De la maison jusqu’à son lieu d’acquisition de connaissances qui est l’école, l’apprenant fait face à plusieurs réalités dans son parcours. Clients privilégiés des points de jeux, les enfants sont devenus une vache à lait pour nombre de promoteurs des points de jeux qui n’hésitent pas à ériger ces espaces de distraction à proximité des établissements d’enseignement. C’est le sujet qui sera au cœur de la thématisation de ce mois de juin qui ouvre cette première parution par l’avis des parents, des directeurs d’établissement et des enseignants sur les centres de jeux installés dans le périmètre de certaines écoles au Bénin.
Eric Achille Mègnigbèto, directeur d’école
« L’enfant qui se réfugie dans un centre de jeu, soit il manque complètement l’école ou il vient en retard en classe et l’échec s’en suit. »
L’enfant est un être en croissance qui cherche à découvrir, à évoluer dans du concret. L’enfant vit permanemment dans le jeu, dans la distraction et les jeux sont au cœur de la distraction. L’enfant en tant que tel, est soumis à des programmes d’études dans les écoles où nous partons de son vécu quotidien pour l’enseigner. Alors, lorsqu’il quitte l’école, il quitte la responsabilité de son maître et de son directeur. Entre l’école et la maison, beaucoup de choses peuvent se passer et il y a ces centres de jeux qui sont à côté des écoles dont l’accès échappe à la fois aux parents et à l’enseignant. C’est le problème qui se pose. Lorsque les enfants envahissent ces centres qui sont à côté des écoles, qui est là pour les contrôler et les éduquer ? Personne. Lorsque les enfants sont livrés à eux-mêmes, ils échappent à tout le monde, ils prennent une liberté totale et les dérives peuvent commencer. Ils peuvent apprendre autre chose qui ne serait ni l’éducation de l’école, ni celle de la maison. Voilà la véritable difficulté. Lorsque l’enfant quitte la maison, pour ces parents, c’est qu’il est à l’école, mais avant de venir à l’école, il fait un crochet dans un centre de babyfoot où il se met à jouer et alors il est finalement en retard à l’école. C’est un grand danger et nous devrons prendre nos dispositions, suivant les lois en vigueur qui interdisent par exemple l’ouverture des buvettes, des centres de jeux à côté des écoles. Les conséquences sur l’acquisition des connaissances sont une évidence. L’enfant qui se réfugie dans un centre de jeu, soit il manque complètement l’école ou il vient en retard en classe et l’échec s’en suit. Il faut que l’Etat prenne les dispositions pour fermer tous ces centres. Mais les enfants connaissent aussi les centres de jeux qui ne sont pas à côté des écoles. La responsabilité des parents sera fortement interpellée. Quand l’enfant quitte la maison, il va où ? Quand on l’envoie à tel endroit, est-ce qu’il y va directement, il fait combien de temps pour aller et revenir ? Ces choses doivent commencer à interpeler et on doit veiller à cela parce que ces centres constituent aussi des creusets de l’éducation de la rue, qui n’est souvent pas une bonne éducation. Malheureusement, il échoue parce que la connaissance prend un coup. Le temps qu’on passe dans un centre de jeu, on pourrait l’utiliser pour étudier ou pour un temps de distraction éducative.
Hervé Hounsou, parent d’élèves
« Même si les enfants ne vont pas dans les centres de loisirs qui sont à proximité des écoles, il y en a sur la trajectoire. Il faut donc un suivi des élèves. »
La proximité des centres de loisirs, les salles de jeux, les débits de boisson, les cafétérias proches des écoles, ce n’est jamais une bonne chose pour les enfants. Les enfants peuvent prétexter d’un cours alors qu’ils n’en ont pas et quitter la maison pour aller s’asseoir dans les centres de jeux. Il y a même des débits de boisson qui vendent de la drogue comme les chanvres indiens. Lorsque l’apprenant, qu’il soit au primaire ou au secondaire, commence à prendre du chanvre indien, le comportement change et il devient irrécupérable. Il y a même certaines écoles qui ouvrent des débits de boissons pour faire face à certaines dépenses de l’établissement non pas pour les apprenants, mais pour le public. Les enfants mettent des tenues de rechange dans les sacs et à la sortie, ils se changent pour aller dans ces lieux. L’Etat doit instruire les chefs quartiers et les chefs d’arrondissement pour interdire l’ouverture de ces centres à proximité des écoles et pour la fermeture systématique de ces débits de boissons et des centres de jeux. En ce qui concerne les parents, il faut un suivi des apprenants. Si les parents ont les moyens d’acheter une voiture, pour faciliter le déplacement de leurs enfants, le chauffeur va les déposer et revenir les chercher à la fin des cours. Ou bien, c’est le taxi-moto engagé ou la maman ou encore la domestique qui vient les chercher. Comme cela, les enfants n’auront pas le temps de faire des escales dans ces centres. Sinon, si on dit que l’enfant ira à l’école de lui-même et revenir, nous ne serons pas sûr qu’il ne fera pas d’escale. Le parent doit prendre l’emploi du temps des enfants et quand l’enfant dira qu’il a cours, qu’on soit certain qu’il a cours. Il y en a qui ont cours à 10 heures, mais qui disent qu’ils sont à 7 heures et quittent la maison pour aller faire du désordre avant d’aller à l’école. Même si les enfants ne vont pas dans les centres de loisirs qui sont à proximité des écoles, il y en a sur la trajectoire. Il faut donc un suivi des élèves.
Elphège Anato, tuteur d’élève
« On demandera à l’Etat de voir dans quelle mesure éloigner ces centres des écoles pour permettre aux enfants d’être concentrés sur les études. »
Je pense qu’il n’y pas de précaution sauf si le parent d’élève n’a pratiquement rien à faire et est prêt à suivre son enfant à chaque sortie de l’école. La seule chose qu’on puisse faire, c’est parler au directeur pour que les initiateurs de ces centres quittent la proximité des écoles parce que les conséquences sont graves ou colossales. Il y a des élèves conscients qui peuvent aller jouer et revenir pour apprendre leurs cours. Mais il y en a qui peuvent oublier ce qu’ils ont appris ou auront à apprendre. Il y en a qui privilégient ces centres au détriment des cours. Il peut ne pas avoir de l’argent, mais il y va juste pour regarder et se distraire. On demandera à l’Etat de voir dans quelle mesure éloigner ces centres des écoles pour permettre aux enfants d’être concentrés sur les études.
Léopolde Ambo, parent d’élève
« L’éducation ne se propose pas de divorcer avec la distraction mais de pouvoir réconcilier les deux pour une bonne harmonie. »
L’éducation ne se propose pas de divorcer avec la distraction mais de pouvoir réconcilier les deux pour une bonne harmonie. La proximité de ces centres de jeux n’est pas le problème, ni impérativement mauvais en soi, mais les heures auxquelles ces centres ouvrent leurs portes à l’attraction des enfants ne conviennent pas. Toute entreprise est érigée en fonction du besoin de la conjoncture et aucune entreprise n’ambitionne la perte de ses investissements. Aussi, les enfants seuls constituent le grand marché de consommation de ces entreprises et nous ne pouvons pas catégoriquement interdire les jeux à nos enfants. Toutefois, il faut savoir discerner et choisir le type de jeux et l’heure à laquelle cela peut être fait. En tant que parent, nous sommes aussi des chefs d’entreprises et ces centres de jeux constituent des concurrents potentiels devant lesquels nous ne devrons jamais baisser les bras. Le parent ne doit pas faire des investissements isolés à notre personne mais il faut en être proche. De ce fait, tout parent doit avoir les contacts des instituteurs ou enseignants de ses enfants afin de vérifier leur statut et les gronder quand ils viennent tard à la maison pour qu’ils ne prennent pas l’habitude. Il faudra habituer les enfants aux travaux ménagers, etc. C’est ce que je fais en tant que parent. Je suis mes enfants de près et je ne les lâche pas d’un pouce. A l’école, j’envoie des messages ou j’appelle les enseignants pour savoir comment ils évoluent, et je rends visite aux enseignants à l’école pour que les enfants sachent qu’ils ne sont pas livrés à eux-mêmes parce que quand les enfants sont livrés à eux-mêmes, ils prennent toute sorte d’habitude parce qu’il y a tellement de marchés dans la rue qu’il faut être un enfant timide et réservé pour en être épargné.
Christophe Zéounpké, maître menuisier et parent d’élève
« Il est bon d’analyser les risques des jeux de hasard avant de les installer dans les zones sensibles, surtout à côté des écoles. »
J’ai l’habitude de dire à mes enfants de ne pas s’adonner à ces jeux, surtout le loto. C’est un gain facile et on ne peut pas encourager son enfant à s’abonner à ce jeu. Je n’aime pas que mes enfants s’y adonnent. Quand l’enfant joue à ce jeu, il peut commencer à te voler de l’argent ou autre chose pour aller jouer, te mentir. Cela fait que l’enfant n’a plus le goût à l’étude, parce qu’il trouve que c’est déjà difficile d’étudier. Il vaut mieux gagner l’argent dans l’adolescence. Je voudrais inviter les enseignants à être un exemple pour leurs apprenants. Si un enseignant joue ces jeux en présence des élèves, c’est qu’il attise en eux la curiosité. Il y a aussi les jeux vidéo et le babyfoot que les enfants prennent d’assaut. Ce n’est pas bien. Il est bon d’analyser les risques des jeux de hasard avant de les installer dans les zones sensibles, surtout à côté des écoles.
Fortuné Adogony, directeur du Collège Ste Mélissa
« La fréquentation de centres de jeux amène des apprenants à ne plus être réguliers au cours, à ne plus être présents de corps et d’esprit. »
Les promoteurs des centres de jeux ne s’installent pas au hasard. Ils choisissent les endroits non loin des écoles parce qu’ils savent que les enfants en raffolent, ce qui n’est pas bon. La fréquentation de centres de jeux amène des apprenants à ne plus être réguliers au cours, à ne plus être présents de corps et d’esprit. Ils ont leur esprit tourné vers leurs salles de jeux et sont pressés de sortir. Ils sont complètement emportés. Ce qui entrave l’évolution du travail, inhibe les efforts. Ils rentrent souvent tard à la maison et n’arrivent pas malheureusement à apprendre les leçons. Ils ne font pas leurs exercices et leurs rendements deviennent médiocres. Les jeux vidéo et le loto ont les mêmes conséquences sur la performance des enfants surtout les nouveaux jeux que les gens font à très bas prix. On peut quand même faire un effort pour arrêter le massacre. Il faut surveiller les enfants surtout quand ils savent qu’il y a une salle de jeux non loin de l’école. Les parents doivent mieux suivre les enfants en vérifiant si les cours sont recopiés régulièrement.
Kouassi Claude Oboé, professeur de français et écrivain
« C’est aux apprenants qu’il faut beaucoup parler, leur faire comprendre l’importance du travail à l’école et les conséquences que la fréquentation de ces lieux peut avoir sur eux… »
Ce n’est pas normal que les autorités administratives acceptent l’installation de ces centres de jeux ou de loto aux alentours des écoles, puisque les apprenants, une fois qu’ils ont du temps libre, ont tendance à se ruer sur ces lieux. Néanmoins, on ne peut pas non plus interdire à leurs propriétaires de les installer puisque chacun est libre d’installer son atelier où il veut. Celui qui a sa maison non loin de l’école, on ne peut pas l’empêcher d’ouvrir sa boutique ou salle de jeu dans sa maison ou devant sa maison puisqu’il habite là. C’est aux apprenants qu’il faut beaucoup parler, leur faire comprendre l’importance du travail à l’école et les conséquences que la fréquentation de ces lieux peut avoir sur eux car les risques que courent ces enfants sont entre autres le banditisme, le vol, l’échec scolaire, la déscolarisation. Il est donc important que les parents comme l’école insistent sur l’éducation des enfants, discuter avec eux, leur montrer les conséquences que la fréquentation de ces lieux peut avoir sur leur vie d’enfant, discuter aussi avec les promoteurs afin qu’ils ne donnent pas accès aux apprenants en période scolaire.
Réalisation : La Rédaction