Respect : entre tradition et modernité ! - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde

Respect : entre tradition et modernité !

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Je voudrais évoquer une thématique essentielle qui est la notion de respect. Elle est de nos jours devenue difficile à cerner et à asseoir au regard notamment d’une mondialisation qui n’arrive pas à s’harmoniser avec les valeurs nationales.
Face au respect, on oppose de nos jours la liberté et l’intégrité de l’enfant. Il faut l’élever mais pas le punir car toute violence est à bannir de l’éducation. Or, dans nos sociétés africaines où le respect des anciens est érigé en dogme, nous avons une réelle difficulté avec les théories occidentales toujours plus permissives où l’enfant est roi. Le parent devient le simple serviteur, sinon le premier courtisan. Comment alors apprendre à quelqu’un sans la nécessaire discipline qui intègre le respect de valeurs diverses et l’inévitable punition ! Prenons un exemple curieux mais édifiant.
Je me souvins de la famille Dossou qui avait quitté le Bénin depuis des lustres. Les enfants pétris dans le levain de ces pays de liberté infinie n’étaient jamais venus dans leur patrie. Le père surtout que toute sa communauté avait beaucoup soutenu au moment de voyager, rêvait de ramener toute la famille au bercail afin de les ressourcer. Mais il se rendait confusément compte que cela ne serait pas facile au regard d’un brassage entre des mondes si proches grâce à la mondialisation mais si différents dans la réalité.
Ils débarquèrent en territoire conquis, avec les mêmes préjugés que la plupart de ceux qui avaient vécu de l’autre côté de l’océan : il faisait trop chaud ; un peu de voies pavées mais les ruelles étaient sales etc. Bref les civilisés étaient sur place avec leur cortège de questions oiseuses et inconfortables. Appréhendant cette rencontre à la fois générationnelle et civilisationnelle, il décida de commencer par l’invitation du chef de sa lignée à Cotonou. Cela dérogeait au protocole mais il présenta le projet fort adroitement, prétextant de la nécessité de requérir des conseils de la plus haute importance, que celui-ci se décida à venir. Il se dit que d’une façon ou d’une autre, il aurait des éléments d’appréciation pour mieux préparer la nécessaire visite des enfants au village ; encore qu’il fallût aller les présenter aux ancêtres défunts (aux asen).
L’oncle arriva, sonna et rentra et se retrouva devant un de ses descendants qui lui ouvrit la porte et le regarda nonchalamment sans le voir et lui accorda un vague « salut ». Et avant que le père et la mère apparaissent, l’oncle avait déjà fait la rencontre des trois jeunes évolués pleins de nonchalance et de morgue. Le père apparut précipitamment, navré d’avoir raté l’arrivée de son oncle. Il le salua très respectueusement et tenta de le présenter chaleureusement à ses enfants qui n’arrivèrent pas à manifester quelque intérêt pour ce visiteur dont les codes vestimentaires et civils ne correspondaient pas à leurs canons habituels. Pour résumer, comment apprécier et respecter un homme aussi ringard qui s’exprimait dans un français peu conforme ?
Ceux sont ces jugements que le père voulait éviter. Il avait cherché à préparer ses enfants à la rencontre. Les parents avaient perçu le sentiment de l’oncle qui avait conclu qu’il se retrouvait devant des enfants qui ne comprenaient pas que le respect devrait participer de la tolérance et de l’acceptation de la différence et surtout de l’intégration d’un certain nombre de valeurs. Ils passèrent un moment à se côtoyer avec des géniteurs désemparés devant un parent qui subit stoïquement les impertinences d’une descendance qui avait fini de juger. Enfin, il se leva pour partir après un repas pénible où les enfants se plaignaient des mets trop locaux et rendez-vous fut pris pour un tour au village.
Ils arrivèrent. Malgré les sermons de leurs parents, les enfants avaient de la peine à retenir leur dédain. On les présenta à la communauté et ils firent les difficiles même dans la case des asen. Pour terminer, on les invita sur la véranda apprêtée, à un copieux dakouin à base de poisson et au milieu du repas, l’ainé cria : une arête était coincée dans sa gorge ! On fit tout et il fut rapidement transporté à l’hôpital. Rien n’y fit car en réalité la formidable médecine moderne n’arrivait pas à localiser l’objet qui dérangeait.
Les parents avaient compris la leçon et s’étaient reportés vers le village pour implorer la clémence des anciens. Après moult palabres, on lui demanda de se présenter avec les enfants mal éduqués devant toute la famille. On les mit à genoux et un vieillard, dans un français bien châtié leur fit la morale et leur montra qu’il fallait respecter à la fois la différence et la culture. Chaque société a ses valeurs et on pouvait facilement punir !
Le patriarche s’avança, toucha l’enfant et lui donna de l’eau à boire. Et brutalement, il ne sentit plus l’arête ! Ils remercièrent avec une seule envie : fuir loin du village et du pays. Mais on leur dit. Vous reviendrez souvent « pointer » et honorer les ancêtres afin de mieux intégrer nos valeurs. Vous réussirez maintenant partout et toujours. Sachez qu’on vous a à l’œil !

Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe

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