La nouvelle est tombée ! Un de nos grands hommes est parti ! Marcel de Souza de son nom est mort. En ce jour, par delà ceux qui sont ravis, ceux qu’il a déçus, ceux qu’il a écornés, dédaignés, rabroués et punis, je déclare que cet homme est un grand homme d’Etat ; il est de la race des seigneurs et il a véritablement servi son pays avec son caractère bien trempé, ses forces et ses faiblesses.
Qui suis-je pour parler d’un si grand commis de l’Etat ? La première image que beaucoup garderont de lui, c’est celui du beau-frère du Président d’alors ! Et pourtant, ce fut pour lui, un élément aussi superfétatoire (car il aurait parfaitement réussi sans cela) que catalyseur (car cela lui a permis de servir le peuple béninois de son rang de Ministre d’Etat).
Qui suis-je donc pour oser parler de lui, oser témoigner. Je suis ici la voix de ces innombrables fonctionnaires, cadres et autres qui l’ont vu à l’œuvre et qui ont connu ses qualités de rassembleur, d’homme d’intelligence et d’action. Les dossiers de l’Etat : il en brassait énormément donnant son avis tranché et souvent juste, orientait au moment où ses pairs tergiversaient et étaient préoccupés par les petits riens de la politique politicienne.
Certains de ses cadres ont été jusqu’à m’appeler à tord ou à raison, «ami du Ministre» car ils l’avaient vu m’ouvrir, sans façon, les portes de son bureau au détour d’un dossier de la République qui devrait rapporter au Bénin quelques dizaines de milliards de francs CFA et qui coinçait par la bêtise de quelques autres. De guerre lasse, après avoir tapé à plusieurs portes, je me souvins, à quelques jours de la perte du précieux financement, que le Ministre du Plan était en charge de toutes les planifications et était l’interface principale de nos partenaires.
Il nous reçut à 10 heures, la Cheffe de file des PTF en éducation (aussi soucieuse du dossier) et moi. Il me lança alors cette phrase qui est toujours restée en moi : « Mr JOHNSON, vous avez été léger ». Vous auriez dû venir me voir plus tôt ! Il prit son téléphone et convoqua en dix minutes tous ceux que nous avions tentés depuis des mois de mettre autour de la même table pour avancer compte tenu d’un certain nombre de contraintes: Ministres, partenaires financiers de la Banque pour une réunion à 15 heures. La réunion dura exactement quinze (15) minutes pour baliser le terrain et depuis ce jour jusqu’au dénouement du dossier et l’obtention du financement, j’eus un accès direct à son bureau, à son téléphone et aux cadres émérites qui l’entouraient, à tout moment et à toute heure. Tous les documents étaient traités avec diligence et j’ai vu des autorités accourir d’autres ministères, lire et signer des textes à l’instant.
Et pourtant quelque temps plus tard, je surpris ce Prince d’Etat dans un lieu huppé de notre capitale économique, un verre à la main et écoutant de la bonne musique live ! Je l’avais auparavant entraperçu dans un restaurant célèbre et je me disais que ce ne pouvait pas être lui car ces grands hommes mangeaient à l’abri du regard de nous le peuple. Je m’approchais alors de lui, dans ce bar à musique et il me gratifia d’une franche poignée de main et de quelques phrases de reconnaissance.
Nous gagnâmes ce financement, c’est-à-dire ce dossier grâce à son leadership et sa pro activité et lui passa à d’innombrables dossiers aussi importants qui l’attendaient. C’est pourquoi je viens témoigner de la qualité de ce grand homme. Je ne salue pas ici le Ministre ou le Président de Commission car d’autres attachés à ces ‘‘grandeurs d’établissement’’, comme le souligne le philosophe Blaise Pascal, le feront mieux que moi. Je salue la grandeur naturelle, intrinsèque, avec surtout ses forces et aussi ses faiblesses qu’il a su utiliser de telle façon que là où il est passé, il a toujours laissé de grandes traces. Le Prince est mort, vive le Prince. Si vous le voulez bien et pour l’éducation des générations futures, j’ajouterai que l’Europe a eu Albert le Grand ; le Bénin a eu Marcel le Grand !
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe