Pour insuffler une nouvelle dynamique dans la gestion du système éducatif béninois, le Projet d’Appui à l’Enseignement Secondaire au Bénin (PAESB), a mis en œuvre le volet ‘‘Vie scolaire’’. Axé sur trois piliers, cette réforme a métamorphosé la vie au sein des établissements secondaires.
«Avant l’arrivée de la vie scolaire, les collèges du Couffo étaient désarticulés. Il n’y avait pas une organisation structurée qui permettait de réussir l’éducation des enfants. Chacun évoluait comme il voulait. Le censeur jouait parfois le rôle de directeur, le surveillant jouait le rôle de censeur. Tout était désorganisé. Chacun avait son métier mais ne maîtrisait pas les actions à mener pour réussir sa fonction et son travail ». C’est la situation qui règnait dans les établissements secondaires du département du Couffo, à en croire Zénongnon Kakpo, le chef service des Enseignements secondaire, technique et de la formation professionnelle. Ce constat est propre à tous les établissements secondaires érigés dans les départements de l’Atacora, de la Donga, de l’Atlantique et du Littoral, départements bénéficiaires du PAESB. Slassifi Dramane, le directeur départemental des Enseignements secondaire, technique et de la formation professionnelle de la Donga le confirme d’ailleurs si bien quand il parle de son département. Se rappelant la pratique au sein de ses collèges, le directeur départemental Donga témoigne qu’autrefois, « à la tête des établissements, c’était un pilotage à vue. Les chefs d’établissement dirigeaient les collèges sans boussole ». Même son de cloche dans le rang des directeurs d’établissement du département de l’Atlantique. Evariste Justin Séwa est le directeur du Collège d’Enseignement Général (CEG) de Sèhouè, dans la commune de Toffo située dans l’Atlantique. A propos de la pratique autrefois en vogue, il fait observer que « avant l’arrivée de l’aspect vie scolaire, c’était un véritable cafouillage dans mon collège. Il n’y avait pas de projet. Au niveau de la gestion de l’école, chaque autorité fait comme elle pense et veut. » Non loin de là, cette triste réalité qui a longtemps perduré est aussi relevée par Jérémie Tessi, directeur du CEG Agon, toujours dans la même commune. « En ce qui concerne la vie scolaire, c’était la version ancienne. C’est-à-dire qu’on nomme des administrateurs qui prennent ‘‘l’entreprise’’ (l’école) en main et essaient de la diriger, bien sûr avec grand souci de réussite, mais comme ils l’entendent », se souvient aussi ce directeur après de longues années passées à la tête des établissements publics. L’autre pan de l’éducation qui n’était pas pris en compte, c’est l’ensemble des activités parascolaires qui contribuent à donner une éducation holistique aux apprenants. C’est une observation qui est faite par de nombreux acteurs. « Auparavant, à la tête de nos établissements, les équipes de direction ont pensé que les volets santé scolaire, orientation scolaire, gouvernance, éducation à la paix et à l’environnement, ne faisaient pas partie de leurs missions », fait savoir Slassifi Dramane, directeur départemental de la Donga, un département situé dans le nord du Bénin.
Face à ces réalités non reluisantes pour le système éducatif avec leurs nombreuses conséquences sur la performance interne et externe du système éducatif, le Projet d’Appui à l’Enseignement Secondaire au Bénin (PAESB) a été conçu et mis en œuvre pour influer sur les anciennes habitudes adoptées dans les établissements secondaires. Ceci, dans le but d’insuffler aux différents acteurs de la chaîne scolaire, une nouvelle dynamique de gestion des établissements.
L’implication de tous autour d’actions innovantes
Articulé autour de trois composantes, le PAESB ambitionne de donner un nouveau souffle à l’Enseignement Secondaire Général (ESG) au Bénin. Cette vision est concrétisée dans la composante 2 du projet dont l’objectif est d’améliorer la qualité des enseignements, le pilotage et la gestion des établissements. A cet effet, une attention particulière a été portée à la gouvernance des établissements et la vie scolaire à travers diverses actions menées en direction des acteurs des établissements. Sur ce point, la principale action du projet a consisté à conceptualiser le dispositif vie scolaire. Ce concept renvoie à tout ce qui procède de l’organisation de l’établissement de manière à permettre aussi bien aux apprenants qu’à leurs encadreurs, de travailler dans les meilleures conditions en vue de leur épanouissement individuel et collectif. « La grande rupture apportée par le projet ‘‘vie scolaire’’, c’est l’élaboration d’un projet d’établissement et sa partie réalisable par le directeur d’établissement, le contrat de performance », affirme Jérémie Tessi, directeur du CEG Agon. Dans le Zou, le directeur départemental Dieudonné Gambiala reconnaît aussi la plus-value apportée par le projet d’établissement car, renseigne-t-il, il permet au chef d’établissement d’établir son budget. En effet, souligne le premier responsable de l’enseignement secondaire dans ce département, « à partir du projet d’établissement, le chef d’établissement connaît les problèmes et fait des provisions pour les régler. Ce projet lui permet d’établir un planning des activités à effectuer au cours de l’année scolaire et pendant les deux années qui suivent ». Propos appuyés par Espérance Noudéhou, la directrice départementale du Littoral, situé dans le sud du Bénin. « En ce qui concerne le projet d’établissement, nous partons des difficultés pour déterminer ce que nous pouvons faire pour pallier ces difficultés. On fait un projet pour améliorer les conditions de travail de tous les acteurs. Puisque c’est en améliorant les conditions qu’on est sûr d’atteindre les objectifs qui nous sont assignés », a-t-elle martelé.
Destiné aux responsables d’établissement, le contrat de performance accompagne ce précieux outil de pilotage qu’est le projet d’établissement. Le contrat de performance quant à lui, découle du projet d’établissement et exige de la part des acteurs de l’école, un résultat meilleur à celui obtenu au cours de l’année précédente. Le directeur départemental Dieudonné Gambiala l’explique d’ailleurs si bien quand il laisse entendre : « Avec le contrat de performance, nous avons l’obligation de résultats, les taux à atteindre sont fixés. Il y a obligation de résultats non seulement au niveau des directions départementales, mais aussi et surtout au niveau des établissements. Le chef d’établissement a une lettre de mission qui est déclinée en contrat d’objectifs aux collaborateurs à savoir le censeur, les surveillants, etc. Cette lettre de mission situe clairement le taux à atteindre à la fin de l’année à partir du taux atteint aux différents examens durant l’année scolaire écoulée. »
Le gouvernement scolaire pour responsabiliser les apprenants
L’instauration de cette bonne gouvernance voulue par le PAESB au sein des établissements scolaires nécessite d’y semer aussi les graines de la démocratie. C’est l’autre mission que s’est assigné ce projet en mettant en place les gouvernements scolaires dont le but est d’amener les apprenants, principaux acteurs de sa mise en œuvre, à participer pleinement à la vie de l’école. « Grâce au PAESB, nous avons connu les gouvernements scolaires. C’est nouveau et c’est bien. Les apprenants apprennent déjà la démocratie à la base, en cherchant à faire comme les grands, à se gérer », soutient Dieudonné Dègla, directeur du CEG Tangbo Djèvié, situé dans la commune d’Allada. Pour preuve, Mireille Mahougnon Bossou, secrétaire générale du gouvernement scolaire au CEG 1 Toffo déclare: « Depuis que le gouvernement scolaire est venu, je peux dire que j’ai beaucoup évolué, ça m’a permis de comprendre et de savoir beaucoup de choses dans le fonctionnement de l’école. Je ne savais pas, par exemple, comment faire un rapport. Mais j’ai compris comment faire, et comment aussi gérer une société, comment vivre en société, comment m’exprimer devant mes camarades ».
Ces différentes actions sont le fruit de nombreuses séances d’information et de formations destinées aux divers acteurs. Avec l’implémentation du dispositif vie scolaire et la conception du guide de vie scolaire, les acteurs de l’école ont été formés et informés sur les enjeux de l’épanouissement des apprenants à l’école. Ainsi, les équipes de direction des établissements publics ont été outillées sur la question durant l’année 2019. La réalisation du projet a aussi impliqué les autres acteurs internes des établissements que sont les bibliothécaires, laborantins, infirmiers, personnel de soutien ou de service. La mise en place d’une vie scolaire épanouissante, à travers les organes de gestion, a aussi nécessité l’implication des autres acteurs que sont les représentants des enseignants, les professeurs principaux, les animateurs d’établissement, les représentants des apprenants et les représentants des parents d’élèves organisés au sein du bureau des Associations des Parents d’Elèves (APE). En plus des acteurs internes logés au cœur des défis des établissements, d’autres acteurs contribuent à la création d’environnement de travail propice à l’apprentissage dans les établissements. C’est le cas des directeurs départementaux et de leurs collaborateurs, des Inspecteurs Pédagogiques Délégués (IPD), des conseillers pédagogiques, d’une part, et, d’autre part, au niveau central, de la Direction de l’Inspection Pédagogique, de l’Innovation et de la Qualité (DIPIQ) et la Direction de l’Enseignement Secondaire Général (DESG). A côté de ces acteurs de l’institution scolaire, les autres partenaires que sont les ONG, les Associations Villageoises d’Épargne et de Crédits (AVEC), les Cercles de Réflexion des Femmes (CRF), les élus locaux et communaux, les chefs religieux, les notables et les leaders politiques, ont aussi apporté leurs pierres à l’édifice. Avec cette synergie d’actions, les fruits ont tenu la promesse des fleurs, un satisfecit pour tous les acteurs.
Des résultats concluants pour une école rénovée
« Le PAESB a révolutionné la gouvernance au niveau des établissements », s’exclame Isidore HouessouVidogbègan, le chef du service de l’enseignement secondaire, technique et de la formation professionnelle de l’Atlantique. Point de vue partagé par l’ensemble des bénéficiaires qui reconnaissent la pertinence des résultats du projet. En effet, au titre des principales réalisations, on peut citer l’amélioration de la gestion et de la gouvernance de l’école en accompagnant la formalisation et l’implémentation de la dimension vie scolaire au collège basée sur un « Guide d’implémentation de la vie scolaire au collège ». Ce document a été élaboré et mis sur la plateforme EducMaster avec la formation de 2 151 responsables des établissements secondaires publics d’enseignement général pour la mise en œuvre en lien avec l’expérimentation des projets d’établissement et des contrats de performance.
« Avant le PAESB, on n’était pas outillé pour une bonne gestion de nos établissements. Nous avons appris à établir des projets d’établissement pour le bon fonctionnement de l’école. C’est avec le PAESB que nous avons appris à produire les différents documents qui permettent d’élaborer le budget d’établissement. Le projet d’établissement permet au chef d’établissement, d’établir son budget », témoigne Dieudonné Gambiala. « Le projet vie scolaire a beaucoup contribué au développement de nos établissements en ce sens que les établissements sont ouverts à la communauté », confie, à son tour, Espérance Noudéhou. L’action du projet étant nationale, les premiers responsables des départements du septentrion reconnaissent aussi les effets positifs du projet. « Avec l’élaboration du guide d’implémentation du dispositif vie scolaire, avec la formation de toutes les équipes de direction, avec l’opérationnalisation de ce guide, c’est le management par le pilotage des projets d’établissement et des contrats de performances qui a été instauré dans le département », a reconnu Slassifi Dramane, le directeur départemental de la Donga.
A côté de cet apport qualitatif du projet d’établissement et des contrats de performance, les acteurs saluent, tous, la nouvelle dynamique partenariale instaurée par le PAESB. NahiniSarré, directeur départemental de l’Atacora abonde dans ce sens en soulignant que l’école n’est plus l’affaire des acteurs directs du système. Selon lui, elle est devenue l’affaire de la communauté, car, les parents d’élèves, l’autorité communale, les vendeuses, l’infirmier scolaire, le laborantin, le gardien, tout le monde est impliqué. Chacun apporte sa pierre à l’édifice. « Auparavant, beaucoup d’ONG venaient appuyer nos établissements mais de façon autonome et parcellaire. Aujourd’hui, avec ce projet que porte chaque établissement, les activités initiées par ces ONG, peuvent facilement s’intégrer au dispositif. C’est une concertation et une coordination des interventions », renchérit Slassifi Dramane.
Désormais, la vie scolaire est implémentée dans les établissements avec l’expérimentation du dispositif de gestion basée sur les projets d’établissement et les contrats de performance, ainsi que sur le gouvernement scolaire. Ainsi, le PAESB a impacté le développement du sous-secteur ESG car, les représentations ont changé. « Avec la vie scolaire aujourd’hui, nous avons compris qu’il faut mettre les apprenants au cœur du système éducatif », a laissé entendre Edmond Houinton, directeur départemental de l’Atlantique. Faisant allusion à l’aspect de la vie scolaire relatif au projet d’établissement et au contrat de performance, le directeur départemental du Zou, Dieudonné Gambiala, se réjouit des performances obtenues par son département. « J’ai pris le département avec 13% de taux de réussite au BEPC. Avec le tâtonnement que l’on faisait, nous avons essayé de relever le niveau des résultats. De 13 %, nous sommes passés à 28%, pour ensuite aller à 48%. Le contrat de performance nous a permis dans le Zou, de passer de ces résultats à ceux qu’on a connus l’année scolaire écoulée, à savoir 64% au BEPC et 65% au Baccalauréat. Des résultats qu’on n’avait jamais obtenus dans la vie de mon département », se félicite-t-il.
Le soutien du PAESB toujours attendu
Bien qu’étant à sa phase finale, le soutien du PAESB est encore souhaité par tous les bénéficiaires de ce projet. « Nous avons encore besoin du PAESB pour pouvoir vraiment ancrer et asseoir les connaissances et apprentissages reçus de ce projet. Mon souhait le plus ardent, c’est que ce projet revive encore et nous aide à pousser nos apprenants pour des résultats plus probants. Avec quelques années encore de soutien, l’école va fondamentalement changer de visage dans le pays », appelle de tous ses vœux, Nahini Sarré, le directeur départemental de l’Atacora. Slassifi Dramane quant à lui lance un cri de cœur. « On ne doit pas laisser mourir à bas âge, ce bébé qu’est le PAESB. Il faut faire en sorte qu’on ait des acteurs pour relayer tous les acquis de ce projet ». Edmond Houinton, directeur départemental de l’Atlantique, dira à son tour qu’il est opportun de conserver les acquis du PAESB. « Nous allons dire que le PAESB a permis que la vie scolaire soit connue. Nous voulons insister que le relais soit pris pour que les acquis que nous avons eus, restent », préconise-t-il.
La Rédaction