Axés sur 7 stratégies, les premiers plans d’actions de la Politique Nationale de Protection de l’Enfant (PNPE) sont arrivés à échéance en 2019. En lien avec les objectifs de cette PNPE, les différentes parties prenantes à sa rédaction ont mené des actions mais ont fait face à des poches de résistance.
Nous sommes le jeudi 19 mai 2022 au Tribunal de Commerce de Cotonou. Il est 9 heures, les usagers de ce temple de justice foulent déjà son sol. En face des salles d’audience, se trouve un bâtiment. Nous y retrouvons le bureau d’Érick Hachémè, juriste, spécialiste des droits de l’homme. La protection judiciaire étant dévolue au ministère de la justice, les enfants en conflits avec la loi sont mieux orientés. « La prison doit être le dernier recours et l’enfant ne doit pas aller en prison. Ce qui a fait que l’État a créé des centres. Il y a des centres de sauvegarde où on prend des engagements avec ces enfants à défaut de les mettre en prison », a affirmé le juriste Érick Hachémè, reconnaissant ainsi l’action de l’État dans la création des Centres de Sauvegarde de l’Enfant et de l’Adolescent (CSEA). Pour l’heure, le Bénin en compte trois qui sont situés à Agblangandan, à Akassato et à Parakou. Au-delà de la création des CSEA, l’État a également mis, à la disposition des acteurs de la protection de l’enfant, un numéro jaune. « Pour couvrir l’étendue du territoire national, une ligne jaune d’assistance aux enfants est mise en service : le 138 », rappelle le juriste Érick Hachémè. « Le gouvernement a respecté, à sa façon, ses engagements en recrutant du personnel dans les Centres de Promotion Sociale (CPS). Il y a eu accroissement et harmonisation budgétaire des CPS, l’institution des Comités de Protection de l’Enfant (CPE), le vote de la loi 2015-08 portant code de l’enfant, la prise des décrets appropriés et la numérisation des actes de l’état civil », se réjouit Cyrille Boglo, consultant en protection de l’enfant et plaidoyer. « Beaucoup d’actions, il faut le noter, sont menées par les différentes parties prenantes pour une prise en charge intégrée de la question », précise sobrement Angelo Ayédjo Agossou, officier de police judiciaire et formateur en protection des droits de l’enfant.
La protection sociale est dévolue à la masse. « Lorsqu’il y a une alerte quelque part, il faut assurer les charges. C’est le rôle que jouent correctement les Centres de Promotion Sociale », indique le juriste Érick Hachémè. Le toilettage des garderies est acté grâce au nouveau décret 2022-072 du 09 février 2022 portant création, attribution et fonctionnement des Centre d’Accueil et de Protection des Enfants (CAPE) en République du Bénin. « Par exemple, les garderies ne sont pas censées être des structures prises comme CAPE. Le nouveau décret qui nous est donné par l’État, dit que les garderies sont sorties du groupe des CAPE. Car, elles n’offrent pas les mêmes services. Ils ne sont pas dans la même dynamique. Les garderies sont des structures qui font des affaires alors que les CAPE sont des structures d’ordre social », a laissé entendre Maxime Agoua, chargé de Programme du ReSPESD.
Au niveau du Ministère de la Justice, la Politique Nationale du Développement du secteur de la justice a inclus des mesures pour protéger davantage les enfants. « Avec la médiation pénale, vous allez constater que quand des enfants mineurs ont une situation de droit, on leur donne la possibilité de faire un arrangement. Il suffit seulement que le procureur enclenche la procédure et du coup, cela permet de trouver des alternatives pour éviter la prison », salue Érick Hachémè, juriste en service à la Direction des Droits Humains du Ministère de la Justice. Outre, ces quelques actions de l’État susmentionnées, les ONG, réseaux et structures de protection de l’enfant ont également apporté leur pierre à l’édifice.
La part de la société civile
Le Réseau des Structures de Protection des Enfants en Situation difficile (ResPESD), membre de la société civile, n’est pas resté en marge en termes d’actions. « Avec le ReSPESD, sur financement d’une de nos structures membre, SOS village d’enfants, il y a aujourd’hui un nouveau décret 2022-072 du 09 février 2022 portant création, attribution et fonctionnement des CAPE en République du Bénin », confie avec fierté Maxime Agoua, chargé de programmes du ResPESD. Il ajoute : « Il est question d’élaborer un deuxième plan d’actions que nous qualifions affectueusement de plan d’actions deuxième génération. Ce plan a pris en compte ce qui a marché véritablement dans le passé et ce qu’il y a lieu d’améliorer. »
Cyrille Boglo, acteur social à l’ONG ‘‘Aides Jeunes Rencontres’’ abonde dans le même sens que Maxime Agoua. « Dès la validation de la PNPE par une forte représentation ministérielle, les réseaux d’ONG de protection de l’enfant : ReSPESD et CLOSE ont structuré un plaidoyer pour sa mise en œuvre à travers les travaux d’élaboration du plan d’actions », a-t-il affirmé. « La société civile a aussi joué un rôle très important en termes de sensibilisation. SOS village d’enfants a mené beaucoup d’actions pour la prise en charge des enfants en situation difficile. Des enfants orphelins, des enfants de la rue… et c’est comme cela que beaucoup de structures, selon le domaine défini, arrivent quand même à apporter leur pierre à l’édifice », témoigne, pour sa part, le juriste Érick Hachémè.
Viols, vols, trafic : les poches de résistance ?
« Aucun mois ne passe sans que soient rapportées par voie de presse ou sur les réseaux sociaux, des violences exercées sur les enfants. Les plus répandues sont les viols sur mineure et l’abandon d’enfant. » C’est le constat effectué par votre journal Educ’Action, dans sa parution en date du mardi 10 mai 2022. Ce sont souvent les poches de résistance qui se présentent dans la mise en œuvre des actions des acteurs de la protection de l’enfant. « L’être humain a des caractéristiques. L’être humain a des défauts comme des qualités. L’environnement peut toujours influencer une personne à être toujours dans la dérive, à commettre des actes peu orthodoxes », renseigne le juriste Erick Hachémè. « Ils sont au courant aujourd’hui, des faits de vols, de trafics, d’assassinats d’enfants, parce que la ligne d’assistance aux enfants fonctionne et dispose, à titre de relais, des milliers d’acteurs médias qui font le relais des informations », fait savoir le consultant en protection de l’enfant et de plaidoyer Cyrille Boglo. Il ajoute : « Mais en somme, nous avons oublié de faire exister sur la chaîne de transport, des points focaux de protection de l’enfant. Si nous y arrivons, nous allons pouvoir intercepter et prévenir bon nombre de ces drames qui défraient la chronique. »
Pour le CP du ReSPESD, « le secteur dans lequel nous sommes est celui où il faut avoir de la vocation. C’est un sacerdoce, on y vient par vocation, on n’y vient pas pour faire d’affaires. Quand vous vous êtes engagé pour la protection de l’enfant, sachez simplement que vous êtes dans le social »
Enock GUIDJIME