrables 

«Elles sont très nombreuses et dans tous les cas, elles sont toutes néfastes ces conséquences », a laissé entendre le surveillant du CEG Zogbo, spécialiste des questions sexuelles. Car pour lui, tout risque à ce stade de la vie de l’enfant est toujours préjudiciable. « Dès lors que l’enfant découvre précocement le sexe, son organisme n’est pas encore bien préparé, bien mature pour garder une quelconque grossesse. Donc, la première difficulté commence déjà là. Physiologiquement, il y a déjà un problème. Inexpérimenté, l’enfant va au sexe avec toutes les conséquences possibles de contamination par les IST ». Sur le plan instructif et socio-économique, Luc Hongbété renseigne sur fond d’illustrations que c’est bien l’avenir de l’enfant qui est ainsi hypothéqué, qu’il soit fille ou garçon. L’adolescent est donc contraint d’abandonner les classes pour s’occuper du nouveau-né et c’est hélas toute une vie qui est ainsi brisée. Des conséquences psychologiques, il y en aura également et de diverses sortes, selon la psychologue-clinicienne Sègbédé Aligbonon. Elle précise que ces conséquences peuvent dépendre des motivations de l’enfant, du contexte dans lequel les rapports sexuels ont eu lieu et du discours autour de cette situation. « Un enfant qui, a par exemple, des difficultés avec une mère tout le temps absente, avec un père violent et qui, recherchant une assurance, commence par toucher à la sexualité, cela lui donne une mauvaise représentation de ce que peut être une assurance, ce que peut être une affection. Donc précocement, cet enfant a une mauvaise compréhension de comment on donne de l’affection et de ce qu’on fait pour mériter de l’affection », confie-t-elle. « Si ce sont des questions d’ordre financier qui amènent l’enfant à découvrir le sexe, on comprend déjà que cette personne qui entretient cette relation avec l’enfant, utilise son autorité ou un pouvoir. Ce contexte précis montre qu’il y a une domination sur l’enfant et même peut-être qu’il y a une façon implicite de l’obliger à tenir les rapports sexuels, pas forcément un viol, mais ce n’est pas très volontaire. Donc, le rapport à l’adulte devient biaisé quand le rapport sexuel est précoce ; quand le rapport sexuel n’est pas clairement compris par l’enfant ou quand l’enfant pense qu’avec le sexe, il peut obtenir des choses », a-t-elle poursuivi.

La tradition africaine : Un obstacle à l’éducation à la santé sexuelle ? 

De l’avis d’une spécialiste des questions de reproduction et de sexualité en milieu scolaire qui a requis l’anonymat, le sexe est considéré comme un sujet tabou dans la tradition béninoise. « Certains parents n’ont pas eu l’opportunité de parler avec leurs parents de la sexualité. On dit que le sexe est sujet tabou et qu’on ne doit pas en discuter avec les enfants. Même quand c’est une fille qui est en âge de menstruation, on lui interdit de s’approcher des garçons sans détailler quoi que ce soit. Donc, le sexe est considéré comme un sujet tabou. Pour d’autres parents, parler de la sexualité à l’enfant est une manière de la pousser vers une vie de débauche. Ce qui n’est pas vrai. Si on énumère toutes les conséquences qui entourent le sexe à l’enfant, cela revient à l’enfant de faire le choix. Si on refuse d’entretenir l’enfant sur la question du sexe, il ira s’informer au dehors et cette fois-ci de façon maladroite. », déplore-t-elle, insistant sur la nécessité d’un dialogue franc et fréquent autour de la sexualité avec les enfants, surtout les filles. « Il suffit de ne rien cacher aux enfants par rapport au sexe, de leur expliquer les conséquences d’une sexualité précoce et irresponsable et rapidement, ils se prennent en charge sans attendre quelqu’un. », conseille-t-elle aux parents.

L’éducation à la sexualité dans les familles : Encore un tabou par endroits

Certains parents n’entendent pas ouvrir le débat dans le cercle familial sur la question de la sexualité avec leurs enfants. A l’analyse, tout ce qui touche au sexe, selon eux, relève du domaine des grandes personnes. 59 ans révolus, Blaise Dèga enseigne l’Histoire et la Géographie au CEG I d’Ekpè. Il est également président du bureau de l’Association des Parents d’Elève (APE) au CEG Tchonvi, dans le même arrondissement d’Ekpè. Visiblement conservateur, il déclare à Educ’Action : « Pour moi, ceux qui pensent que la sexualité ne doit pas être un sujet tabou se trompent. Nos parents ont considéré le sexe comme un sujet tabou et nous avons réussi. Mais depuis qu’on a commencé par dire que le sexe ne doit plus être considéré comme un sujet tabou, nous-mêmes, si nous ne devons pas nous tromper, voyez où cela nous a conduits. Chez moi, en tant que parent, le sexe est sujet tabou. Même en ma qualité d’enseignant, je ne parle pas comme cela de la sexualité avec mes élèves. » Il justifie sa position : « Nous ne sommes pas des réfractaires aux progrès scientifiques. Ceux qui vont le dire sont ignorants. Nous avons l’habitude de dire que c’est au bout de l’ancienne corde qu’il faut tisser la nouvelle. Nous n’allons pas laisser brusquement notre éducation ancestrale pour s’accommoder à l’éducation étrangère qui aujourd’hui endommage notre éducation et nous déracine. » La seule façon pour lui d’aborder la question de l’éducation à la santé sexuelle avec ses enfants filles est le contrôle rigoureux de leur cycle mensuel. Il n’hésite pas, à l’en croire, à les interpeler chacune en cas de retard de leur menstruation. « L’effet dissuasif de cette méthode pourra les contraindre à la fidélité », a martelé le père de famille Blaise Dèga. Quant à la précocité de la grossesse en milieu scolaire, la responsabilité est imputable aux parents si ces derniers n’accomplissent pas leurs devoirs vis-à-vis de leurs enfants, a fait comprendre l’enseignant. Il invite, tout de même, les parents comme lui à instaurer un climat de dialogue avec leurs enfants filles, surtout autour de cette préoccupation majeure qu’est le sexe.

Oser rompre les tabous : L’idéal pour donner sens à l’ESS

Le poids de la tradition éloigne de bien de parents l’élan d’instituer le débat autour des préoccupations liées à la sexualité. Tellement, les tabous s’érigent en obstacles. Pour expliciter sur le phénomène des tabous, le premier responsable de l’INIFRCF, Blaise Coovi Djihouessi, déclare : « Parler de sexe n’est pas un tabou pour les parents, mais culturellement ils n’en ont pas le droit. Dans l’Afrique traditionnelle, les parents n’ont pas le droit d’aborder tout ce qui relève de la sexualité avec les enfants. Ceux qui le font, ce sont les pères sociaux et les mères sociales qui ont de l’expérience. En terme de relations homme-femme, quand vous voulez épouser une femme, vous passez par les oncles et les tantes parce que culturellement, vous n’êtes pas autorisé à aller voir les parents de la fille. » Il poursuit qu’en réalité les tabous, ce sont les termes utilisés pour désigner le sexe. « Il n’est pas autorisé qu’on désigne le sexe par des termes très peu appropriés. Mais lorsque vous le faites avec des termes reconnus socialement, personne ne vous en voudra. Le terme choisi pour désigner le sexe de l’homme socialement, par exemple, est ‘’Sounouhoué’’ qui veut dire la demeure de l’homme, (en langue Fon du Bénin, ndr). Celui utilisé pour le sexe de la femme est ‘’Gnonnouhoué’’ [la demeure de la femme, en langue Fon du Bénin, ndr]. Et ces notions n’ont réellement choqué quelqu’un socialement », a-t-il détaillé. « Mais quand vous transgressez les mots conventionnellement et socialement admis, les gens vont vous regarder de travers », a soutenu le directeur de l’INIFRCF.

Education à la Santé Sexuelle : Du choix des mots à la sensibilisation à la sexualité 

L’Education à la Santé Sexuelle passe aussi par le choix des mots appropriés pour éloigner des tabous que constitue le sexe. De l’avis des experts, il suffit juste de trouver et d’utiliser les termes admis que personne ne criera à la perversion. « Quand les étrangers entendent des propos comme ‘’vous êtes mal éduqué’’, ils comprennent automatiquement que le sexe est encore un tabou », argue Blaise Coovi Djihouessi. Dans nos cultures, il y a bien des termes auxquels on fait allusion sans attirer les regards, parlant du sexe. « Avant d’entrer dans une maison, on frappe d’abord à la porte. C’est alors qu’on vient vous ouvrir avec une clé. Mais quand vous défoncez la porte pour vous infiltrer dans la maison, on vous accuse de violation de domicile. C’est pareil avec la femme. Quand vous rentrez dans la maison de la femme sans son autorisation, on vous accuse de viol parce que vous avez commis une violation de domicile. Quand tu fais l’amour avec une femme sans son consentement, alors tu as commis une violation de domicile, un viol. Ces termes utilisés en langue locale Fon permettent d’aborder les questions liées au droit sexuel des enfants (surtout filles). Cela permet de faire comprendre que personne n’a le droit de les violer, d’abuser d’elles, de les harceler. Cela est puni par la loi. C’est pour cela qu’on les appelle les enfants de procureur, car ce sont des mineurs », a-t-il exposé.

Le Guide d’apprentissage et l’école des parents à l’éducation sexuelle : Nécessité de rompre avec les tabous

A cette phase expérimentale de l’ESS dans les établissements d’Enseignement publics de la maternelle au secondaire, des approches sont trouvées par les techniciens pour mieux circonscrire le débat et conscientiser les jeunes autour des enjeux de l’éducation à la santé sexuelle. Toutes les couches sont impliquées à travers le ‘’Guide de référence pour la conduite du dialogue parent-enfant en santé sexuelle et reproductive’’ mis à la disposition des Centres de Promotion Sociale. « Nous cherchons à échanger avec les parents, à leur donner des notions en matière de la sexualité, puisque c’est une question délicate. Les années antérieures, nous avons démarré les dialogues en famille sur la question de la sexualité. Nous avons montré aux parents comment abordé la question de la sexualité avec les enfants. Nous voulons continuer dans ce sens ; ce qui a fait que cette année, nous avons planifié une formation au profit des parents sur le guide ‘’Parent-Enfant’’ qui comporte plusieurs parties et aborde toutes les questions relatives à la sexualité, mais en tenant compte de l’âge de l’enfant », a confié à Educ’Action Bibiane Dassi, Cheffe du Centre de Promotion Sociale de Wologuèdè. Sa collègue Carine Affovoh, Cheffe du Centre de Promotion Sociale de Xwlacodji, va plus loin, martelant que le Guide (document d’appui) contribue efficacement à la formation sur le dialogue parent-enfants. « Il faut dire que ce Guide est une méthodologie selon l’âge. Donc, il y a des enfants qu’il faut former à la sexualité selon l’âge. De 0 à 8 ans, de 8 ans à 13 ans et de 13 ans à 17 ans. Les thématiques abordées par tranche d’âge ne sont pas les mêmes. C’est pourquoi on a besoin de se faire former et je suis sûre que les enseignants également ont reçu cette formation. Cela dépend donc de quel concept et thématiques abordés avec l’enfant selon son âge », a-t-elle renchéri.

Des conseils pratiques de la psychologue-clinicienne aux parties prenantes de l’ESS

S’adressant à toutes les personnes soucieuses de l’éducation sexuelle des enfants, la psychologue-clinicienne Sègbédé Aligbonon pense, à la lumière de ses expériences, et de ses pratiques d’écoute et d’observation que chacun devrait aider à apprendre des enfants. La préoccupation de base n’est pas de demander ce que le parent va apprendre, comment il va encadrer l’enfant, mais plutôt comment il sera à l’écoute de l’enfant, comment il va l’observer, comment il va l’accompagner parce qu’en réalité, on n’apprend pas beaucoup la sexualité aux humains, mais il y a quelque chose de réel déjà en terme de sexualité dans chacun. « Quelque fois, les enfants ont déjà beaucoup d’informations, beaucoup de désirs, beaucoup de connaissances sur la sexualité. Ces connaissances peuvent être biaisées, mais il y a déjà quelque chose au niveau de tous les enfants et on peut mieux les encadrer, les accompagner en allant à la rencontre de ces choses, en les observant, en voyant leur croissance, en interrogeant leur questionnement, leurs difficultés, leur compréhension de la sexualité. Chaque fois que nous voulons éduquer quelqu’un à la sexualité, il est très respectueux que nous disons que nous avons à apprendre de la personne. La sexualité est quelque chose de très intime à chaque individu, de très singulier à chaque personne quel que soit son âge. Il y a quelque fois beaucoup plus de peur que de mal. C’est vrai qu’il y a trop de dérives, mais si on peut avoir toute l’assurance en tant qu’éducateur dans la démarche, on aurait beaucoup à gagner auprès des enfants dans ce qu’on pourrait appeler éducation à la santé sexuelle », a-t-elle conseillé aux parties prenantes

Blaise Coovi Djihouesi, à propos de l’expérimentation de l’Education à la Santé Sexuelle

« La phase de généralisation sera certainement pour l’année scolaire 2020-2021 »

Blaise Coovi Djihouesi, Directeur général de l’INIFRCF et Président du Comité technique chargé du suivi de la mise en œuvre de l’ESS, se penche ici sur la phase expérimentale de ce programme qui est en cours d’exécution dans 76 CEG et Lycées, 24 écoles maternelles et 48 écoles primaires dans tous les départements du Bénin

Educ’Action : En quoi consiste cette phase expérimentale ?

Blaise Coovi Djihouessi : On élabore un document didactique sur la base d’hypothèses et c’est l’expérimentation qui permet d’infirmer ou de confirmer les hypothèses de base. Nous avons commencé l’expérimentation dans 76 collèges et lycées, 20 écoles maternelles, 48 écoles primaires. Les enseignants formés sont en train de mettre en œuvre le contenu des documents infusés sur le terrain. Les Conseillers pédagogiques (CP) et les inspecteurs formés sont aussi sur le terrain. Nous suivons de près tout ce qui se passe au niveau de l’INIFRCF. Au début de l’expérimentation, certains parents nous ont demandé pourquoi impliquer les enfants de la maternelle et qu’est-ce qui leur sera enseigné. Eh bien, au niveau de la maternelle, nous insistons sur l’hygiène corporelle parce que le concept que nous avons choisi nous amène à cela. Comme je l’ai dit, l’éducation à la santé sexuelle est liée à notre attitude et comportement face à notre santé et les conséquences de l’activité sexuelle. L’expérimentation se déroule sur toute l’étendue du territoire national, dans des établissements qui ont été choisis, selon des critères bien précis de représentativité.

Quels sont ces critères ?

Nous avons identifié des écoles dans des zones urbaines, dans des zones périphériques et dans les zones rurales, surtout au niveau des écoles publiques. Nous avons un autre critère qui prend en compte les établissements privés et les établissements confessionnels. Nous avons également identifié des écoles mixes, puis des écoles pour filles et pour garçons.

Quelles sont les premières conclusions qui se dégagent ?

Les premières observations, c’est qu’il y a encore des enseignants qui trouvent des difficultés à aborder la thématique de l’éducation à la santé sexuelle dans leur classe malgré qu’ils aient été formés. Cela est essentiellement dû aux pesanteurs socio-culturelles malgré que nous leur ayons dit que tout est pensé pour qu’ils puissent l’aborder avec la conviction de réussir. L’autre difficulté à laquelle les CP sont confrontés sur le terrain, c’est la mutation des enseignants formés de leurs écoles expérimentales vers d’autres écoles qui ne le sont pas. Nous allons nous engager dans un plaidoyer pour que les enseignants formés ne soient pas mutés durant cette période expérimentale, en attendant la généralisation.

Comment se présente le mécanisme de suivi des activités sur le terrain ?

D’abord, nous avons élaboré des outils de suivi. Ensuite, nous avons formés les CP de la maternelle, puis du primaire et du secondaire, et ensuite des inspecteurs des différents ordres d’enseignements. Des documents ont été réalisés par les cadres de l’INIFRCF et de l’INFRE. Tous les directeurs des établissements d’expérimentation ont été également formés, car ils sont les premiers conseillers pédagogiques de leurs établissements. Ils ont tous été formés à l’utilisation des outils de suivi. Dernièrement, nous avons eu une rencontre qui a permis de procéder à des réajustements. Nous suivons tout ce qui se passe dans les établissements car nous recevons régulièrement des rapports de suivi envoyés par les CP et les inspecteurs. Cela nous permet de faire les réajustements nécessaires.

A quand la généralisation ?

2018-2019 est la phase expérimentale. L’année qui suit, 2019-2020, est la phase d’étude approfondie des rapports de suivi qui ont été produits, de correction, de réajustement des actions sur le terrain avant de passer à la généralisation. Comme je l’ai dit, les documents didactiques sont élaborés sur la base d’hypothèses. C’est l’implémentation sur le terrain qui permet de confirmer ou d’infirmer les hypothèses. En fonction de cela, la phase de généralisation sera certainement pour l’année scolaire 2020-2021.

Réalisé par la Rédaction de Educ’Action

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