Les apprenants du premier cycle du cours secondaire sont de plus en plus confrontés à une surcharge d’enseignement de matières scientifiques. Cet enseignement est très souvent pratiqué compte tenu de la disponibilité des professeurs, de leur lieu de résidence et surtout du manque de salles de classe et de laboratoires. Votre journal Educ’Action a fait un tour dans quelques CEG de Porto-Novo et de Cotonou pour faire le constat. Et voici le point !
Il sonnait 9 heures 45 minutes. A l’entrée du CEG Djassin à Porto-Novo, un élève de la classe de 5ième accompagné de ses camarades, se plaignait du cours qui se suivait. Il s’adressait à ses amis en ces termes : ‘‘je n’ai pas envie de suivre le cours que j’ai à 10 heures, car je viens de faire mathématiques et le cours qui suit est Pct. Je suis fatigué. Chaque fois que je finis de suivre ces deux cours, je n’arrive plus à suivre ceux de l’après-midi. Il en est de même pour tous les jeudis. L’un de ses camarades lui répond : ‘‘mon frère, je vis les mêmes réalités. Pour toi c’est encore mieux. Laisse-moi te dire que nos autorités ne pensent pas à notre avenir. Ce n’est pas bien’’ ». Ce sont là quelques morceaux des échanges surpris entre les apprenants venus fraîchement des cours primaires qui vivent la dure réalité des emplois du temps à eux affectés. Cette expérience de l’enseignement des matières scientifiques qui se suivent est très fréquente dans les CEG du Bénin. Diverses raisons sont données pour soutenir cette pratique dont notamment le manque d’infrastructures.
Du manque d’infrastructures…
Depuis plus de deux décennies, l’effectif des apprenants dans les CEGs devient de plus en plus croissant et important. C’est pourquoi les salles de classes disponibles pour les accueillir sont très peu nombreuses. Gauthier Assogba, censeur adjoint au ‘‘CEG Sainte Rita’’, affirme : « … fondamentalement, c’est le manque d’infrastructures de salles de classes pour accueillir les apprenants qui engendre la suite systématique des matières scientifiques ». Il précise que le besoin de salles de classes dans leur collège est estimé à 30. C’est-à-dire que pour satisfaire tous les apprenants, il faut construire 30 salles de classes de plus. D’autres censeurs qui ont préféré se prononcer sous anonymat, soutiennent leurs prédécesseurs en reconnaissant qu’il y a effectivement un manque d’infrastructures notamment de salles de classe pour accueillir les enfants dans de bonnes conditions pédagogiques. Par contre, pour d’autres, c’est la gestion des ressources humaines qui vient perturber la succession et la concentration des matières scientifiques dans la matinée pour les apprenants.
A la gestion des ressources humaines…
Selon certains censeurs, ce sont les réalités du terrain qui les obligent à considérer d’autres aspects pour l’établissement des emplois du temps. « Il y a la disponibilité des professeurs… On essaie de leur imposer des programmes, mais ce n’est pas toutes les fois que cela marche. Parfois on rencontre le problème des vacataires qui sont déjà pris ailleurs, et nous faisons avec leurs heures libres. C’est-à-dire que nous établissons notre emploi du temps par rapport à leur disponibilité. Ce qui fait que parfois nous sommes confrontés avec l’enseignement de deux matières scientifiques qui se suivent », explique Olga Grigorièvna Chouckkova, censeur au ‘‘CEG Océan’’. Par ailleurs, le lieu de résidence des professeurs dépend de l’établissement des emplois du temps. « … ou bien il y a un petit créneau entre les disciplines parce que le professeur quitte loin pour venir faire le cours. Alors si l’établissement n’a pas de choix, nous sommes obligés de faire avec », ajoute-t-elle. Par ailleurs, elle note que le manque criard de professeurs pave la voie à l’établissement forcé des emplois du temps des professeurs qui sont mis à leur disposition. « … Mais le problème que j’ai réellement, est la disponibilité des professeurs. Cela me gêne », avoue-t-elle, abattue. Le contexte scolaire également s’y prête.
Des dures réalités du contexte…
D’autres censeurs affirment que c’est le contexte qui les oblige à agir avec deux matières scientifiques programmées les unes derrière les autres pour occuper les élèves dans la matinée. « Nous sommes dans un contexte où nous devons le faire ainsi. Parce qu’un élève qui vient du cours primaire est un peu mûr pour affronter les cours du secondaire. Je parle du point de vue de la maturité du cerveau. Ce sont les notions déjà vues au cours primaire qui sont approfondies au cours secondaire », explique un autre directeur qui a requis l’anonymat. Pour preuve, poursuit-il « si on fait bien le rapprochement en mathématiques, il y a des notions élémentaires qui sont déjà étudiées à partir du CE2 et qui sont approfondies progressivement à partir du CM1. Lesquelles notions peuvent toujours être poursuivies en 6ième si le passage du primaire pour le secondaire est assuré dans de bonnes conditions», fait-il observer. Cependant, les points de vue divergent d’un acteur du système éducatif à un autre sur la question.
A la divergence des opinions…
Certains reconnaissent que l’enseignement de deux matières scientifiques va permettre aux apprenants de rester dans la logique des sciences : « si nous mettons mathématiques après Pct, c’est que nous voulons que pour cette matinée, les enfants soient dans la logique des sciences… Pour moi, entre les mathématiques et les sciences physiques, point de fossé. Le fossé se trouverait peut-être lors de l’insertion des mathématiques et d’Histoire Géographie », fait savoir le directeur. Mais, cet argument n’est pas partagé par tout le monde. Car, « L’enfant n’arrive pas à s’asseoir pendant deux heures selon son âge, selon son état physique et psychologique. Donc, il n’est pas prêt pour supporter une pression de 4 heures voire 5 heures de cours », soutient Olga Grigorièvna Chouckkova qui demande que le programme soit plus allégé aux enfants. Pire encore, elle déclare que certains professeurs ne maîtrisent pas la gestion de l’état psychologique des enfants. Conséquence, beaucoup de paramètres entrent en jeu et favorisent cette pratique, déplore-t-elle. En dehors de cette pratique constatée, d’autres observations ont également retenu notre attention.
Des inégalités à retenir le souffle…
Au cours de notre périple, l’équipe de reportage a remarqué que certains collèges publics comme privés ne respectent pas le quota d’heures fixées pour l’enseignement de certaines disciplines établies par semaine. Dans la capitale, dans un collège privé, nous avons relevé que les élèves de la classe de 4ième font 3 heures de cours de mathématiques au lieu de 4 heures. Dans un autre grand collège de Cotonou, toujours dans la classe de 4ième, les enfants font 5 heures de cours de mathématiques au lieu de 4 heures, a-t-on constaté sur le terrain. Aussi, dans d’autres collèges, les apprenants de la classe de 6ième et de 5ième sont régulièrement soumis au cours de 7 heures et de 19 heures. Malgré cette pression, le niveau des apprenants laisse toujours à désirer. En conclusion, que ce soient dans les CEG et les collèges privés, nous suggérons que des visites inopinées soient effectuées pour corriger ce que nous osons appeler ‘’inégalités et ces tricheries pédagogiques’’.
Hermann Maurice SAGBOHAN