Dans la commune d’Ifangni, précisément dans le quartier Kitigbo, un Centre d’Accueil et de Protection d’Enfants (CAPE) existe. Il s’agit du foyer « Kozap-Vihoutou ». Seulement, ce CAPE vit des difficultés qui érodent peu ou prou l’épanouissement des enfants admis dans ce foyer. Avec Pierre Koudogbo, responsable de ce foyer, nous avons abordé des questions liées à la vie du foyer. Lisez plutôt !
Educ’Action : Pourquoi avoir créé ce CAPE ?
Pierre Koudogbo : Le foyer a été créé suite à de nombreux constats de violation des droits de l’enfant. C’est d’abord un fait dans le milieu. Une structure qui était venue vers le chef de village, feu Dénagan Sodinyessi avait réuni certaines personnalités de ce milieu. L’objectif était d’aider les enfants vulnérables qui se trouvaient dans les environs ou le milieu. Elle avait regroupé près de mille enfants. Mais cette structure, après avoir demandé l’accompagnement de certains parents sans suite, a décidé d’arrêter. Nombreux sont des enfants qui, malheureusement, ne connaissant plus leur maison, les parents ne venant plus là, se sont retrouvés dans la rue. Des enfants qui étaient restés et qui n’avaient plus rien à manger, étaient obligés de voler. La Fondation Kozap était déjà dans ce milieu et s’occupait de l’éducation aux droits humains, de la promotion du genre et autres. Face à la situation difficile des enfants, Kozap a donc pensé récupérer certains afin de les accompagner. C’était la première raison. La seconde raison était que Kozap est non loin du Nigéria où il y a régulièrement des abandons dans les écoles et des déplacements illicites se font vers ce pays voisin. Les enfants fuient les classes et vont au Nigéria. Ce qui est malheureux, c’est qu’on ramenait des corps sans vie des enfants. C’est la seconde raison qui a fait que le CAPE est né pour éduquer aux droits des enfants. La troisième raison est qu’il y a une situation de violation fragrante des droits des enfants. Ces enfants retrouvés dans la rue, il fallait les mettre quelque part d’abord avant de chercher leur maison.
C’est ce que les CPS, le commissariat, le chef village font en recevant des plaintes d’enfants errants. Où est-ce qu’il faut les mettre ? Notre CAPE étant le seul dans la commune d’Ifangni, il fallait recourir à ce CAPE pour mettre à l’aise l’enfant, le suivre. C’est ainsi que nous recherchons la famille de l’enfant pour sa réinsertion. C’est ce qui a motivé la création du CAPE parce qu’en premier ressort, ce n’est pas là que l’enfant doit rester. Il doit être plus à l’aise dans sa famille.
Quels sont vos domaines d’intervention ?
Au foyer « Kozap-Vihoutou », nous faisons de l’accueil. Nous intervenons beaucoup plus dans la protection des droits et des devoirs des enfants. L’enfant est écouté, assisté, orienté. Ces droits sont protégés et il est suivi. Donc, il y a la scolarisation qui y est. Il y a d’autres actions alternatives parce que si le cursus scolaire chez l’enfant ne va pas, on va se rabattre sur le Programme de Cours Accéléré (PCA). Il y a l’autonomisation des enfants, c’est-à-dire qu’ils sont mis dans les activités professionnelles pour qu’ils apprennent la menuiserie, la couture, l’élevage, etc. Tout ça, c’est à l’intérieur du centre. Il y a l’éducation de base aussi. Les autres activités sont plus centrées dans l’éducation aux droits humains. Nous faisons un travail sur les parents pour qu’ils sachent leur responsabilité dans l’accompagnement des enfants.
Quelles sont les missions du foyer « Kozap-Vihoutou » ?
Nous avons comme mission principale de contribuer à la défense et au respect des droits des enfants. Un enfant qui est déposé dans notre foyer, c’est qu’il y a des droits qui lui sont volés. Donc nous accueillons, écoutons et orientons l’enfant. Notre mission encore, c’est de faire une enquête sociale pour comprendre d’abord les raisons qui ont fait que l’enfant se retrouve dans cet état et voir si le retour dans la famille, dans l’immédiat, permet à l’enfant d’être épanoui. Ce sont des démarches et notre mission, c’est de veiller à tout cela. C’est également de rappeler aux parents leurs devoirs vis-à-vis de l’enfant. C’est l’éducation de la communauté face à leur responsabilité en ce qui concerne les droits et devoirs des enfants. Quand les parents ne sont pas retrouvés, nous nous référons aux autorités compétentes.
Quels sont les critères d’admission au foyer « Kozap-Vihoutou » ?
D’abord, les enfants qui sont admis dans le foyer « Vioutou » nous viennent des CPS, des commissariats, des autorités locales. Ce n’est pas un lieu où chacun se lève et amène son enfant. S’il s’avère que l’enfant doit rester dans le centre, après les formalités nécessaires, l’admission devient plus complexe. Car, il faut lui assurer le bien-être pour qu’il puisse aller à l’école, apprendre un métier. Ça dépend de son âge.
Combien d’enfants sont au foyer « Kozap-Vihoutou » ?
D’abord, nous pouvons garder dans le CAPE, une vingtaine d’enfants. Mais à l’heure actuelle, nous avons 08 enfants puisque ce n’est pas un CAPE pour garder assez longtemps les enfants. Nous faisons un travail rapidement sur les enfants. Finalement, les enfants qui nous viennent du Nigéria, nous allons à la recherche de leurs parents pour préparer leur réinsertion familiale. Nous faisons rapidement un travail en 3 ans pour que les enfants puissent rejoindre leur famille. Le gros lot du travail, c’est le suivi en famille. A ce niveau, nous avons deux cent trente-sept (237) enfants qui ne sont plus enfants aussi et que nous suivons à domicile dans tout le Bénin. Mais actuellement, il y a quatre-vingt-quinze qui ne bénéficient pas encore de nos appuis puisque les parents ont pris le relai.
En termes des droits des enfants, que faites-vous ?
Nous avons un certain nombre d’actions pour faire respecter ces droits. Notre boussole, c’est le code de l’enfant. D’abord, amener l’enfant, lui-même, à travers des causeries, à être informé sur le code de l’enfant. Les enfants sont régulièrement informés du niveau d’évolution de ces problèmes. Le personnel qui doit s’occuper de l’enfant est outillé en matière du droit des enfants, veille à ce que l’environnement où se trouve l’enfant soit protecteur, adéquat et respecte ses droits.
Comment arrivez-vous à répondre aux besoins des enfants ?
Nous avons prévu des activités pour que l’accompagnement soit continu et en dehors des quelques aides alimentaires qui nous viennent des CPS, des personnes de bonne volonté passent. Nous menons des activités comme l’élevage et nous orientons les ressources pour répondre aux besoins des enfants. C’est vrai que nous avons des besoins spécifiques.
Quels sont ces besoins ?
Nous avons besoin du personnel parce qu’à chaque enfant, il lui faut un référant et le personnel pour les enquêtes de terrain. Il nous faut un personnel qualifié pour le faire. Nous avons aussi besoin des accompagnements en termes alimentaire, des appuis. Nous en manquons et nous sommes obligés de recourir à ce que nous avons produit à des moments donnés. La scolarisation des enfants, c’est aussi un besoin. C’est vrai que l’école est gratuite mais ce n’est pas totalement gratuit et à ce niveau il faut des appuis dans ce sens. Souvent des enfants en pleine année scolaire, il faut les inscrire pour pouvoir leur assurer le minimum. D’abord, il faut qu’ils soient acceptés aussi parce que les inscriptions dans les écoles sont bouclées. C’est la raison pour laquelle nous avons créé à l’interne, une école maternelle et primaire. Et là, les enfants y vont directement selon leur âge. Aussi, cette école est-elle créée parce qu’il y a souvent des enfants qui n’ont pas encore le cœur tranquille et qui tenterait de fuir. Donc, ils sont suivis directement là jusqu’au moment où ils vont se sentir à l’aise dans cette nouvelle famille. A l’heure où nous parlons, il y a des toits qui coulent. La maison des enfants du foyer Vioutou a besoin d’être réaménagée totalement parce que les conditions d’apprentissage ne sont pas des meilleures. Les salles de classe, l’administration, etc., nous avons besoin d’appui pour redonner vie au cadre. En ce qui concerne l’eau, nous en souffrons. Notre château ne fonctionne plus. Et c’est ici que nous devons remercier la Fondation Claudine Talon qui a mis un château dans le milieu et nous a donné de l’eau.
Quel est votre mot de la fin ?
Je voudrais saluer la Fondation Claudine Talon qui nous avait accompagné et qui nous a doté d’au moins d’un château, mal géré de l’autre côté. Nous devons tous les jours nous outiller pour sortir les enfants de ces souffrances. Nous avons besoin de tout le monde.
Propos recueillis par Enock GUIDJIME