L’actualité est sûrement passée inaperçue au Bénin, mais elle révèle un problème crucial voire vital. L’Académie de Versailles en France, a dû lancer le 1er juin ce qu’on appelle un job dating pour recruter 2 000 enseignants. La situation de pénurie fait craindre une rentrée prochaine catastrophique. Il s’agit de recruter en un jour le contingent d’enseignants souhaité, sans passer par l’habituel concours. Le site Révolution Permanente s’est écrié : « Éducation nationale en ruine : des enseignants recrutés en 30 minutes chrono en job dating ». Le site rapporte qu’ils seront formés en une seule semaine avant d’être catapultés dans les classes. Mais que se passe-t-il donc ?
Les problèmes d’attraction, de recrutement et de gestion des enseignants semblaient être le lot des pays de l’Afrique subsaharienne avec les Programmes d’Ajustement Structurel (PAS). Concrètement, en voyant la situation au Bénin mais aussi au Niger, au Togo et au Burkina par exemple, les noms varient mais disent la même chose : contractuels, communautaires, vacataires ou aspirants. Ces mots plus beaux les uns que les autres désignent les mêmes réalités : précarité et difficulté diverses.
Cette situation a fait couler beaucoup d’encre et de salive, plongeant nos pays dans une réflexion plus qu’inconfortable sinon inextricable avec des solutions variées. Quoi qu’on en dise, elles n’arrivent jamais à résoudre le problème essentiel à savoir une éducation de qualité. Même l’accès et le maintien deviennent un réel problème : en effet, des contrées entières sont dépourvues de ressources humaines capables de pratiquer ce quasi sacerdoce qui consiste à nourrir intellectuellement et moralement la génération montante. Dans bien des pays, les parents en sont réduits à payer les enseignants, même dans les écoles dites publiques.
S’agissant de la France sur laquelle nous fondons nos références et identifions nos ambitions, le désamour pour la fonction enseignante y est donc réel aussi. Tout le monde s’en mêle et surtout les parents, convaincus de détenir la science infuse du savoir et du savoir-être. Dans ce pays jadis jaloux de ses enseignants, il n’y a évidemment pas de P.A.S mais beaucoup de casse tout de même. L’enseignant passe de demi-dieu à moins que rien. Il y a une quasi mauvaise foi à mobiliser des ressources pour financer l’éducation des enfants. Résultat : autant qu’en Afrique, on recourt aux contractuels moins chers et au recrutement de nouveaux permanents avec des salaires peu attractifs. Tandis que les contractuels gagnent moins, les enseignant-e-s titulaires et débutant-e-s gagnent désormais seulement 1,1% du SMIC pour un Bac +5. Pourtant le budget de l’armement augmente chaque année. Dans une mondialisation où la formation et l’information semblent aller de pair, une arrière-pensée commence à gagner les gouvernants : l’enseignant qui était le garant du savoir n’est plus essentiel et ne doit donc plus faire l’objet ni de pérennisation, ni de considération.
Au fond, les sociétés occidentales qui ont développé cette culture du ludique et donc du simple confort qui tend à dépasser celle du travail qui se retrouve au bout de l’effort, ne trouvent plus la nécessité à terme, d’investir dans l’éducation. On donne à la génération montante formée par des media somme toute incompétents et inhumains, l’impression de se suffire à elle-même. Ainsi, nous rentrons dans un cycle très marqué de dégénérescence où le flux ininterrompu d’information brûle les livres, détruits les connaissances et assèche définitivement les cerveaux et les cœurs.
C’est là le problème de la question enseignante qui en réalité tend à cacher un autre plus grave et plus dangereux que nos sociétés africaines n’ont pas encore perçu : l’éducation, c’est-à-dire la formation de l’esprit et du caractère de nos enfants n’est plus d’actualité. On n’a plus besoin de beaucoup de gens pour faire ce monde. L’important, c’est d’avoir une minorité d’élite agissante tandis que la grande majorité obéit, œuvre et se divertit. Nous arrivons donc dans une société où on nous inculque une mentalité de fourmis qui n’auront qu’un seul objectif à savoir nourrir la reine. Pour nous peuple, auparavant varié, divers et ondoyant, le complexe entomologique doit nous amener à nous uniformiser et à servir des rois de plus en plus puissants. Nous devenons, comme le soulignait déjà le philosophe et prophète Herbert Marcuse « l’homme unidimensionnel ».
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe