Dans une nouvelle approche de recherches visant la sauvegarde et la protection des mangroves au Bénin, des chercheurs du Laboratoire de Biomathématique et d’Estimation Forestière (LABEF) de l’Université d’Abomey-Calavi, bénéficiant du soutien financier du Fonds National de la Recherche Scientifique et de l’Innovation Technologique (FNRSIT) sont parvenus à d’excellents résultats. 22D’Abomey-Calavi à Grand-Popo en passant par Ouidah, une équipe du FNRSIT a parcouru, du 17 au 18 septembre 2020, tout le périmètre d’exploration des mangroves en vue de toucher du doigt les résultats élogieux obtenus après trois années soutenues de travaux de recherches dans cet écosystème où ne s’aventure pas tout chercheur qui veut, mais qui peut. Reportage !
Au-delà du gisement d’exploitation de carrière de sable reconnu comme principale richesse minière de cette petite localité de la commune d’Abomey-Calavi, Togbin pourrait disposer aussi d’une autre potentialité souterraine à révéler au monde : du carbone et de la biomasse. Nous sommes dans l’après-midi du Jeudi 17 Septembre 2020, en plein cœur de la forêt sacrée de Guèdèzoun à Togbin, dans le département de l’Atlantique. C’est dans cet espace forestier de la divinité Guèdè, couvert d’eau et de mangroves que l’équipe de chercheurs du LABEF de la Faculté des Sciences Agronomiques (FSA), avec un appui financier du FNRSIT dans le cadre du « Projet sur la gestion durable des mangroves », est érigée une serre de six mètres sur dix. L’objectif, c’est d’arriver à comprendre la dynamique de l’évolution des palétuviers qui poussent au niveau des mangroves et les conditions optimales de suivi et de croissance des plantules. « Nous avons comparé trois niveaux de salinité : la salinité faible, la salinité modérée et la salinité élevée. Ces résultats vont nous permettre d’orienter les pépiniéristes qui produisent de jeunes plants de mangroves utilisés pour faire de la restauration », explique à l’assistance, Dr Valère Salako, enseignant-chercheur et coordonnateur scientifique du LABEF, avant de conduire la délégation du FNRSIT dans une visite guidée des travaux de recherches menés sur ce site d’expérimentation des mangroves. Prochaine destination : route des pêches pour une plongée au cœur des mangroves de Adounko Daho.
Biomasse et réserve de carbone en perspectives dans les mangroves…
Pour se rendre sur ce site où aucun chercheur ne s’est aventuré dans ses recherches sur la mangrove avant l’année 2017, il faut monter à bord d’une pirogue d’embarcation légère. A force de faire la navette sur ce site depuis bientôt trois ans, Serge Zanvo, en année de doctorat au LABEF de la FAST est devenu un habitué de cette végétation flottante où le manque d’attention est déconseillé au risque de plonger tout droit dans les profondeurs de l’eau. Face à l’équipe du FNRSIT, le doctorant expose ses travaux : « Les collectes ont été faites ici par saison. Nous avons une première saison qui a consisté à l’installation d’environ 600 placeaux tout au long des côtes béninoises sur un total de 20 sites. Durant l’installation de ces placeaux, nous avons pris en compte un certain nombre de paramètres qui résument l’inventaire forestier que sont le diamètre, la hauteur et les individus rencontrés. L’inventaire devrait servir à évaluer le stock aérien et souterrain de carbone dans les mangroves du Bénin. Nous avons aussi installé des pièges à litières qui nous ont permis d’avoir une idée sur la contribution de la litière et l’apport de la biomasse dans les zones de mangroves. Aussi, avons-nous eu à prélever certaines carottes de bois qui ont permis d’évaluer la densité spécifique des espèces de la mangrove afin de pouvoir les impliquer dans des modèles adéquats pour l’évaluation globale du stock de carbone. C’est un aspect très capital dans la gestion de tout peuplement parce que cela permet de voir un peu l’avenir de ces formations ». C’est une étude, poursuit-il, capitale mais laissée pour compte à cause de sa complexité puisque cela implique du temps et assez de moyens ; ce qui fait que beaucoup de chercheurs évitent cette dimension de recherche, surtout dans un écosystème comme celui-ci. « Les gens ne s’intéressent pas trop à cette dimension de recherche dans les mangroves. Nous sommes en train d’explorer cette dimension et nous pensons que les résultats qui seront issus de cette étude seront vraiment capitaux pour la prise de décisions dans le cadre de la gestion durable des mangroves», affirme-t-il tout persuadé. Les chercheurs ne se sont pas arrêtés en si bon chemin dans cette quête d’exploration profonde de la mangrove et c’est parti pour une nouvelle destination de découverte des résultats de recherches dans la commune de Ouidah.
Des alternatives contre la coupe anarchique des bois de mangrove dans l’activité de salinité…
La saliculture est l’activité principale qu’exerce nombre de femmes dans la localité de Azizakouè, dans la commune de Ouidah. Dans ce processus de fabrication du sel, les femmes font usage du bois de mangrove de façon drastique dans la production. Soutenant qu’elles n’ont pas d’autres sources de bois, si ce n’est que les mangroves, les productrices de sel du village perpétuent la tradition de la coupe anarchique de la mangrove. « Le LABEF a entrepris un certain nombre de recherches dans ce sens, surtout dans l’estimation de la consommation du bois au niveau des foyers domestiques et la quantité de bois qu’exige l’activité de salinité par site de production. Les résultats qui seront issus de ces recherches vont nous permettre d’avoir une idée sur tout ce qui est quantité de bois de mangrove consommée au niveau de la côte et l’autre dynamique de notre recherche ici, c’est comment faire pour amener la population à tourner dos progressivement aux mangroves », fait savoir le doctorant Serge Zanvo, renseignant ainsi sur les motivations de leur présence sur ce site. Vaste formation de mangroves à perte de vue remontant jusqu’au douze mètres de hauteur dans le ciel, c’est à travers le parcours sur pirogue de cette vaste étendue d’écosystème de mangroves, le vendredi 18 Septembre 2020 à Avlo, dans la commune de Grand-Popo que l’équipe du FNRSIT a mis un terme à son périple. Ici, où il n’y a pas de terre ferme avec la présence d’eau qui avoisine six mètres de profondeur, la nature n’a laissé qu’un seul choix aux chercheurs de pouvoir l’explorer : grimper d’arbustes en arbustes pour pouvoir faire l’inventaire forestier. « Contrairement aux forêts de terre ferme, ici nous grimpons. Il suffit de trouver n’importe quelle branche et une fois monté, on ne descend plus avant d’atteindre 200 mètres. Nous procédons à l’inventaire systématique de tout ce qui est individu que nous rencontrons au sein du placeau précédemment installé. Nous passons comme des singes d’un placeau à un autre tout en prenant les variables tels que le diamètre, la hauteur. C’est souvent difficile et c’est la zone de prédilection de certaines espèces comme les reptiles. Ils arrivent souvent que vous vous voyez nez à nez avec un serpent. Voilà que vous êtes sur un arbre et en bas c’est l’eau. Donc, seul Dieu veille et nous parvenons à nous en sortir », confie le doctorant Serge Zanvo sur la particularité des travaux de recherches sur ce site. D’un coût global de 30 millions de Francs CFA, ce « Projet sur la gestion durable des mangroves », qui a démarré en 2017 est prévu pour s’achever en décembre de cette année.
Dr Honorat Satoguina, directeur du FNRSIT à coeur ouvert
Cette tournée nous a permis d’aller visiter les différents espaces où le laboratoire de la FAST, qui a gagné le projet est en train de faire ses expérimentations pour comprendre la dynamique de cet écosystème qui est un peu particulier, spécifique et l’importance de sa protection pour l’économie locale et aussi pour la protection de la diversité biologique de ces régions qui sont un peu fragiles et sensibles. Il convient de souligner aussi que le FNRIST développe une nouvelle approche qui consiste à mettre dans l’équipe de projet, tous les acteurs potentiels du projet : les utilisateurs, les sectoriels et les chercheurs. Les utilisateurs peuvent mieux poser les difficultés qu’ils rencontrent, ce qui permet aux chercheurs de bien les problématiser. Ensuite, les sectoriels doivent dire ou peuvent mieux dire et exprimer les enjeux politiques et les enjeux de développement dans le secteur. Ce sont toutes ces informations qui viennent à la fois des utilisateurs et des responsables sectoriels que le chercheur prend en considération pour bien organiser et monter son projet. Comme tous les utilisateurs sont déjà dans le projet, on ne va plus avoir de problèmes dans l’appropriation des résultats, ni à l’utilisation des résultats par rapport aux utilisateurs qui sont les acteurs sur le terrain.