Des fois et peut-être par inadvertance, des épreuves accompagnées d’erreurs mineures ou majeures sont proposées aux candidats aux examens de fin d’année scolaire. Réelles, ces erreurs parfois rattrapées lors des compositions ne sont pas sans conséquences sur le rendement des apprenants. Echecs ou redoublements, ce sont les supplices de nos candidats. A la veille d’une nouvelle saison des examens de fin d’année, Educ’Action, spécialiste de l’éducation au Bénin, se penche sur cette problématique dans le sens de l’anticipation avant ces rendez-vous nationaux d’évaluation des compétences. Plusieurs acteurs intervenant dans la chaîne de l’organisation des examens au Bénin, sans langue de bois, ont opiné et apporté des clarifications sur ces dysfonctionnements visibles sur des épreuves, conduisant parfois au rachat des candidats. C’est parti !
«Ecoutez, on dit : Monsieur X est paisiblement assis sous un arbre et voit se diriger vers son pied tendu, une fourmi inoffensive et décide de le retirer par un mouvement de flexion. On demande à l’apprenant d’expliquer comment le fonctionnement du système nerveux cérébro-spinal de monsieur X lui a permis d’accomplir ce mouvement. La fourmi étant inoffensive, pourquoi monsieur X a déjà peur ? Et on parle de système nerveux cérébro-spinal. Allez leur poser la question pour savoir ce que c’est en réalité. Voilà une épreuve qu’on propose aux élèves et le corrigé-type lui-même, passe royalement sur la première portion de la réponse et vous demandez ce qu’il y a lieu de faire dans cette situation ? ». Une illustration pertinente tirée d’une épreuve que se fend Thierry Dovonou, secrétaire général du Syndicat National des Professeurs Permanents et Contractuels du Bénin. Il l’a brandi pour expliquer les erreurs possibles qui pourraient se glisser et qui se glissent des fois dans des épreuves de composition présentées aux apprenants et candidats aux examens de fin d’année. A l’en croire, il est très rare que des épreuves soient conçues sans la moindre erreur. Que des erreurs se glissent dans les épreuves dans le contexte béninois, soit lors des évaluations de classes, des interrogations, des devoirs, des examens blancs ou nationaux, sont bien réelles, fréquentes et se présentent sous diverses formes. Evoquant un autre exemple, le professeur syndicaliste confie avoir relevé et dénoncé, par le passé, précisément en 2007, une erreur à la fois dans une épreuve présentée à l’examen et dans le corrigé-type produit. Comme lui, Didier Idohou, inspecteur de l’Enseignement du Premier Degré à la retraite, semble bien avoir connaissance de cette réalité du système éducatif au Bénin. Pour lui, il est inconcevable que des erreurs se glissent dans des épreuves des examens, pourtant conçues par des experts en la matière. « En réalité, il ne devrait pas avoir une erreur ou des erreurs dans les épreuves proposées et qui seront détectées au cours de la composition. Là, c’est une faute grave ! Une faute dont les responsabilités peuvent être situées en toute honnêteté parce que la confection d’une épreuve d’examen n’est pas une chose qui se fait au hasard et s’il y a des erreurs, c’est que sur la chaîne, il y a un manque de professionnalisme quelque part », a confessé à Educ’Action l’inspecteur pour qui cela résulterait d’une faute professionnelle. Un avis que partage également Jean Claude Hounmènou, professeur de Psychopédagogie, enseignant à l’Ecole Normale Supérieure de Porto-Novo. De ses propos, il se dégage que cette situation peut s’expliquer par le fait que, soit on n’a pas été suffisamment rigoureux dans le choix des experts qui auront la responsabilité de composer ces épreuves, ou alors on n’a pas suffisamment veillé à la qualité de la formulation de l’énoncé des épreuves.
De la conception d’une épreuve d’examen…
Les différentes épreuves proposées aux candidats dans le cadre d’un examen national suivent un protocole bien défini. Autrement dit, ces épreuves ne sont pas proposées à la première occasion. Cela fait appel donc à une chaîne qui intervient dans la confection de ces épreuves. Du moins, c’est ce qu’il convient de déduire des propos de l’inspecteur à la retraite. « Pour arriver au soir d’une épreuve, il y a plusieurs personnes, plusieurs groupes de travail qui interviennent sur la ligne. Il y a d’abord la demande d’épreuves qui est adressée aux enseignants qui tiennent les classes d’examen. Ensuite, quand ces épreuves sont déposées, la Direction des Examens et Concours (DEC) convoque une première commission de tri. Le tri est fait et remis à la Direction des Examens et Concours qui, par la suite, convoque encore une commission restreinte pour faire la relecture de tout ce qui a été proposé. Cette commission dépose son rapport et finalement, c’est dans ce qui est trié que le directeur des examens et concours ou le directeur de l’Office du Baccalauréat choisit l’épreuve ou les épreuves qu’on soumet aux candidats », a détaillé l’inspecteur Didier Idohou. Nous devons reconnaître, ajoute Thierry Dovonou, que seuls ceux qui ne font rien, ne font pas d’erreurs. Mais quand l’erreur survient au cours de la conception des épreuves, qu’y a-t-il lieu de faire ? A cette question, ces acteurs tentent une réponse.
Des démarches possibles pour pallier les erreurs…
« Lorsque l’erreur est découverte, il y a plusieurs moyens qu’on peut utiliser. Si par exemple, l’erreur est découverte avant l’ouverture des plis, la structure responsable qui constate très tôt qu’il y a des erreurs, envoie un rectificatif sous pli fermé aux chefs de centres. Si c’est une erreur qui n’a pas trop d’importance, trop d’influence sur le traitement de l’épreuve, on envoie un message électronique aux chefs de centres de composition. Mais si c’est une erreur matérielle profonde qui a été constatée, il n’y a rien à faire, il faudra suspendre l’examen et là, c’est tout le processus qui est remis en cause. Ces démarches, sont celles menées quand les erreurs sont découvertes bien avant la composition », explique l’inspecteur Didier Idohou. Mais qu’en est-il lorsque l’erreur est découverte bien après la composition ? « On est obligé de rattraper en disant simplement que si l’enfant donne telle réponse, il faut lui donner la totalité des notes destinées à cette partie et la conclusion c’est qu’on ne fait plus de la science », a fait savoir le professeur Thierry Dovonou. D’un acteur à un autre, Didier Idohou, quant à lui, apporte des clarifications complémentaires. « Quand c’est au cours de la correction que l’erreur est découverte, on en tient compte et on colmate les brèches en faisant en sorte que la partie concernée soit traitée de façon particulière pour que les candidats ne soient pas pénalisés », a-t-il déclaré avant de marteler en ces termes : « soit le point est minoré à cet endroit, soit on le donne comme une bonification à tous les candidats ayant traité le sujet. De toutes les façons, on fait en sorte que les candidats qui ont traité ce sujet ne soient pas pénalisés au niveau où il y a l’erreur, mais j’avoue que c’est une légèreté qui est coupable, qui est condamnable parce que confectionner une épreuve ne devrait pas être l’œuvre de tout le monde, il y a des spécialistes qui s’occupent du domaine et quand il y a des erreurs, les responsabilités devraient être situées et les textes réglementaires qui régissent l’organisation des examens et concours devraient être appliqués ». Pour ne pas en arriver à cette situation d’erreur sur les épreuves, le professeur de Psychopédagogie, Jean Claude Hounmènou, estime qu’il y a des précautions indispensables à prendre quand on doit composer une épreuve d’examen, notamment le respect de quelques critères de qualité de l’évaluation. Lorsque nous parlons de conception d’épreuves, explique-t-il, c’est que nous sommes dans le processus d’évaluation des apprentissages des apprenants. S’agissant de la conception des épreuves, il évoque trois (03) exigences fondamentales à respecter que sont : la pertinence, la validité et la fiabilité. « La pertinence veut dire que l’épreuve que vous voulez élaborer est censée porter exactement sur le programme du niveau d’étude considéré et dans la matière considérée. Cela prend en compte le niveau de programme que les apprenants sont censés avoir exécuté. En ce qui concerne la validité, cela veut dire que l’épreuve doit correspondre aux objectifs d’apprentissage qu’on veut évaluer aussi bien dans la forme que dans le contenu », renseigne le professeur Jean Claude Hounmènou avant d’indiquer qu’en mathématiques par exemple, si on veut évaluer la capacité des apprenants à résoudre des équations de 2ème degré, cela veut dire que l’épreuve doit leur demander de résoudre des équations de 2ème degré. Ce qui voudra dire qu’il y a correspondance entre l’épreuve et l’objectif à évaluer. La fiabilité étant la confiance qu’on accorde à l’épreuve. « Il faut que l’épreuve soit bien énoncée, bien libellée pour être parfaitement lisible de tout le monde. Il ne doit y avoir aucune ambiguïté, aucune équivoque dans la formulation de l’épreuve », ajoute-t-il pour répondre à la question relative aux exigences à respecter en ce qui concerne les conditions de forme à remplir.
Quid des répercussions sur les apprenants ou candidats ?
Quoi qu’il en soit, ces erreurs ne sont pas sans conséquences sur les apprenants, de l’avis de Thierry Dovonou. A en croire ce dernier, lorsque pour un examen national et surtout en science, des gens font des erreurs scientifiques, cela est de nature à déstabiliser l’élève et cette déstabilisation est totale parce que cela finit par donner du dégoût à l’élève. « L’élève est dégoûté par la matière et c’est là où ceux qui proposent les épreuves, doivent quand même savoir que le mal qu’ils font au pays, c’est un mal très profond », fait-il observer. Il soutient, par ailleurs, que c’est l’un des domaines auquel le Conseil National de l’Education (CNE) doit s’intéresser en vue de résoudre cet état de chose. Qui de mieux pour expliquer les répercussions psychologiques de l’attitude des responsables pédagogiques qui passent alors de salles en salles pour faire les corrections en pleine composition, si ce n’est le professeur de Psychopédagogie en service à l’Ecole Normale Supérieure de Porto-Novo. Jean Claude Hounmènou explique : « Ce sont des sources d’instabilité et de déséquilibre mental. Un examen doit se passer dans la sécurité psychologique totale où les candidats savent ce à quoi ils doivent s’attendre de même que les organisateurs qui savent quels comportements ils doivent attendre des candidats. Si au cours de la composition, on constate qu’il y a des choses bizarres qui se passent, cela peut plonger les candidats dans l’insécurité psychologique et dans l’instabilité au point où ils ne seront plus à quel saint se vouer. Un candidat ne peut pas sortir de la composition et dire j’ai travaillé, j’ai bien traité l’épreuve qu’on m’a donnée parce que, peut-être, il manquait un mot à l’épreuve, il n’a pas bien lu l’épreuve, etc. Il est donc obligé de se confier à la chance. Là, ce ne sont plus les compétences du candidat qui pourraient déterminer sa réussite puisqu’il ne compose pas à partir de quelque chose de solide et fiable ».
Des erreurs de conception des épreuves pour quelle qualité du rendu et de la correction des copies …
« Bien entendu que cela va biaiser la correction, puisqu’au moment de l’élaboration des corrigés-type, on constate qu’il y a des erreurs dans l’épreuve alors que les candidats ont déjà composé avec cette épreuve erronée. Sur la base de quel corrigé-type on va alors les évaluer ? Le corrigé-type de l’épreuve erronée ou le corrigé-type de l’épreuve qu’on a corrigée après avoir découvert qu’elle était erronée ? Cela met tout le monde dans l’embarras et naturellement, on ne peut pas considérer cette évaluation comme fiable parce que si les examinateurs sont honnêtes, ils vont se dire que s’il y a eu des erreurs dans les épreuves, c’est du fait des organisateurs. Il va falloir que nous trouvions une solution pour que les candidats n’en pâtissent pas et qu’on puisse sauver la face à tout le monde », a détaillé le professeur Jean Claude Hounmènou. De telles situations peuvent donc conduire à l’option des rachats des candidats. En effet, selon le psychopédagogue, « On peut décider de faire l’impasse sur la partie de l’épreuve qui était erronée. Si c’est une partie qu’on devait noter sur 10 par exemple, on va la minorer totalement et majorer le nombre de points attribués aux autres parties même si ces parties n’étaient pas les plus difficiles. Cela permet de sauver les candidats. Ou bien on corrige et après, on fait un bonus pour tout le monde puisque ce n’est pas la responsabilité des élèves ».
Un système d’examen qui fonctionne avec des épreuves mal énoncées, ambiguës, truffées de fautes et d’erreurs, observe-t-il, perd de sa crédibilité et cela discrédite tout le système d’évaluation, et un observateur externe ne peut pas avoir confiance en ce système. D’où l’intérêt de veiller au grain pour éviter la moindre erreur dans la conception des épreuves des examens de cette fin d’année en République du Bénin. Educ’Action aura ainsi joué sa partition !
Réalisé par la Rédaction