Le piercing, fait de société, s’enracine progressivement dans les écoles au Bénin. Après avoir sondé les motifs qui poussent les jeunes élèves, notamment filles, à s’adonner à cette pratique, mettant en exergue la responsabilité parentale et les conséquences sur la personnalité et le rendement scolaire de ces dernières, cette deuxième partie aborde les risques que courent les élèves du point de vue sanitaire. Lisez plutôt!
Faire du piercing en toute sécurité nécessite la collaboration et le savoir faire des professionnels tatoueurs et perceurs. Pour y arriver, ces derniers suivent diverses étapes pour le bonheur de leur clientèle. L’objectif de la manœuvre, une bonne cicatrisation de la plaie pour que la personne qui s’y adonne retrouve vite la pleine possession de son corps pour vaquer à ses occupations.
Interrogé sur la question, «Charly Bong’Art» de son vrai nom Charles Bada qui dispose d’un studio entièrement aménagé et doté de nombreux outils relatifs au domaine,commence d’abord à catégoriser les piercings car il en existe généralement plusieurs sortes par organes. En prenant l’exemple du nez, il y a au moins trois (03) parties susceptibles d’être percées. Au niveau des oreilles, il y a jusqu’à onze (11) parties qu’on arrive à percer. Chacune de ces parties a un nom et est percée avec des outils adaptés. Tout en se focalisant sur le Bénin, il précise que « ce que nous faisons plus en Afrique de l’Ouest, notamment au Bénin, il y a le sourcil, la bouche, le nez, la langue, le nombril et d’autres parties du corps qui sont un peu plus intimes pour les clientes ». Pour ce professionnel, faire les piercings exige de prendre des dispositions pour le bien des usagers. « Il y a les règles d’hygiène à respecter, les parties à percer qu’il faut désinfecter, il y a le matériel adapté à chaque partie à percer que tu dois maîtriser. Donc, nous tenons compte de tout cela avant de faire un piercing sur une cliente », a informé le professionnel.
Pour entrer dans les détails, il revient sur la manœuvre à faire et les procédures à suivre pour satisfaire ses clientes. « Si je suis en face d’une cliente, la première des choses que je fais, c’est de me laver les mains avec du gel pour me désinfecter et je porte un gant. Avec le mobilier dont je dispose, la cliente s’installe à son aise en adoptant la position appropriée. Je lui passe dans un premier temps du savon désinfectant pour nettoyer la partie concernée. Je laisse sécher pendant 2 ou 3 minutes. Une fois que la partie est bien séchée je commence l’opération. Personnellement, je perce le nez avec le cathéter. Pour les autres parties, il y a le pistolet et d’autres outils que nous utilisons. Mais pour le nez spécialement, c’est conseillé de le faire avec le cathéter parce que le trou que nous avons à percer avec, est tellement fin que, quand nous mettons la boucle dedans, ce n’est pas trop remarquable et la cliente ne saigne pas aussi », a-t-il fait savoir. De plus, pour le suivi de ses clients, il précise qu’après un piercing fait chez lui, il y a une fiche de soins qu’il donne à ses clients afin de les suivre dans le processus de cicatrisation de la plaie.
Pour son pair dans le domaine, Patrick Agbessadji, responsable de «Excellence Beauté», exerçant au marché de Cococodji, dans la commune d’Abomey-Calavi, tout dépend d’abord de la partie que la personne concernée veut percer. « Nous analysons la partie en question et voyons si on peut y effectuer le piercing. Nous voyons à quel endroit précis de la partie il faut le faire et quel produit utiliser. Il y a des produits que nous utilisons pour éviter les conséquences ultérieures, les allergies pour ceux qui en ont. Ces produits permettent à la partie de se cicatriser normalement », a-t-il expliqué.
Cela dit, les adeptes du piercing, autant que ceux qui en sont les praticiens s’exposent à des situations dangereuses du point de vue sanitaire, pour lesquelles il est utile d’attirer l’attention.
Conséquences sanitaires
« J’ai pris ma boîte de boucles d’oreilles et pris une petite boucle d’oreilles dedans. J’ai commencé à percer tout doucement jusqu’à ce que mon nez soit percé. Je l’ai fait devant un miroir le même jour. Pour la plaie, ma mère m’a conseillée d’y mettre le beurre de karité au fur et à mesure pour éviter que la partie ne s’enfle. Je l’ai fait une ou deux voire cinq fois et ma plaie s’est cicatrisée », a témoigné Adénikè (prénom attribue), élève en classe de 1ère B au CEG Dantokpa, pour ainsi montrer qu’elle s’est auto percée le nez.
Du point de vue sanitaire, nombreux sont les risques que prennent les élèves qui se font percer par des personnes non averties ou quand elles le font elles-mêmes.
Contrairement à «Charly Bong’Art» et «Excellence Beauté» qui semblent en connaître les déconvenues, nombre de personnes se réclament professionnels sans pour autant l’être. Beaucoup d’élèves comme Adénikè s’exposent délibérément à de nombreux risques en leur faisant recours. La lumière est faite sur ces multiples risques par Brice Aubin Codo, médecin chef des infirmeries du campus de l’université d’Abomey-Calavi et de l’ENEAM. Pour ce dernier, le fait de percer une partie du corps engendre une plaie qui peut saigner abondamment ou non en fonction de la fluidité du sang de la personne concernée. Si les facteurs de coagulation ne sont pas au point pour une personne et qu’elle suit la tendance pour se faire percer, elle va saigner abondamment. Aussi, peut-il avoir des d’hémorragies. Il peut également y avoir des problèmes de surinfection puisqu’il s’agit d’une plaie. De même, l’infection peut se compliquer et donner une septicémie, une infection généralisée à tout l’organisme. « Là, le pronostic vital peut être engagé, c’est-à-dire que la personne concernée peut en mourir. On peut aussi avoir des problèmes esthétiques. On peut avoir des chéloïdes qui sont des anomalies de cicatrisation, c’est-à-dire que lorsque la plaie se cicatrise, il peut se former des nodules de façon exagérée qui ne seront pas bien à voir. On peut avoir des problèmes d’hyper sensibilité, d’allergie, cela dépend du bijou qui veut rester à l’endroit percé et de la matière qui a servi à fabriquer ce bijou. Si ton organisme ne l’accepte pas, tu peux avoir des problèmes d’hyper sensibilité », a t-il renseigné. Il conseille, par ailleurs, aux professionnels tatoueurs et perceurs que chacun de ces outils qui servent à percer soient uniques pour chaque client ou stérilisé. « Mais il faudrait aussi qu’on s’assure de la santé de ceux qui le fassent. Les objets utilisés sont des objets piquants, donc si ceux qui le font ont des maladies qui peuvent être transmises facilement et qu’ils se piquent, ils vont aussi infecter les clientes. Il faudrait donc faire le dépistage systématique, par exemple du SIDA, à ceux qui font le piercing », a-t-il fini par suggérer.
De l’engagement de l’école et des éducateurs à divers niveaux
La question de la responsabilité des autorités administratives au sein des écoles se pose au vu de leurs proximités avec les élèves. Au niveau du CEG de Dantokpa où trois (03) cas d’élèves filles qui se sont fait percer ont déjà été répertoriés,
Rachidatou Orou-Bagou, directrice de l’établissement, avoue faire l’essentiel pour instruire l’ensemble des élèves qu’elle dirige dans son établissement. En témoigne selon elle, la crainte de ces élèves de se rapprocher d’elle avec des éléments aussi distinctifs. Car, dit-elle, elle est contre tout ce qui peut permettre à la femme de se faire agresser. Pour montrer le bon exemple, elle ajoute : « cela fait que moi-même, j’essaie d’être modeste avec ma coiffure. Si vous vous coiffez chiquement et que vous refusez aux autres de faire comme vous, c’est de l’injustice. Donc, il faut refléter le modèle que vous inspirez. Cela m’amène à être modeste dans mon apparence. Moi, je ne porte pas des robes courtes ou des jupes courtes qui dénudent le corps. Tout cela constitue des compléments à l’apprentissage classique, l’apprentissage avec les livres, les connaissances. Mais il faut servir de modèle aussi pour que l’enfant puisse se dire : ‘’dans ses propos, je lis en elle ce qu’elle me dit et me conseille’’ », a martelé la directrice. Elle invite les familles à aider les acteurs de l’école en surveillant mieux leurs enfants pour qu’ils ne s’exposent pas facilement parce que tout cela conduit à des agressions, au décrochage scolaire, à la prostitution.
Pour Dr Bruno Montcho, sociologue de la débrouille et de la déviance, maître-assistant des universités du CAMES, enseignant-chercheur au département de socio-anthropologie de la Faculté des Sciences Humaines et Sociales (FASHS) de l’Université d’Abomey-Calavi, du point de vue de l’éthique en ce qui concerne les règlements intérieurs des écoles, l’autorité de l’école doit être affirmée et les responsabilités doivent être situées. En effet, récemment notre attention a été attirée par les élèves qui ont des pratiques déviantes comme c’est le cas de ceux qui font la pornographie dans les écoles. « Quand on accepte le minima cela donne un élément maxima. C’est après qu’on se rend compte que c’est grave parce qu’on a accepté ce qui est minimum jusqu’à ce que, à un certain moment, cela choque la société. C’est en amont qu’il faut régler cela. Dans les écoles, on ne peut pas permettre cela », va-t-il marteler avec fermeté. Il poursuit par ailleurs, en mettant l’accent sur le droit des enfants et de la femme, qui sont en vogue et qui freinent les acteurs de l’école qui se voient parfois dans l’impossibilité de réagir ou bien de ramener à l’ordre la fille qui est en train de prendre un chemin qui n’est pas forcément le meilleur. Alors que l’école a un rôle non seulement pédagogique mais aussi académique et éducationnel. Enfin, « très tôt si nous voulons une société qui nous ressemble, qui ressemble aux valeurs africaines, c’est qu’il faut ramener les valeurs endogènes les plus importantes. Il ne s’agit pas de toutes les valeurs parce qu’il y en a certaines dont nous devons nous débarrasser puisque nous ne pouvons pas vivre en autarcie. Donc, pour se donner une certaine logique dans l’évolution du monde moderne et s’adapter aux situations actuelles de manière à ce que nous ne perdions pas ce qui est cardinal, il nous revient en tant qu’autorités à divers niveaux de la chaîne, de savoir ce qui est fondamental et à partir de quel moment, il faut tout permettre » va-t-il conclure.
Gloria ADJIVESSODE
Je trouve personnellement cet article très intéressant et je le recommande surtout à toutes les jeunes filles. J’ai aussi apprécié les propos de la directive Rachidatou Orou-Bagou et du Dr Bruno Montcho.
Merci beaucoup mdme ADJIVESSODE pour cet article. Beaucoup de courage à vous.