Quatre-vingt-dix (90) minutes passées, la projection du long métrage « La Miséricorde de la jungle », l’écran tombe dans le noir avec des cinéphiles perdus dans l’émotion. Restés en position assise dans l’espace de projection, en plein air, du centre culturel ‘’Le Centre’’ de Lobozounkpa, les cinéphiles échangent sur les leçons retenues du film. Enseignant dans un établissement d’enseignement de la place, Serge Allagbé est un vétéran des soirées de projection « Wà Cinéma ». Si une palme d’or devrait être décernée au fidèle cinéphile des soirées de projection à ‘‘Le Centre’’, elle reviendrait à ce quinquagénaire. Approché pour savoir ce qu’il retient de la projection du film, l’homme confie au micro de Educ’Action : « Quelque part au Rwanda et au Congo, s’est déroulé un pan douloureux de l’histoire africaine. Pour des questions ethniques, des africains ont tourné les armes contre des africains, des peuples frères se sont retrouvés comme des ennemis. Cela a occasionné des morts. En voyant ce film, on comprend que ce sont des détails inutiles qui nous divisent, ce sont des choses qu’on pouvait laisser passer mais qui finissent par creuser de grosses différences entre nous. Extérioriser nos faiblesses intérieures, c’est déjà un chemin de guérison. »
C’est une tradition pour l’espace culturel ‘‘Le Centre’’ de convier, à chaque premier vendredi du mois, les cinéphiles à la découverte d’une production cinématographique africaine. A la soirée-cinéma du vendredi 3 juin 2022, la neuvième de la programmation, les cinéphiles ont eu droit à la projection du deuxième long métrage du réalisateur Joël Karekezi. De genre dramatique et tourné dans les montagnes des Virunga en Ouganda et au Rwanda, le film « La miséricorde de la jungle » plonge au cœur de la deuxième guerre de la République Démocratique du Congo. Perdant les traces de leur bataillon à la suite d’une offensive sur la région de Kalemie, deux soldats tombés dans le camp ennemi, vont tenter l’impossible pour regagner leur troupe à Kabinda. Au cœur de l’action, le sergent Xavier, un vétéran de la guerre et son compagnon orphelin de guerre Faustin, paysan des haut-plateaux qui a décidé de filer la tunique de l’armée pour aller au front. Entre l’étau et l’enclume, les deux soldats vont braver de terribles épreuves avant que la jungle ne leur accorde sa clémence et sa miséricorde.
« Ce film a une histoire personnelle avec le réalisateur. A l’âge de 8 ans, il a vécu le génocide rwandais. Il a grandi et s’est dit qu’il faudrait qu’il montre les réalités de ce génocide et tout ce qui se cache derrière. Le plus important, c’est de monter certaines réalités des guerres en Afrique. L’autre chose, c’est de montrer qu’il y a une lueur d’espoir », souligne Salinas Hinkati, coordonnateur du programme ‘‘Wà Cinéma’’.
Edouard KATCHIKPE
