Place du sous-secteur de l’Alphabétisation dans les politiques de développement : « Pourquoi ne pas dire Ministère du Primaire de l’Alphabétisation et de l’Education non formelle ? », propose le ReNOPAL - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde

Place du sous-secteur de l’Alphabétisation dans les politiques de développement : « Pourquoi ne pas dire Ministère du Primaire de l’Alphabétisation et de l’Education non formelle ? », propose le ReNOPAL

14 mins read

L’Etat doit faire de la question de l’alphabétisation, une de ses priorités en améliorant le budget à lui accordé chaque année en respect des exigences de l’UNESCO et ainsi mettre en confiance les partenaires techniques et financiers opérant dans ce sous-secteur. C’est le cri d’alarme du ReNOPAL poussé par son Secrétaire Exécutif, Franck Arnaud Sèdjro. Très connu du sous-secteur, l’homme, comme d’ailleurs ses autres compagnons de lutte, peine à retrouver sa tutelle, faute d’indentification ‘‘Alphabétisation’’ dans les différents portefeuilles ministériels au lendemain de la publication des noms des membres du gouvernement du ‘‘Nouveau départ’’. Une clarification s’impose, suggère Franck Arnaud Sèdjro, avec qui, nous avons fait le tour d’horizon des autres questions de ce sous-secteur. Le visage du sous-secteur de l’Alphabétisation au Bénin, c’est à découvrir dans les lignes qui suivent…

Educ’Action : Que comprendre par ReNOPAL ?

Franck Arnaud Sèdjro : C’est le Réseau National des Opérateurs privés pour la Promotion de l’Alphabétisation et des Langues. C’est un réseau qui intervient sur le territoire national avec plus de 93 ONGs, cabinets d’étude, qui couvrent l’ensemble du territoire intervenant dans le secteur de l’alphabétisation, d’éducation des adultes et de l’éducation non formelle au Bénin.

Quel est l’état des lieux du secteur de l’alphabétisation au Bénin aujourd’hui, selon le ReNOPAL ?

Selon le ReNOPAL, l’état des lieux n’est pas du tout reluisant. C’est un état des lieux malheureusement ‘’ piteux ‘’ parce que nous avons depuis plusieurs années fait le plaidoyer envers le gouvernement pour l’amener à augmenter le budget de l’alphabétisation. Comme nous l’avons chanté sur tous les toits, jusqu’en 2015, le budget est 0,16. En 2009, il était à 0,49 ; en 2010 à 0,36 ; en 2011 à 0,30 ; en 2012 à 0,29 jusqu’en 2015 où il est de 0,16. Nous avons fait un plaidoyer, et nous avons dit qu’en 2016, il faut que cela s’améliore. Nous venons d’apprendre qu’en termes d’amélioration, ce n’est pas grande chose. Ce qui serait malheureux si c’était le cas vu le traitement réservé au secteur par le gouvernement défunt, ces dix dernières années. Au cours de la campagne, nous avions vu des candidats qui sont dans l’escarcelle du pouvoir actuel, et ont eu le mérite de trouver qu’il faille régler le problème de l’analphabétisme au Bénin. On ne peut parler de développement durable en esquivant les questions touchant à l’alphabétisation. Une fois aux commandes, et après publication de la liste des membres du gouvernement, nulle part nous n’avons entendu parler de l’alphabétisation comme sous-secteur de l’éducation.

Pour information, pourriez-vous nous renseigner sur le pourcentage du budget que l’UNESCO exige qu’on affecte à l’alphabétisation dans tous les pays membres ?

Depuis plus d’une décennie, l’UNESCO a recommandé que tous ses membres puissent réserver 3% du budget au secteur de l’alphabétisation. Ce serait un grand pas qu’on aurait franchi dans la lutte contre l’analphabétisme.

Qu’est-ce qui peut alors expliquer ces différentes baisses selon le ReNOPAL ?

Vous savez que le budget est souvent accordé en fonction de la priorité qu’en fait l’Etat. J’estime que c’est parce que l’Etat n’en fait certainement pas une priorité. Nous avons dans le sous-secteur, un partenaire, un légendaire, la Coopération Suisse que je voudrais saluer et remercier au passage pour tout ce qu’elle a fait jusque-là et garder l’espoir qu’elle va continuer. Pour l’encourager, je pense que l’Etat doit faire de la question de l’alphabétisation, une de ses priorités. Tantôt on nous dit que le sous-secteur est à la culture, tantôt à l’enseignement primaire. Pourquoi ne pas dire, par exemple : ministère du primaire de l’alphabétisation et de l’éducation non formelle ? C’est une proposition parmi tant d’autres. Malgré les problèmes du sous-secteur, les acteurs font d’énormes efforts avec les différents documents élaborés sur les normes de qualité en matière d’alphabétisation, sur le suivi d’évaluation en matière d’alphabétisation, sur la stratégie en matière d’alphabétisation, la politique de linguistique, etc. Il y a plein de choses qui se font dans ce sous-secteur malgré le désintéressement manifeste observé de la part de l’Etat vis-à-vis du sous-secteur de l’Alphabétisation.

A quel ministère ce sous-secteur est-il finalement rattaché ?

Il serait rattaché au Ministère des Enseignements Maternel et Primaire. Je n’ai aucun document officiel pour affirmer la chose. C’est ce que nous avons appris et nous pensons qu’on peut améliorer pour lui redonner une place importante afin de montrer aux partenaires qui continuent à nous accompagner, que la thématique est en train d’être prise en compte par le nouveau départ contrairement au régime défunt.

Une commission des réformes institutionnelles et constitutionnelles vient d’être installée. Le sous-secteur de l’Alphabétisation est-il représenté dans cette commission ?

Je ne saurais le dire parce que je n’ai pas connaissance d’un clin d’œil au sous-secteur dans cette commission. Je veux croire que les sommités qui sont dans cette commission, ne feront pas comme le gouvernement en déclinant les dénominations des ministères et oublier l’alphabétisation. Aucun développement ne saurait être durable si les citoyens ne sont pas alphabétisés dans leurs langues nationales. Ils ne pourront pas participer au développement de leur pays.
A qui devriez-vous en principe verser vos propositions ?

Je n’en sais absolument rien. Pour ma part, en principe, s’il y avait un ministère de l’alphabétisation clairement défini, c’est de là que ça devait partir. Et nous apporterons nos contributions à ce ministère qui travaillera à les verser. Mais, malheureusement, nous ne savons pas là où on est réellement. Les sous-commissions ne sont pas encore mises en place pour qu’on sache s’il y a une commission éducation-alphabétisation ou pas. En matière de propositions, nous en avons suffisamment et nous faisons des plaidoyers depuis plusieurs années à ces sujets-là. Aujourd’hui, nous avons travaillé avec l’ex ministère en charge de l’alphabétisation pour sortir la carte nationale de l’alphabétisation, des statistiques fiables pour amener les gens à réfléchir. Nous sommes en train de préparer une demande d’audience au ministre d’Etat, secrétaire général de la Présidence de la République. On espère bien qu’il va nous recevoir. Toutefois, ils ne sont qu’au début du mandat et on ne va pas les accuser entièrement.

Quelle est la différence entre alphabétisation et introduction des langues nationales dans le système éducatif formel ?

La différence fondamentale est qu’en termes d’alphabétisation, ça concerne les adultes, les personnes déscolarisées, ou des personnes qui n’ont pas été à l’école et qui participent à la vie active de notre pays en n’apportant pas suffisamment ce qu’elles devraient apporter parce qu’ils sont en marge des débats utiles pour le développement. Mais en les alphabétisant, ils pourront participer à ces débats au même titre que nous qui nous disons intellectuels que dans les langues d’autrui. Donnons une priorité à nos langues dans les écoles, puisqu’il est prouvé scientifiquement que l’enfant qui commence l’école dans les langues nationales réussit mieux que celui qui démarre dans les langues d’autrui. Une enquête de l’UNESCO l’a prouvée. Par exemple, au Rwanda, l’éducation est faite en langues locales. Ce qui fait qu’ils sont très en avance sur nous.

Selon vous, est-ce que l’introduction des langues nationales dans le système éducatif formel a-t-elle été un échec ou une réussite ?

On est au début et quand je dois prendre l’introduction des langues nationales dans le système éducatif formel, nous avons un retard criard parce que pour ce cas précis, on ne peut pas dire que l’Etat a démarré déjà. L’Etat a fait les préparatifs et ce n’est pas vraiment lancé. La seule chose qui marche, c’est le programme ELAN (Ecoles et Langues Nationales). C’est là qu’il y a des écoles pilotes où les résultats sont élogieux. Donc, si l’Etat démarre sa propre introduction des langues nationales dans le système éducatif, je pense que ça va marcher aussi puisque les processus définis pour ça sont en cours avec une lenteur sans pareil.

Un message à l’endroit des gouvernants par rapport à la place de l’alphabétisation au sein des politiques de développement ?

Je n’apprends rien à personne. Ils le savent mieux que moi. L’éducation, ce n’est pas seulement en français. C’est en cela qu’on peut retrouver les questions relatives à l’éthique, au civisme. Par conséquent, il est encore possible de corriger le tir, d’écouter les acteurs du système éducatif. Il y a eu un Ministère en charge de l’Alphabétisation, les cadres sont là. Il y a même le ReNOPAL qu’on peut associer pour réfléchir ensemble afin de repositionner notre sous-secteur en lui donnant une priorité meilleure qu’auparavant. Je ne veux pas que le nouveau départ sombre dans les mêmes erreurs que le gouvernement défunt. Ce serait dommage !

Propos recueillis
par Romuald D. LOGBO

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Les plus récents

error: Vous n'avez pas le droit de copier ce contenu !