Roman « La Danse du Grand Prêtre » : L’écrivain Olympe Bhêly-Quenum en désaccord avec la politique africaine - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde

Roman « La Danse du Grand Prêtre » : L’écrivain Olympe Bhêly-Quenum en désaccord avec la politique africaine

7 mins read

Rédigé en 2013, le roman « La Danse du Grand Prêtre » de l’écrivain béninois Olympe Bhêly-Quenum sort à présent sous les couleurs d’une jeune maison d’éditions : Beninlivres. C’est le récit d’une Afrique bouleversée par les mauvaises pratiques des hommes d’Etat.

«Les activités vespérales s’enchaînaient avec leurs banalités qui cessaient quand le crépuscule murissait ; lampes à pétrole et lampions des marchés de nuit s’allumaient ; les fonctionnaires du secteur public ou les employés du privé rentraient chez eux ». Ainsi se lit l’incipit du dernier roman « La Danse du Grand Prêtre » du béninois Olympe Bhêly-Quenum, grand classique africain. Assez digeste au début, ce roman, paru aux éditions Beninlivres, s’articule en 12 grands moments. Entre les lignes des157 pages de cette novella, l’auteur convoque différentes langues que sont, entre autres, le fongbé, le yoruba et le latin. La langue fongbé : « N’ko kpé mi. Mètèwè mi nyi ? Fitèwè mi wà si ? Etèbà mi dé ? ». P.72. En effet, tout se passe dans un pays fictif : Djên’Kêdjê où Ailàgbara Làiléso Adetè est le chef de l’Etat. Cependant, sa gestion du pouvoir est controversée par une tyrannie légendaire et entachée de sang : une véritable boîte de Pandore.
Allons à la page 94 : « … la Constitution sur laquelle il a fait serment, mais sanctuarise le pouvoir érigé en dictature ? Ses conseillers-conseilleurs sont des sycophantes au service d’une secte et de l’Etranger ». Dirigeant ce pays sur fond du droit de cuissage, de corruption, d’accaparement des biens, d’emprisonnement des opposants, Ailàgbara Làiléso Adetè a vu sa gouvernance du pays tourmentée par le Grand Prêtre. Lequel Grand Prête invoque les morts qui retracent, avec une colère atroce, leur vie avortée et saucissonnée par la dégoûtante gouvernance du chef de l’Etat. « Tu as préféré la félonie à la loyauté et tu conchies le pays » ; « tes préoccupations sont tes propres intérêts, le peuple n’existe pas à tes yeux » ; « tu affames le pays, la misère m’a fait quitter l’autre vie en laissant femmes et enfants », « le pouvoir, tu ne le mérites pas, tu l’as volé » ; « tu anéantis le peuple de Djên’Kêdjê, nous sommes venus te faire rendre gorge ». P.98. Allons à la page 104 : « la stérile nostalgie du passé colonial est le point d’appui des marathoniens du pouvoir ». Mieux, la page 129 affiche : « Quiconque s’insurge contre tes arbitraires ou tes diktats est expédié au gnouf ». Ces propos viennent des morts convoqués par le Grand Prêtre au travers des pas de danse exquis et chaloupés. Ces faits déplorés par tous sont le terreau d’une souffrance indescriptible du numéro 1 de Djên’Kêdjê. Hanté, par le Grand Prêtre et ses morts, pour avoir ignoré les fondements spirituels, culturels et cultuels, Ailàgbara Làiléso Adetè est tombé malade : la hernie scrotale. Une maladie devenue la risée du peuple de Djên’Kêdjê.
Au regard de tous ces témoignages servis dans un français accessible, le patriarche de la plume béninoise vient fouetter les mauvais comportements et la gouvernance opaque qui règnent en maître dans les arcanes de certains chefs d’Etat africains. Ce texte, à n’en point douter, tire à boulets rouges sur les tares de la colonisation sous une description prémonitoire de la mort du guide Fiacre Gbédji. Ce dernier assassiné, le 1er mai 2019, par les djihadistes dans le parc de la Pendjari. Disponible depuis 2013, le manuscrit du tout nouveau roman de Olympe Bhêly-Quenum a essuyé le refus de deux maisons d’édition parisiennes, notamment Gallimard. Lisons un extrait de la lettre de l’écrivain rapportée par les éditions Béninlivres sur sa quatrième de couverture : « Un des auteurs du collectif « Pour Nelson Mandela », je voudrais attirer votre propre attention sur un manuscrit de 2013 retrouvé dans mes archives qu’un doctorant de Tel Aviv venu consulter. Relu sans y apporter la moindre modification, j’ai décidé qu’il ne soit pas œuvre à titre posthume ».
« La Danse du Grand Prêtre » est une nécromancie, un texte qui viole la tranquillité des hommes politiques et qui tend ses bras consolateurs aux opprimés. Dans un style châtié et fourni, le bouquin, comme le dit l’écrivain, est l’Afrique des pourfendeurs. Dans ce livre, c’est une inspiration révélatrice d’une Afrique déséquilibrée fissurée par des comportements grégaires et machiavéliques. L’écrivain Olympe Bhêly-Quenum, l’un des pères de la littérature béninoise, a eu le mérite de prévenir sans pour autant advenir l’avenir.

Enock GUIDJIME

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Les plus récents

error: Vous n'avez pas le droit de copier ce contenu !