Rama-Yao Koudoro, président de l’association Ecole de cirque Nu Dagbé : « Le public doit s’attendre à voir un spectacle bien enrichi à Cotonou » - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde

Rama-Yao Koudoro, président de l’association Ecole de cirque Nu Dagbé : « Le public doit s’attendre à voir un spectacle bien enrichi à Cotonou »

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La tournée nationale de cirque initiée par l’association Ecole de cirque Nu Dagbé avec l’appui financier de Culture At Work Africa et la Fondation Camaro d’Allemagne, a atteint son point culminant avec déjà sept (07) villes traversées (Godomey-gare, Natitingou, Parakou, Dassa, Bohicon, Grand-Popo, Sô Ava) par les garçons de Nu Dagbé. A chaque étape, ce fut l’apothéose. Rama-Yao Koudoro, président de l’association, fait ici sa lecture de la tournée à mi-parcours, avant d’anticiper sur la qualité des spectacles à Cotonou prévus les 20 mars et 26 mars 2020, respectivement à l’Institut Français et au cœur du marché Dantokpa.

Educ’Action : Que dites-vous du bilan à mi-parcours de la tournée nationale de cirque entamée le 25 février 2020 par les garçons de Nu Dagbé ?

Rama-Yao Koudoro : Quand vous observez, vous-même, les garçons et les prestations qu’ils donnent, vous remarquez que ces quelques mois de résidence ont réellement fait grandir des garçons qui ne l’espéraient pas et c’est cela le plus important. Ce n’est pas obligatoirement le gros spectacle qu’on est en train de voir qui est l’important, mais plutôt de jeunes gens qui, par le passé, étaient dans un autre monde, et qui dans l’intervalle de quelques mois en résidence, développent de potentiels en matière d’art de cirque qui les valorise par rapport aux autres enfants qui sont restés dans le marché. Ils ont fait un parcours atypique qui peut les aider, les propulser très loin et c’est justement cela, l’objectif que nous poursuivons au sein de l’association Nu Dagbé. La tournée se passe très bien puisque toutes les fois que les garçons se produisent, dans les différentes villes, ce sont des publics enthousiastes qui se déplacent pour les voir sur scènes et les applaudir. A chaque étape, les garçons s’améliorent, ils affinent leur art. On a fait vraiment un pas de géant.

Qu’est-ce qui vous a le plus émerveillé lors des prestations des garçons ?

D’abord, le thème : « Pourquoi on est parti ? ». Il faut bien lire à travers les lignes pour savoir que les garçons, à travers ces spectacles, sont en train de parler d’eux-mêmes. Ensuite, le cirque est un grand exercice d’équilibre. Cet équilibre n’est pas seulement celui dont ils font montre sur scènes, il est aussi mental. Ils tiennent tout le monde en haleine. Pendant une heure, tout le monde reste attentif et apprécie les merveilles que produisent les garçons. C’est cela qui m’impressionne le plus. Que ces garçons issus du marché, parfois insultés, tiennent une grande foule en haleine pendant une heure de temps et eux-mêmes, à la fin des spectacles, soient contents tout comme nous, est la chose la plus formidable.

Que dire alors de la mobilisation du public des différentes villes qui ont accueilli la tournée ?

D’abord, quand on annonce un spectacle de cirque, les gens ne comprennent pas grand-chose. Au début du spectacle aussi, la mobilisation n’est pas spontanée. Mais juste après, avec les différents tableaux que présentent les garçons, la mobilisation devient très forte et trop grande. Les gens viennent de partout pour voir et apprécier sur scènes les garçons, leur talent dans l’art du cirque. Les élus locaux des localités traversées par la tournée nous demandent parfois si nous pouvons dupliquer l’expérience chez eux avec les enfants de rue. Ils formulent le souhait que leurs enfants de rue soient initiés et formés à l’art du cirque. Nous avons notre prochain spectacle à Cotonou et je suis sûr que vous aurez des nouvelles des garçons pendant un long moment parce qu’à Cotonou, ils vont se produire dans leur milieu. Les gens qui les voyaient avec les petites boites de tomate, vont les retrouver dans un autre rôle en train de se produire sur scène.

A quoi doit s’attendre le public de Cotonou ?

A Cotonou, le public doit s’attendre à voir un spectacle bien enrichi. Ces garçons, il y a quelques mois, personne ne pouvait se réjouir de ce qu’ils faisaient à l’intérieur d’un marché. Aujourd’hui, ils sont applaudis un peu partout parce qu’ils font quelque chose de formidable : le cirque. Ces garçons se valorisent là où d’autres n’ont pas réussi à s’illustrer. Nous aussi, nous sommes contents de voir qu’à la suite de la pièce montée et jouée, le public sort toujours satisfait au point où il en redemande parfois. Cela sous entend qu’à la fin de chaque spectacle, nous sommes, nous aussi, très satisfaits. Les garçons se perfectionnent merveilleusement dans l’art du cirque et c’est cela notre fierté.

Après cette tournée, que deviendra l’école de cirque Nu Dagbé ?

Nous avons fait une assise pour voir ce qu’on fera après l’école et surtout à la fin de cette tournée. Ce que nous avons décidé, c’est de maintenir l’école de cirque. Pour ce qui concerne les garçons, il y avait plusieurs solutions que nous cherchons. D’abord, c’est la formation. Ces garçons iront suivre diverses formations. Celui qui va faire la cuisine, celui qui va faire la coiffure, la mécanique ou celui qui veut continuer dans le cirque aussi, etc. A la fin de ce projet, commence un nouveau projet, un nouveau défi. Ce défi va être en deux temps : ceux que nous avons accompagnés jusqu’à maintenant et les autres qui veulent rentrer. Donc, nous aurons deux groupes. Le groupe 1 qui est en train de sortir et le groupe 2 qui est en train de rentrer, de telle sorte que cela se renouvelle perpétuellement. Mais ce que nous voulons faire, c’est que nous arrivons à impacter aussi les autres villes et c’est pour cela qu’on a fait une tournée. Il sera question de voir la possibilité de créer des résidences dans plusieurs villes pour que les garçons commencent par s’exercer dans l’art de cirque. On pourra choisir les meilleurs parmi eux pour pouvoir faire une pièce chaque année. On verra ce que cela va donner. Mais ce qui est sûr, c’est qu’on a réussi le premier pas. Le second consiste à les mettre en apprentissage, en formation.

Quelles sont les ressources dont vous disposez pour réaliser de telles ambitions ?

La Ressource humaine d’abord parce que dans tout ce que nous avons eu à faire, il y a beaucoup de bénévolats. Nous sommes nombreux à nous activer pour encadrer ce groupe. La ressource humaine est plus importante que la ressource financière. La ressource financière, c’est pour accompagner la ressource humaine que nous avons. Il y a même des gens qui ont donné leur temps, ils sont venus depuis l’Europe pour rester en résidence pendant deux semaines ou trois pour les former et c’est tout cela qui fait l’ensemble de l’école de cirque que nous avons. Mais la ressource financière vient des organisations. Nous avons une organisation, l’Union Européenne, qui nous accompagne, mais nous allons taper à des portes de plusieurs autres organisations pour leur dire d’essayer de nous soutenir dans cette initiative, parce que si nous ne sortons pas les garçons de la rue, la population est en danger. Si on n’arrive pas à faire ce travail, qu’on n’arrive pas à impacter plusieurs garçons qui se convertissent, qui font un travail noble, demain, vous ne pouvez pas laisser votre voiture dehors. Nous travaillons pour la population.

Propos recueillis par Edouard KATCHIKPE

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