Le dossier spécial portant sur l’état des lieux de la pratique du conte au Bénin aborde son dernier virage. Pour cette dernière parution de la série de quatre (04) publications sur la thématique, des professionnels formulent quelques suggestions en vue de redorer le blason de la pratique du conte au Bénin.
«Rires. Le métier d’artiste au Bénin, ne nourrit pas son homme, et vous parlez de conteur. Beaucoup se disent que les conteurs sont des personnes rassasiées, des gens qui n’ont rien à faire, et qui viennent raconter des histoires pour amuser la galerie. C’est la considération que les gens ont de nous. Quelqu’un qui ne considère pas ton travail, ne peut pas te payer pour. Il n’y a qu’une infime partie des Béninois qui comprennent l’importance du travail du conteur, et sont prêts à t’accompagner. » C’est l’appréciation de la conteuse Sylviane Zannou, en réponse à la question de savoir si le métier de conteur nourrit son homme au Bénin. Faisant un constat similaire, Serge Zossou, conteur et consultant en développement culturel renchérit : « Le conte ne me nourrit pas, je suis dans d’autres activités. À un moment donné, nous avons compris que si on ne génère pas de revenus ailleurs, on va attendre pendant longtemps. Nous sommes beaucoup plus dans d’autres activités qui nous permettent de financer les interventions que nous faisons dans la pratique du conte. »
Marion Madelénat, comédienne-conteuse de nationalité française, est tombée amoureuse de la tradition orale africaine. Vêtue d’une robe en pagne, inspirée d’un modèle béninois, elle a une idée particulière quant à la capacité du métier de conteur à nourrir son pratiquant. « Pour moi, il y a la nourriture alimentaire et la nourriture spirituelle. Pour la deuxième nourriture spirituelle, je dirai que oui le métier de conteuse me nourrit. « Parfois, on accepte de venir jouer sur certains événements sans être rémunéré. Au même moment, nous prestons sur des scènes où on est bien rémunéré », fait-elle remarquer.
Les conteurs et les artistes ne sont pas bien rémunérés au Bénin, estime l’artiste-conteur Missigbèto Christian Serge Djossa, à cause de l’image que l’opinion leur attribue. « Pour l’opinion, les conteurs sont des gens qui n’ont aucun niveau, ce sont des paresseux, des fainéants. Si l’opinion publique arrive à coller cette étiquette aux conteurs, c’est à cause de quelque chose. Un conteur, c’est un éducateur, un modèle, un exemple pour la société. Vous voyez des conteurs, des artistes qui s’habillent mal, fument et boivent en désordre. Ce n’est pas bien pour notre image, et c’est ce qui justifie le fait que certains parents déconseillent la carrière artistique pour leurs enfants », confie Missigbèto Christian Serge Djossa, avant d’ajouter que le métier de conteur peut être rémunérateur.
Des propositions pour redorer le blason de la pratique du conte
Que faut-il faire pour que la pratique du conte retrouve ses lettres de noblesse ? A cette question, Serge Zossou répond : « Il faut améliorer l’enseignement-apprentissage du conte dans les écoles. Il faut que les enseignants soient formés. Si l’État n’a pas les moyens de les former, qu’ildélègue le pouvoir aux organisations privées. Que l’État permette à ces structures de renforcer les enseignants. On ne va pas se substituer à eux, mais on va les appuyer dans l’enseignement-apprentissage, pour qu’ils aient les rudiments nécessaires afin de pouvoir dire le conte de façon crédible, efficiente et efficace ».
Son collègue de la même corporation, Missigbèto Christian Serge Djossa, plaide que les chaînes de télévision intègrent, dans les grilles de programmes, des émissions nocturnes dédiées aux veillées de conte dites à la façon ancienne, enregistrées au préalable pour ensuite être diffusées. Mieux, il propose que des veillées de conte soient organisées, de façon périodique, dans toutes les localités du Bénin avec le concours des autorités locales.
Edouard KATCHIKPE