Point de passage de l’enfance à l’âge adulte : L’adolescence, une période de grandes transformations - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde
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Point de passage de l’enfance à l’âge adulte : L’adolescence, une période de grandes transformations

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Durant la vie sur terre, plusieurs étapes forgent la personnalité de l’être humain, selon qu’elles sont bien passées ou non. Au nombre de ces étapes, l’adolescence est la période au cours de laquelle les enfants subissent de grandes transformations caractérisées par un développement physique, psychologique et social. L’accompagnement de l’adolescent durant cette période est crucial pour éviter diverses situations néfastes pour lui et pour son entourage. Educ’Action, fidèle à sa mission d’éducation et d’information, lève le voile sur cette étape cruciale de la vie pour permettre aux parents et aux acteurs de l’éducation de savoir de quoi il en retourne. Ce premier numéro, met l’accent sur les transformations que subit l’adolescent sur le plan physiologique et comportemental. Découverte !

Joël (prénom attribué), âgé de 13 ans, est élève en classe de 5e au Collège d’Enseignement Général (CEG) Kouhounou-Vêdoko, dans la ville de Cotonou. Alors que l’équipe de Educ’Action effectuait une descente dans ce collège, il y a quelques semaines, pour constater les comportements déviants dénoncés par les enseignants dans les écoles secondaires publiques, Joël était traîné de force par ses camarades devant le Surveillant Général Adjoint (SGA), Julien Guillaume Acakpo. Ses accusateurs lui reprochent d’avoir courtisé presque toutes les filles de sa classe, créant ainsi des conflits entre camarades de classes. Interrogé sur les accusations portées contre lui, l’adolescent n’a nié aucun des propos de ses camarades. Dans ses explications, Joël reconnaît avoir fait des avances à plusieurs filles de la même classe et promis de mettre enceintes quelques-unes qu’ils laisseraient à leur sort par la suite.
Comme le comportement du jeune apprenant, nombreuses sont les dérives et déviances observées dans les écoles secondaires, aussi bien publiques que privées, qui ternissent l’image de l’Ecole, pourtant censée apporter une bonne éducation aux apprenants. Ailleurs, ce sont les insultes et le manque de respect envers les personnes âgées ; la rébellion contre les autorités des écoles ; les menaces proférées contre les enseignants, menaces parfois exécutées ; les absences non justifiées dans les classes. C’est également la découverte du sexe aussi bien dans les salles de classes que dans les toilettes, les ‘’sextapes’’ de jeunes apprenants sur les réseaux sociaux, la consommation des stupéfiants, les grossesses non désirées, etc. Pendant que la majorité des adultes condamnent purement et simplement ces comportements qui sont déplorables à leurs yeux, d’autres, d’un œil averti, loin de cautionner ces comportements, les justifient au regard de la période que traversent ces apprenants : l’adolescence.
La phase de l’adolescence qui est un passage obligatoire dans la vie d’un être humain, est l’une des causes qui expliquent certaines attitudes des enfants. La compréhension de cette étape de la vie permettra aux adultes d’être informés pour mieux aider les enfants à affronter ces changements de leur personnalité. Alors que comprendre de l’adolescence ?

L’adolescence, une transition risquée

          Alek Agboton Oké, médecin

La période de l’adolescence est un passage inhérent à la vie de l’être humain. Ainsi, chaque adulte d’aujourd’hui a connu cette phase quoiqu’elle diffère d’un individu à un autre, sur certains plans. Parler donc de l’adolescence, c’est avant tout comprendre ce concept du point de vue définitionnel. Psychologue, médecin généraliste et docteur en sciences psychologiques et de l’éducation n’ont pas manqué de mots appropriés pour expliquer cette phase transitoire de la vie humaine.
Alek Agboton Oké, médecin généraliste dans un hôpital de la place, définit l’adolescence comme « la période de la vie humaine commençant au début de la puberté et s’arrêtant avec la fin de cette dernière. On attribue cette période à la tranche d’âge allant de 10 à 19 ans ». Evidemment ! semble répondre le docteur Débora Hounkpè, dont les propos viennent confirmer ceux du médecin. Docteur en sciences psychologiques et de l’éducation, elle va s’appuyer sur un rapport de l’OMS pour dire que l’adolescence est « un statut générationnel de tous les jeunes de 10 à 19 ans. C’est également, selon certains scientifiques, une période transitoire entre l’enfance et l’âge adulte ». Le psychologue Dénis Yélouassi dont le travail s’est focalisé sur l’adolescence depuis quelque temps, va partir de l’essence même du mot pour mieux le définir, tout en restant dans la même logique que ses prédécesseurs. « L’adolescence vient du latin ‘‘Adolescere’’ qui signifie ‘‘grandir’’. Ceci explique donc une évolution par rapport à une étape donnée : de l’enfance vers l’âge adulte. Il s’agit alors d’une transition entre ces deux différentes périodes », a-t-il expliqué, s’appuyant sur les écrits de Marcelli & Braconnie édités en 2013. A en croire le psychologue, ce concept a évolué de la perception de crise émotionnelle à celle de tâches développementales. Car, expose-t-il, d’une part, avec des documents cités en référence, « de la vision de Stanley Hall, exposée en 1904, la période d’adolescence est caractérisée par une crise émotionnelle intense. Ce sont les termes de tempête et tension (storm and stress) qui traduisent le mieux les aléas de la vie émotionnelle à l’adolescence caractérisée par l’instabilité, le jeu des passions contradictoires, le tumulte émotionnel et l’état de tension ». En 1976, Rutter remarqua la fiction au sujet du concept de crise émotionnelle et d’autres recherches remettent en cause la présence de cette crise, caractéristique de l’adolescence. Il convient donc de comprendre que, de la crise émotionnelle, évoquée par Hall en 1904, à la fiction, selon Rutter en 1976, la plupart des auteurs contemporains adoptent, à présent, la notion de tâches développementales de l’adolescence pour saisir les enjeux du développement particulier de l’adolescent durant cette période. C’est dire que l’enfant est confronté à plusieurs changements aussi bien sur le plan émotionnel que sur le plan des autres aspects du développement de sa personnalité. « Il s’agit d’une période transitoire, qui marque le développement humain, physique et psychologique, entre l’enfance et l’âge l’adulte. Au niveau cognitif, l’adolescence est caractérisée par un développement de la pensée abstraite, du savoir et du raisonnement logique », a résumé le docteur Débora Hounkpè. Abordons à présent le développement physiologique.

Changement physiologique, première étape de l’adolescence

Denis Comlan Yélouassi, psychoclinicien

Pour l’ensemble des personnes interviewées, il convient de retenir que la puberté constitue le point de départ de l’adolescence. Une production massive des hormones sexuelles et une modification spectaculaire de l’apparence physique respectivement associée au développement des caractères sexuels primaires et secondaires, sont les changements majeurs observés chez l’enfant pubertaire. De façon scientifique, le psychologue Dénis Yélouassi fait observer, en parlant de la puberté, que « les modifications internes relatives aux caractères sexuels primaires, concernent la production des hormones sexuelles. Ces hormones sexuelles sont en effet, produites par les gonades (ovaires chez la fille et testicules chez le garçon) chez les deux sexes. Ces hormones constituent les vecteurs du développement des caractères sexuels internes (primaires) et externes (secondaires) ».
Bien que sécrétées durant toute la vie humaine et en proportion égale chez les deux sexes pendant l’enfance, poursuit le psychologue, la production de ces hormones sexuelles s’accroît dès la puberté, à partir de la stimulation de l’hypothalamus par l’hypophyse (deux organes du cerveau) agissant sur les gonades qui, à leur tour, déclenchent leurs sécrétions. Pour faire plus simple, le jeune médecin, le docteur Alek Agboton Oké, fait savoir que « la puberté est cette période de la vie où le corps passe de l’état d’enfant à celui d’adulte. Les organes sexuels et le corps dans son ensemble évoluent, se développent, déploient d’autres modes de fonctionnement. La croissance s’accélère. L’adolescent s’approche de sa taille adulte à la fin de sa puberté. Son corps sera capable de se reproduire, la fonction de reproduction est alors dite acquise ».
De façon spécifique à chaque sexe, les spécialistes expliquent à tour de rôle qu’il est observé chez le garçon la croissance des testicules et du scrotum, l’apparition des premiers poils pubiens, l’augmentation de la taille de l’appareil génital masculin, l’apparition des poils du visage, l’augmentation de la musculature, la première éjaculation spontanée, la poussée de la croissance, l’apparition de la pilosité axillaire et la mue de la voix.
Par contre, chez la fille, il est observé le bourgeonnement qui caractérise le développement à partir des seins, suivi de l’apparition des poils du pubis et des aisselles. Il y a des modifications au niveau des organes génitaux marquées par l’augmentation de la taille de l’utérus, du vagin, du clitoris et des lèvres vaginales, il y a les pertes vaginales avant l’arrivée des règles et ainsi le début du cycle menstruel. Ce développement physiologique est étroitement lié à ceux psychologiques et comportementaux.

Développement psychologique et comportemental

En plus du changement physiologique constaté chez l’enfant dans l’adolescence, ce dernier subit également des transformations aussi bien sur le plan mental que comportemental. « Au plan psychologique et social, l’adolescence est une période cruciale pour le développement d’habitudes sociales et émotionnelles importantes pour le bien-être mental. Plus les facteurs de risque auxquels sont exposés les adolescents, sont nombreux, plus l’impact potentiel sur leur santé mentale est important », a averti le docteur Alek Agboton Oké, qui notifie par ailleurs : « Cette période est caractérisée par l’exposition à l’adversité, la pression pour se conformer à ses pairs et l’exploration de l’identité. » Aussi, laisse-t-il entendre, l’influence des médias et les normes de genre peuvent exacerber la disparité entre la réalité vécue par un adolescent et ses perceptions ou aspirations pour l’avenir.
Débora Hounkpè, le docteur en sciences psychologiques et de l’éducation dira pour sa part : « Pendant cette période, les adolescents se questionnent sur leur identité et ressentent un besoin grandissant d’indépendance. Il s’agit d’une période de confusion, où le jeune oscille entre son désir d’autonomie et celui d’être encore dépendant de ses parents. Les amitiés prennent une plus grande importance. L’adolescent s’identifie à un ami à qui il voue une fidélité et un attachement étranges. Il a un ‘’alter ego’’, un autre soi-même. » Elle précise également que c’est une phase au cours de laquelle l’instabilité, l’hostilité, la colère sont exprimées avec puissance et où les tentatives de suicide sont très fréquentes chez les adolescents qui vivent très mal les contrariétés, la honte et surtout la perte d’êtres chers. Le psychologue Denis Yélouassi explique, quant à lui, qu’en plus du facteur biologique (physiologique), il y a d’autres facteurs non négligeables qui ont leurs conséquences sur le devenir de l’adolescent.
Du point de vue psychologique, il explique que la testostérone influence le comportement des adolescents (garçons), notamment leur volonté d’affirmation et de domination, de même que leur agressivité. On note également leur désir de satisfaction à l’égard de leur corps. S’agissant des filles, il dévoile que « l’augmentation de la graisse et du poids engendrée par la puberté, provoque une insatisfaction de leur part, surtout chez celles ayant une maturation pubertaire précoce. Aussi, est-il démontré que les filles ayant une puberté précoce, sont plus portées vers les amis masculins plus âgés, ont un comportement de transgression des normes sociales. Il martèle à ce propos que ces filles précocement pubères sont plus recherchées par les garçons plus âgés à cause de leur attirance sexuelle. A tout cela, il faut ajouter les problèmes de délinquance et de comportements sexuels à risques observés dans leur affiliation à des garçons âgés déviants ». On retient donc de ces propos que la puberté précoce expose la problématique de l’estime de soi et, par conséquent, de l’affirmation de soi chez la jeune adolescente. Cette problématique d’estime de soi et d’affirmation de soi est à la base de la distanciation relationnelle entre adolescent(e) et ses parents.
Si cette période est cruciale pour permettre au jeune d’adopter, selon les explications du Dr Alek Agboton Oké, des rythmes de sommeil sains, à avoir une activité physique régulière, à développer leurs capacités d’adaptation et à apprendre à résoudre des problèmes, à nouer des relations interpersonnelles et à gérer leurs émotions, ce n’est pas ce qui est toujours observé chez les adolescents. En plus de tout ce qu’on remarque chez les enfants de cette tranche d’âge et qui sont cités plus haut, le docteur Débora Hounkpè ajoute à la liste d’autres comportements visibles chez les adolescents. « On note aussi un changement dans l’alimentation. Les adolescents mangent beaucoup, dorment beaucoup et rendent moins, en général, à l’école. Ils sont aussi très fainéants à la maison et boudent les tâches domestiques au profit des jeux et des promenades. C’est l’âge ingrat. Comme on dirait en fongbé : ‘‘doumankpamin’’.
Au regard de ces diverses crises que traversent les enfants durant la période d’adolescence, aussi bien les parents que les enseignants ont leur rôle à jouer pour permettre aux apprenants de mieux vivre cette étape et leur épargner les nombreux pièges qui les guettent. Nous reviendrons sur cette phase d’accompagnement des adolescents dans l’acte 2 de cette publication dans notre prochaine parution.

Estelle DJIGRI

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