R.I.P Magou, Loïc et les autres - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde

R.I.P Magou, Loïc et les autres

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On nous dit que les artistes ne meurent jamais ! C’est faux, on le sent dans nos corps et nos cœurs. Pire, les vrais s’en vont un peu trop souvent sans ces tambours et trompettes qu’ils ont tant joués pour agrémenter nos vies, nos quarts de vie qui ne tiennent qu’au fil de leurs musiques pleines de joie, d’espoir, de force pour encore se lever et aller de l’avant.
Depuis quelques temps, nous avions plutôt l’habitude de nous extasier devant les pornographies d’inutiles et pauvres talents, soit disant musicaux, en quête de mal vivre et étalant leur mal être. C’est pourquoi l’artiste, le vrai, ceux qui ont œuvré pour la musique béninoise et internationale, ne nous intéressent plus. On ne pense plus à la véritable musique qui s’inspire, se cisèle et se peaufine dans le génie et la sueur. Non aujourd’hui, c’est de la musique préfabriquée, en toc qui te reste dans la tête parce que tu penses aux courbes plastiques de la chanteuse qui se dévoile en se voilant ou qui, tout simplement, n’a qu’un génie à savoir des fesses vitaminées à satiété et sûrement fausses. Les hommes, quant à eux, rivalisent dans la bêtise des gros et sales mots qui encerclent nos enfants et ne nous permettent plus de les éduquer convenablement.
Foo Magou ou si vous voulez Magloire Ahéhéhinnou s’en est allé, écœuré par tout ce microcosme qui n’offre plus rien à son génie de bassiste et arrangeur ou tout simplement de musicien connu de tous dans le Bénin de la musique. Quelques jours avant, ce fut Loïc Martin, celui qui fit connaître et aimer le JAZZ dans son antre «So What» à Cotonou et qui émigra sous d’autres cieux face à ce qui, dans un pays, est pire que la répression politique, la violence policière ou encore la haine des frères et sœurs, c’est-à-dire l’indifférence !
Les artistes meurent-ils ? Oui, vous le voyez bien ! Ils sont morts et bien morts. Demandez à cette génération qui a côtoyé Magou et Loïc à savoir Gilles Louèkè, Fafa Ruffino, Pépé Oleika, Nel Oliver, Rek Souza, Silas Johnson, Henri Hèssou, etc. et j’en oublie sûrement des plus proches, des anonymes comme moi qui ont été des amis, des parents et des enfants.
Avions-nous été à la hauteur de la tâche ou pleurions-nous juste un passé qui s’en va et commence à disparaître au loin. Avions-nous aidé, participé et soutenu ces êtres chers dont la mort a été instantanément transmise à ce microcosme averti ? Nous avons mal, nous pleurons ; nous sommes meurtris dans notre chair et dans notre esprit autant que leurs enfants et surtout ceux que nous avions vus naître et que nous avions tenus sur nos genoux.
Quand nous évoquons des êtres disparus, ce qui nous intéresse et nous interpelle n’est pas leur passé, leurs humeurs, leurs joies, leurs courroux ou leurs peines qui nous reviennent mais, comme la substantifique moelle, c’est ce qu’ils ont laissé à l’histoire, à notre histoire de bien, de beau, de profond et d’inspirant qui nous parle. Magou «Hoto» est parti ; j’ose à peine penser à «Honon», une artiste célèbre pour ne pas évoquer Assy Kiwa qui est encore avec nous. Des chanteurs sont connus et beaucoup ne sont que des vedettes du moment. Or, ne voilà-t-il pas que les vrais artistes comme Magloire et Loïc et d’autres encore, qui ont marqué l’histoire musicale du Bénin, s’en vont sur la pointe des pieds au motif qu’ils ont été instrumentistes.
Beaucoup attendent que j’évoque la nécessité pour le pays, à travers le ministère de la culture, d’immortaliser la mémoire de ces disparus. On peut faire mieux sans fatiguer des gens qui ont beaucoup trop de choses à gérer : de petits concerts, par ci et par là, avec tous les artistes de cette génération, avec quelques anecdotes et souvenirs, suffiraient autant car, aucun subside ou discours neutre ne remplace des êtres dont le cœur a battu sur scène.
Pour les enfants de Magloire, je voudrais évoquer un trait de caractère de leur papa qui m’a marqué à jamais : alors que nous étions au Centre Culturel Français à l’époque lors d’un concert, la guitare du bassiste sur scène qu’on présentait souvent comme son meilleur concurrent, semblait avoir un problème. Alors, il est allé à la maison chercher sa propre guitare pour que l’autre puisse continuer à jouer. Salut l’artiste !

Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe

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