Les filles devenues mères à la suite des viols, de l’inceste, de mariage précoce, occupent une place de choix dans les actions de la Maison du Soleil. Cette organisation est l’un des Centres d’Accueil et de Protection des Enfants (CAPE) opérationnels de l’Institut des Filles de Marie Auxiliatrice (IFMA). A travers cette interview réalisée avec Micdadou Coulibaly, directeur de la Maison du Soleil, il est question des actions et difficultés. Lisez plutôt !
Educ’Action : Comment se porte la Maison du Soleil ?
Micdadou Coulibaly : La Maison du Soleil se porte à merveille. C’est un Centre d’Accueil et de Protection des Enfants (CAPE). Cette maison a bénéficié d’une reconnaissance par l’Etat béninois en 2015. Elle est dédiée aux mères adolescentes victimes de violences sexuelles.
Qu’est-ce qui a motivé la création de cette maison ?
En réalité, les sœurs ont constaté, à travers leur présence au marché, que beaucoup d’adolescentes se retrouvent au marché en provenance des villages lacustres. Elles font leurs expériences au marché parce qu’elles viennent vendre des produits et tant que le stock n’est pas écoulé, elles ne repartent plus en famille. Où passer la nuit ? Où est-ce qu’elles vont rester pour être en sécurité si ce n’est au cœur du marché ? A ce niveau, elles sont exposées à toutes sortes de violences dont celles sexuelles. Cela est orchestré par certains acteurs qui sont censés accompagner ces enfants. Ainsi, beaucoup de filles tombent enceinte et deviennent mère. Donc, ce sont des enfants qui sont censés bénéficier d’une éducation et voilà que du fait de la réalité, elles se trouvent en situation d’éducatrices. Car, désormais, elles ont un enfant et elles sont censées les éduquer. Elles ne sont pas outillées parce qu’elles n’ont pas fini le processus d’éducation elles-mêmes. Du coup, donner cette éducation à une autre personne pose un problème. C’est de là que l’idée de créer la Maison du Soleil est née.
Quel est le but de la Maison du Soleil ?
D’abord, c’est un centre qui est situé à Hindé. Il a une capacité de 11 filles avec leur bébé. La prise en charge est intégrale et holistique. Elle dure 9 mois.Le but est la réintégration socioprofessionnelle parce que quand les filles viennent, nous travaillons avec elles sur le volet social, psychologique. Les violences sexuelles ont des conséquences psychologiques sur les victimes mineures. Sur le volet professionnel, nous visons l’autonomisation financière des filles. Nous travaillons sur le volet social pour l’intégration familiale parce qu’elles ne vont pas rester avec nous toute leur vie. Nous travaillons sur le volet judiciaire aussi parce qu’au nombre de ces filles, il y a celles qui sont victimes de viols, d’inceste, de mariage forcé, d’incitation de mineure à la débauche. Nous travaillons avec toute ces catégories de cible et la finalité, c’est pour une intégration socioprofessionnelle.
Comment se fait la prise en charge sanitaire des mères adolescentes ?
La prise en charge sanitaire, c’est le centre qui assume du début jusqu’à la fin. Que cela soit pour l’enfant ou pour la mère. Le travail psychologique, nous le faisons pour les deux également. Nous élargissons aux familles parce qu’après la prise en charge institutionnelle, l’enfant est censé retourner en famille. Si le milieu qui doit accueillir l’enfant n’est pas préparé, tout le travail fait en amont sera voué à l’échec. Du coup, il faut aussi préparer cet environnement. D’où un accompagnement psychologique aux parents pour qu’il y ait une continuité entre ce qui a été fait au sein de l’institution et ce qui va se faire dans sa famille.
Est-ce à dire que vous travaillez en symbiose avec les parents de ces adolescentes mères ?
Bien sûr ! Nous ne créons pas une rupture. Au contraire, dès que la fille tombe enceinte, la plupart du temps, nous constatons une rupture familiale ou une relation conflictuelle entre la fille et la famille. Donc, nous travaillons à ressouder les liens parce que parfois, c’est à travers notre action que la fille découvre certains membres de la famille. Quand nous parlons de famille, ce n’est pas forcément la famille biologique, mais une personne qui s’engage à assurer la protection de l’enfant. Donc, tous ces acteurs peuvent servir de famille pour la réintégration de l’enfant.
Quelles sont les difficultés rencontrées dans vos actions ?
Le monde est mouvant et il faut s’adapter à l’évolution des choses. Aujourd’hui, nous sommes confrontés aux réalités socioculturelles. Dans certains milieux, le phénomène de mariage forcé persiste. Nous savons que le cadre législatif a prévu des dispositions corsées où en cas de viols ou de harcèlement, les sanctions sont appliquées. Pourtant, quand vous allez dans ces milieux, vous vivez des choses inadmissibles et incroyables. C’est un défi et c’est une difficulté au même moment parce que les gens maîtrisent leur milieu et il y a une certaine cohésion sociale. Il y a une certaine solidarité où ils font bloc à tout système qui vient perturber leur tranquillité.
Quel est votre mot de la fin ?
Je tiens à remercier Educ’Action. Nous souhaitons longue vie à Educ’Action. Pleins de succès. Nous voulons aussi remercier l’Etat béninois qui nous accompagne dans notre mission. Car, pour l’accueil des enfants dans les CAPE, il nous faut des ordonnances de placement. Nous collaborons avec le Ministère de la Justice à travers directement le juge des mineurs qui nous accompagne dans cette mission.
Propos recueillis par Enock GUIDJIME