Notre éducation devrait changer c’est-à-dire se restructurer de fond en comble. Nous avions estimé qu’il fallait des préalables avant de définir le socle de compétences que nous devions rechercher pour créer notre école nouvelle. Cette vision est en nous depuis longtemps mais la prise de la décision grâce à la volonté politique et à la technicité de nos cadres du domaine se heurte à ce qui semble une tâche insurmontable au regard de nos moyens. En fait, il y a une réelle difficulté de sortir de nos zones de confort : le politique a d’autres préoccupations ; les techniciens n’arrivent pas à faire la nécessaire révolution intellectuelle tandis que la grande masse ne comprend rien et continue à ânonner. A écouter les spécialistes, le chemin est long. Oui il y aura un bouleversement de nos programmes qui vont fortement s’alléger et surtout faire place à notre quotidien et à celles et ceux qui la font vraiment. Le plus difficile, c’est que notre mentalité de ruminants passifs doit disparaître. L’entreprise et la technique devraient s’apprendre au champ et chez les artisans tandis que le marketing se fera en accord avec les vendeuses « d’ablo » et d’agoutis aux gares routières de Comé ou Allada. Rappelons notre équation : nous vivons dans nos pays selon les habitudes culturelles de nos traditions et en même temps aspirons au développement moderne. Nous devrions donc allier la générosité et la solidarité de nos cultures aux nécessités du monde moderne. Mais l’école voire l’éducation qu’on nous donne est une longue suite de déchirements et de violences vis-à-vis de nos parents qui deviennent ringards, de nos valeurs qui ne nous conviennent plus et de notre environnement que nous refusons de valoriser. Mieux, cette école atrophiée par une large majorité de disciplines inutiles et d’autres très mal enseignées manque de tout : professeurs en grand nombre et surtout qualifiés ; élèves motivés compétents et entreprenants, enseignement utile et surtout utilisable pour aller de l’avant. Face à cette situation où l’école publique essaie pleins de reformes qui n’arrivent pas encore à toucher l’essentiel, le secteur privé surfe sur la vague des désenchantements des parents en formatant au marteau et en proposant du vent. A cela, il faudrait ajouter les passeports de la bêtise et de la paresse : les travaux dirigés à tout prix et les manuels d’activités qui répètent les mêmes phrases. Lorsque quelques-uns de nos enfants parviennent à l’excellence scolaire ; ils se rendent immédiatement compte que l’avenir n’est pas surtout dans notre pays. Ils prennent alors le chemin tout tracé de l’occident qui, vieillissante physiquement et habitué à puiser dans nos ressources intellectuelles, les accueille à bras ouverts. Ils ne reviendront plus mais ils enrichiront les contrées lointaines tandis que nos populations s’engourdissent, se fanent et meurent. Les préalables consisteront à récrire notre histoire et notre géographie en mettant en avant nos potentialités et montrant comment nos enfants apprendront à comprendre. A partir de là, il s’agira d’optimiser nos pro[1]grammes par leur allègement et l’introduction des disciplines nouvelles porteuses de compétences. A terme, c’est le fonctionnement de l’école qui va changer. Les horaires démentiels (7h-13h ; 14h-19h ; cours du samedi) disparaitront car on n’aura pas besoin de ces acrobaties préjudiciables, promoteurs de délinquance et de dépravation. Le besoin en enseignants sera moindre et surtout, il s’agira de les former par l’exemple et l’expérience et cesser de les fatiguer avec les grandes théories pédagogiques qui ont montré leur limite dans les ENI. Le préalable essentiel devrait consister à mutualiser les efforts des ministères en charge de l’éducation : ces grandes structures doivent se parler et œuvrer en symbiose à travers un ministère unique de l’éducation au lieu de couvents cloisonnés où les politiques et les cadres travaillent de temps en temps côte à côte, mais jamais ensemble. Il y aura donc des unités d’analyse, de formation et d’évaluation unique et cohérent. Attention, il faudra demander à une masse critique d’intellectuels de tracer le mécanisme pour amorcer le processus. Nous n’avions surtout pas besoin d’intervention étrangère pour réfléchir et mettre en place. Nous inviterons nos chers amis plus tard, pour nous accompagner. Ce sera la première véritable amorce du changement. Osons : le temps joue contre nous
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe