Moi, ce presque rien ; je crois en deux choses : Dieu et la bière. Oui vous avez bien lu ; c’est bien d’alcool que je parle. Ce divin nectar lorsqu’il coule dans mes veines, a le même effet que la prière pour moi : il me met en transe et m’aide à traverser mon existence devenue morne à force de soumission et de compromission. Excusez-moi! Ne pensez pas que je voudrais blasphémer. Loin de moi cette idée mais je voudrais juste souligner que ce sont ces deux choses, somme toute peu comparables, qui me maintiennent encore en vie, moi qui n’ai, en fait jamais osé faire face à la vie avec ses joies et ses peines mais surtout ses adversités tenaces et destructrices.
La conclusion à laquelle je suis arrivée est que ma vie a été foutue en l’air parce que j’ai cru en cette éducation aux valeurs du bien, du juste et du charitable. Chacune des journées, des minutes, des instants de cette éducation a consisté à me brider et m’assassiner avec une morale où rien n’est permis et tout est défendu ! Voulez-vous manger ? Avez-vous prié, pensé aux pauvres qui n’ont rien ? Donc mangez modérément et surtout pas de vin ! Voulez-vous passer le temps au lit le dimanche parce que fatigué par la semaine de travail ? Ah la messe ! Avez-vous pensé à ce péché impardonnable qui vous conduira en enfer. Vous avez raté la promotion qui vous était due au service et on a mis un parfait abruti à votre place ? Ce n’est pas grave ! Soyez heureux car le paradis vous tend les bras ! Et le pire lorsqu’il vous prend l’envie d’avoir une idée du paradis dans les bras de madame, elle vous rabroue avec dureté vous traitant de bouc lubrique et vous rappelant sa neuvaine ordonnée par son saint pasteur !
J’ai donc passé le temps à éviter le péché qui n’en finit pas et à chercher l’équilibre. Au lieu de me forger, je me suis retrouvé avec une personnalité quasi veule qui sourit à tout le monde (il a été dit : aimez vos ennemis !) et qui passe inaperçu à force de fadeur. Je me rends compte aujourd’hui que deux choses sont importantes et fondent l’homme : soit on vous aime ou soit on vous déteste. Dans les deux cas, soyez heureux d’exister. Le pire, c’est lorsque, comme moi, vous êtes indifférent à tout le monde : on vous regarde mais on ne vous voit pas ; on vous écoute mais on ne vous entend guère. La vérité, dans mon cas, on ne me regarde ni ne m’écoute même pas !
Ne vous méprenez pas. Je suis allé à l’école où j’ai même excellé avec plein de diplômes en réalité plus inutiles les uns que les autres car le diplôme le plus important, celle de la vie, de la formation d’un caractère qui réfléchit et agit qui ne se laisse pas marcher sur les pieds ; qui réclame et prends sa juste place, je l’ai complètement et totalement raté. Au soir de ma vie, dans ma maison apparemment confortable où vivent ma femme qui ne m’appartient d’ailleurs plus ; mes enfants qui ressemblent à tout le monde plutôt qu’à moi, je me rends compte de ma déchéance. En réalité, je savais tout cela depuis longtemps mais ma formation à cette morale du faible m’a inhibé.
Mais un jour, en sortant du boulot pour la dernière fois car, j’ai pris aujourd’hui ma retraite évidemment dans l’indifférence générale, j’ai osé m’arrêter en chemin dans un bar. J’ai pris une bière, une deuxième et ainsi de suite. Toute ma vie a alors défilé devant moi : En conclusion rien ne m’appartenait : ma maison, ma famille et mon boulot sont partis ! Je rentrai plus tôt que d’habitude laissant à regret ce temple de l’alcool où j’avais osé répondre aux avances de la servante à qui j’ai souri et qui est venue prendre quelques bières avec moi, ne s’occupant que de moi. J’ai eu une sensation indicible que je n’avais jamais connue. Un être qui prenait soin de moi et m’aimait !
La maison était morne : madame était partie à l’église amener un repas chaud au saint homme qui dirigeait la paroisse et qui semble-t-il ne prenait pas le temps de manger ! Ah vertueuse femme. L’église (Dieu : non !) l’a élue pour des devoirs nécessaires car, comment ne pas comprendre l’honneur qu’on nous fait de distinguer cet être parmi tant d’autre pour s’occuper du saint pasteur. C’est cette théorie qu’elle me servira au retour, si elle revient d’ailleurs aujourd’hui.
Avec une éducation plus équilibrée et plus généreuse qui forme et fonde un caractère, j’aurais réussi car j’avais le potentiel. Mais je n’ai pas osé à l’image de mon cousin politicien cynique et sûr de lui que le fâ vient de désigner comme chef de famille. Il n’avait pas dépassé le CE2 mais avait le verbe haut, un aplomb fantastique et préparait son doctorat.
La morale de cette histoire est simple : tout peut nous manquer mais osons et éduquons nos enfants à éviter cette morale du brebis pour devenir non pas un loup mais le berger.
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe