Document portant la vision de l’État en matière de protection de l’enfant, la Politique Nationale de Protection de l’Enfant (PNPE) est le bréviaire de tout acteur préoccupé par les droits de l’enfant au Bénin. Un document qui définit les principaux axes de prévention et de réponses aux différentes formes de violences et exploitations qui touchent les enfants. Le contexte et la plus-value de cette PNPE, c’est à découvrir dans cette première publication.
Aucun mois ne passe sans que soient rapportées par voie de presse ou sur les réseaux sociaux, des violences exercées sur les enfants. Les plus récurrentes sont les viols sur mineure et l’abandon d’enfant. Pourtant, il existe un ensemble de stratégies [politique, programme, projet, ndr], dispositions utiles [procédures, institutionnalisation, planification, organisation, ndr] et actions [mise en œuvre, suivi et évaluation, ndr] menées ou à mener en vue de concrétiser la bientraitance de l’enfant ou de prévenir toute forme de violences à son égard.
Rencontré lors d’une interview qu’il nous a accordée au siège du journal Educ’Action, Cyrille Boglo, consultant en protection de l’enfant et plaidoyer rappelle les raisons de l’existence de la PNPE. « La PNPE existe pour réduire l’incidence de toutes formes de violences à l’égard de l’enfant, mettre en exergue les interventions concrètes à mettre en œuvre aux niveaux macro et micro pour assurer une meilleure protection des droits et du bien-être de l’enfant. Elle vient favoriser une meilleure coordination des actions des acteurs et des enfants eux-mêmes en vue de garantir à ces derniers, un environnement protecteur fiable et durable », fait-il savoir.
Selon la PNPE, à l’horizon 2030, tous les enfants au Bénin vont vivre dans un cadre familial, communautaire et institutionnel exempt de toutes formes de violences, abus et exploitations à leur égard. Tous les acteurs vont être mobilisés et vont participer alors à leur protection dans une approche intégrée.
Angelo Ayédjo Agossou, officier de police judiciaire et formateur en protection des droits de l’enfant trouve nécessaire l’existence de cet arsenal « Il est nécessaire d’avoir une PNPE au regard des conditions regrettables dans lesquelles les enfants vivent chez nous au Bénin. Le tableau est sombre lorsque vous abordez la question des enfants. Allez dans les marchés de Dantokpa, à Cotonou, Porto-Novo, Parakou, Kandi et autres, vous comprendrez la nécessité de définir une politique de protection », justifie-t-il. Il poursuit : « C’est un document conçu afin de renforcer la réalisation pleine du droit de l’enfant à la protection contre toutes formes d’abus de violences et d’exploitation. Une PNPE parce qu’au Bénin, nous avons un fort taux d’enfants victimes de toutes les formes de maltraitance et ceux qui boycottent les droits des enfants ». Document d’orientation des actions intégrées de protection de l’enfant, la PNPE a été élaborée dans un contexte bien analysé par les acteurs intervenant dans la chaîne de la protection de l’enfant.
Du contexte d’élaboration de la PNPE …
En ratifiant sans réserve la Convention relative aux Droits de l’Enfant (CDE) en 1990, le Bénin a pris l’engagement d’œuvrer pour le mieux-être de tous les enfants. En réalité, en l’absence d’une politique publique en la matière, les Ong, les partenaires techniques et financiers, les communautés et les parents agissaient pour la protection de l’enfant, chacun à sa manière, selon ses objectifs et ses moyens. « Le contrôle de l’État était peu réel. Les données statistiques en matière de protection de l’enfant étaient peu coordonnées et synthétisées. Parfois même, différentes statistiques étaient disponibles sur les mêmes objets pour la même période. Avec le développement de l’approche ‘‘droits de l’enfant’’, il était plus impérieux de centraliser les données relatives à la protection de l’enfant afin de mieux planifier pour l’avenir. Il s’agissait donc de mettre fin à l’anarchie et au désordre dans ce domaine », rappelle Cyrille Boglo, également acteur social à « Aides Jeunes Rencontres ».
Maxime Agoua, chargé de programmes du Réseau des Structures de Protection des Enfants en Situation Difficile (ReSPESD) tient des propos fermes et sans détours : « La problématique de la prise en charge de l’enfant pour la réalisation de ses droits, a amené l’Etat à s’asseoir pour se dire : qu’est-ce que je fais de cette préoccupation d’ordre social ? Et sur la base des réflexions fondées sur les observations de ses réalités sur le terrain, l’État en est arrivé à décliner sa philosophie en la matière ».
D’autres raisons expliquent la mise en place de la PNPE. Au nombre des motivations, il y a le retard dans la présentation des rapports de mise en œuvre des droits de l’enfant ; la non-priorisation de ses droits ; les actions divergentes des acteurs impliqués dans la protection de l’enfant. « Le retard à présenter les rapports de mise en œuvre des droits de l’enfant au niveau des instances de suivi de l’Union africaine et des Nations unies en est une preuve autant que les différents rapports alternatifs des Ong. Le budget alloué à la cause de l’enfant est 0.001% du budget national, une expression de cette non-priorisation. Encore que la collecte des données de protection de l’enfant n’est pas une chose aisée en l’absence d’une concertation dans l’action de protection de l’enfant », se désole Cyrille Boglo, par ailleurs spécialiste en sciences et techniques de l’action sociale et éducative. Il ajoute aussi que « les actions divergentes et parfois institutionnelles des parties prenantes à la protection de l’enfant, ne permettaient pas de pérenniser les acquis des projets et de capitaliser l’expérience acquise. Les interventions se faisaient selon l’option institutionnelle, l’offre de financement et les stratégies ou politiques avoisinantes et non spécifiques à l’enfance. » Pour le fonctionnaire de police, Angelo Ayédjo Agossou, « Le contexte d’élaboration de la PNPE est une approche intégrée avec le souci d’une prise en charge holistique de la situation de l’enfant. L’objectif est d’éviter que les acteurs évoluent en rang dispersé. Le souci d’une synergie d’actions des acteurs de protection a donné naissance à l’élaboration de la PNPE. »
L’élaboration de cette PNPE tire aussi sa source des situations que vivent d’autres enfants au plan international, notamment en Afrique. « Au plan international, quelques événements marquant dans le Golfe de Guinée d’enfants en errance sur des bateaux pour des destinations presqu’inconnues, ont mis les projecteurs sur la considération et le traitement de l’enfant au Bénin au point de parler d’esclavage des temps modernes. Déçus par cette image contraire à leurs investissements ou actions en faveur de l’enfant, diverses Ong et partenaires techniques et financiers en la matière se sont mobilisés. L’objectif est de plaider auprès du gouvernement afin que soit définie à l’image d’autres domaines d’interventions de l’État, une politique nationale de protection de l’enfant », précise Cyrille Boglo, consultant en protection de l’enfant et plaidoyer.
Quid des structures rédactrices de cette PNPE ?
Feuille de route qui met chaque acteur devant sa responsabilité en termes d’amélioration des conditions difficiles des enfants, la PNPE a été rédigée par bien des structures, spécialisées dans la question de l’enfant. Au nombre des acteurs qui ont pris part à l’élaboration de cette PNPE, il y a les parties prenantes à la campagne « Prends soin de moi ! ». On peut citer, entre autres, les réseaux ReSPESD et CLOSE ; la Coalition EPU ; le Collectif des OSC de protection de l’enfance au Bénin ; la Fondation Terre des Hommes ; Plan Bénin ; l’Unicef. À tout cela s’ajoute le gouvernement au travers des ministères en charge de la famille, de la justice, de l’intérieur, de la sécurité, de l’artisanat, du commerce, de la microfinance, de l’éducation, de l’emploi des jeunes, de la santé. « L’élaboration de la PNPE a été l’objet d’une large concertation nationale, sans discrimination aucune y compris les enfants à travers un cadrage méthodologique impliquant autant les acteurs étatiques que non étatiques », a souligné Cyrille Boglo.
Axée sur sept points, la PNPE est le fruit d’une action holistique. « Il y a l’information et la formation de l’enfant ; la prise en charge ; la mobilisation des moyens ; la prévention et le signalement, etc. Donc, nous avons sept axes qui nous donnent les grandes orientations en matière de prise en charge en République du Bénin », indique Maxime Agoua, chargé de programmes du ReSPESD pour rappeler les axes de la PNPE. Votre journal fera l’état des lieux, à la parution prochaine, de cette PNPE en termes de suivi.
Enock GUIDJIME
Merci d’aborder un sujet si vaste et complexe que la protection de l’enfant.
Seul le suivi tel qu’Educ’action le fait permettra d’atteindre l’objectif 2030 de la Politique nationale de protection de l’enfant.
Poursuivons l’analyse et le débat pour une relève de qualité.