Première notion pédagogique enseignée à l’Ecole Normale des Instituteurs (ENIs) d’Allada, le projet pédagogique. Il n’est pas souvent élaboré dans certaines écoles maternelles. Venus pour de différents stages, les élèves-instituteurs, sans élaborer ce projet pédagogique, déroulent les activités pédagogiques déférant ainsi aux instructions de leurs maîtres d’application. Votre journal Educ’Action s’est intéressé à la disparité observée sur ce projet à l’ENI et les écoles maternelles tout en levant un coin de voile sur les inconvénients de sa non-élaboration. Reportage !
«Les enfants ont souffert dans certaines écoles par rapport à l’élaboration du projet pédagogique. Ils ont dû se replier ». Ces propos de Sabaïna Adéléké, directrice de l’ENI d’Allada, relance le débat sur l’obligation des maîtres d’application aux élèves-instituteurs de brûler l’étape du projet pédagogique pourtant enseigné en formation. Les stages effectués par les élèves-instituteurs ont permis de se rendre à l’évidence de la non-élaboration du projet pédagogique dans bien des écoles maternelles. Prévision à moyen, à long terme d’activités variées à réaliser autour d’un thème impliquant tous les enfants, la conception de ce projet ne reçoit pas l’assentiment de tous les maîtres d’application, donc des directeurs et directrices d’écoles maternelles. « Par rapport à cette disparité que nous connaissons entre les acquis et ce qui se passe sur le terrain, c’est un problème profond qui ne date pas d’aujourd’hui. Je crois qu’il y a certains qui sont des conservateurs qui n’aiment pas se pencher sur les innovations », a expliqué au micro de Educ’Action, Sabaïna Adéléké, directrice de l’ENI d’Allada. « C’est vrai », confirme Boni Raliou Akambi, enseignant adjoint à l’Ecole Maternelle Publique Cadjehoun 2. « On nous refuse carrément de parler de cela soit disant que c’est le terrain qui commande. Pour éviter les grabuges, on se pliait à leurs décisions », s’est-il rappelé avant d’ajouter qu’une fois de retour à l’ENI, le rapport écrit fait mention de l’ignorance du projet pédagogique. Une autre élève-institutrice de l’ENI requérant l’anonymat raconte son expérience sur la question. « Durant mon stage, je n’ai pas pu élaborer le projet pédagogique parce que les maîtres d’application avaient reçu des consignes du directeur les invitant à rouler dans la pratique des activités pédagogiques. Le seul souci que les directeurs avaient pour nous stagiaires, c’est la pratique des activités pédagogiques », se désole-t-elle. Au regard de ces propos des enseignants de la maternelle, on retient que le projet pédagogique n’occupe pas une place de choix dans les séquences pédagogiques. « C’est effectif le constat. Quand les normaliens quittent l’école de formation, une fois sur le terrain, ils sont déroutés parce qu’il y a des conservateurs. Avant l’apparition de ce programme officiel retenu dans nos écoles maternelles, il y a avait une sorte de guide qui s’utilisait. Ces anciens sont tellement accrochés à ces guides qu’ils ne veulent plus s’en débarrasser. Il y en a même qui n’utilisent pas le guide parce que dans ce dernier, nous avons parlé du projet pédagogique. Il y en a qui prennent au pifomètre les connaissances et les abordent avec les enfants », s’est plainte Mireille Afouda, Directrice de l’Enseignement Maternel (DEM) pour montrer le désamour des enseignants à la conception du projet pédagogique. Aussi, poursuit-elle, les normaliens avec leurs connaissances actualisées conformes aux instructions officielles, les directeurs trouvent qu’ils sont en déphasage avec les habitudes du terrain. Pourtant, ce projet pédagogique ne manque pas de pertinence ni d’importance dans le déroulement des activités pédagogiques.
Des avantages de l’élaboration du projet pédagogique…
Elaborer au début de l’année comme au 2ième trimestre, le projet pédagogique est le parent pauvre des processus entrant dans le cadre du déroulement des séquences pédagogiques. Néanmoins, il reste important. « Le projet permet de ne pas naviguer à vue et de se fixer des objectifs clairs pour mettre en œuvre ce qui est programmé au cours de l’année. Il permet de fixer des thèmes avec des objectifs bien définis », a expliqué la directrice de l’ENI d’Allada. Emboûchant les mêmes trompettes, la DEM argue que c’est une approche qui permet de mieux structurer les apprentissages, d’éviter la navigation à vue et d’intéresser les enfants lors du déroulement des activités d’apprentissages. « Sans le projet pédagogique, on ne peut pas faire la planification et c’est à base de cette planification qu’on prépare les fiches », dira l’enseignant adjoint Boni Raliou Akambi, pour ainsi corroborer les propos de la DEM et de la directrice de l’ENI d’Allada. Suivant le recoupement des propos, ce projet est un outil important qui évite à l’enseignant l’improvisation et offre à l’enfant des opportunités d’apprentissages et d’acquisition de savoir, de savoir-faire et de savoir-être. Sa non-élaboration pourrait induire des inconvénients, font savoir les enseignants interrogés.
Des conditions aux inconvénients de sa non-élaboration…
L’existence d’un cadre pédagogique, l’esprit de discernement, le savoir-faire de rédemption de l’enseignant et de formations des thèmes, la possibilité d’une étude de faisabilité du projet. Ce sont les conditions à réunir pour l’élaboration du projet pédagogique, à en croire les acteurs de la petite enfance. Jouant à la carte de la précision et enfilant son manteau de pédagogue, Sabaïna Adéléké, directrice de l’ENI d’Allada explique : « si c’est la préparation de la fête de Noël, dès la rentrée, on planifie tout ce que nous avons à faire par rapport au Noël des enfants. La fabrication de jeux et jouets, la décoration de la classe sont autant d’éléments que l’enseignant essaie de planifier avec ses élèves. Ce qui est primordial est de ne pas écarter l’enfant. Si petit, soit-il, il a quand même quelque chose à vendre. Il faut tenir compte de ses besoins pour élaborer le projet. Il faut prendre son avis ». Elle poursuit qu’il y a bachotage quand les besoins de l’enfant sont ignorés. Par ailleurs, des inconvénients s’observent quand le projet pédagogique est ignoré. Au nombre de ces inconvénients se trouvent les improvisations, les pertes de temps, les tâtonnements, les hésitations. Pour faire en sorte que le projet pédagogique soit au centre des activités pédagogiques, des solutions sont envisagées.
De la réorganisation des unités pédagogiques aux sensibilisations…
« Ce que nous aurons à faire, c’est de réfléchir, de discuter sur les disparités qui freinent les activités. Il faut réorganiser les unités pédagogiques pour qu’il y ait harmonie entre les formateurs de terrain et ce qui se fait au niveau des écoles de formation. Nous allons nous rencontrer pour harmoniser les points de divergences », a proposé la directrice de l’ENI d’Allada. Pour Mireille Afouda, DEM, il a lieu de sensibiliser et de faire les formations continues sur le terrain pour sauver les meubles. Elle n’a pas manqué d’exhorter les enseignants-conservateurs des écoles maternelles à renouer avec le projet pédagogique car, affirme-t-elle, le constat est amer. Enseignant et recevant désormais des stagiaires, Boni Raliou Akambi fait savoir que des mesures sont prises pour convaincre les collègues afin qu’ils puissent adhérer à la vision.
Enock GUIDJIME