‘‘L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté’’ - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde

‘‘L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté’’

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En ces temps où nous allons tout doucement vers les examens, je me dis qu’il faudrait échanger sur un certain nombre d’éléments qui nous interpellent afin que nos enfants fassent attention à ce qu’on leur enseigne. Les cahiers, de nos jours, sont tellement touffus et semblent répondre à une seule règle à savoir : donner le maximum de cours, de notions, de telle façon que les bons élèves sont ceux qui passent le temps à apprendre des théories, des concepts que l’enseignant veut revoir sur les copies.
Les écoles, les meilleures sont celles où on finit vite le programme, c’est-à-dire en réalité où on instruit l’élève mais où on ne l’éduque pas, car faisant appel juste à ses qualités de mémorisation de quelques notions qu’il ne comprend et n’utilise presque jamais à bon escient. Regardez à quel point l’enseignement des mathématiques ou d’autres sciences n’a jamais été populaire auprès des élèves, car relevant de cette devise arbitraire : appliques et tais-toi ! On peut aussi citer l’anglais qu’on enseigne sur tout le cursus du secondaire avec, au final, des élèves muets comme une carpe, car ayant juste appris quelques mots de base et un peu de grammaire.
Lorsqu’on se réfère à une autre matière que je connais assez pour l’avoir enseignée à savoir la philosophie, je suis surpris devant le cahier d’un élève de Première dans lequel les notions s’enchainent sans logique véritable, sinon celle (notions) de donner des définitions et rappeler des théories des mêmes auteurs qu’on retrouve invariablement dans les cahiers depuis des lustres. En sus, la pauvreté, que dis-je, l’extrême indigence de ces documents appelés cahiers d’activités dans lesquels règne une compilation autant maladroite et inutile, m’effraie. Mais pourquoi les enseignants ou plutôt ceux qui doivent être les éducateurs pensent-ils que les auteurs africains, les exemples spécifiques et même les travaux pratiques, ne peuvent exister dans les matières littéraires ?
Pour éclairer cette situation, je voudrais partir d’un exemple pris avec deux élèves en classe de Seconde anglophone et de Première francophone. Dans cette période de crise, les enfants vivant avec les parents dans leurs maisons n’avaient plus de domestiques. Nous fîmes une réunion et décidions de partager les activités de balayage, de cuisine, etc. à tout le monde, aux parents et aux enfants. Et, pour impulser et systématiser ces activités qui participent de l’éducation avec cette idée d’apprendre par l’exemple et d’acquérir un savoir, et un savoir être, je pris le cahier de philosophie de la francophone et inscrivit au tableau la citation suivante tirée du cours : ‘‘L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté’’. Automatiquement, j’eus deux réactions ; l’anglophone qui n’a jamais fait la philo réagit : Hé ! Obéissance contraire à liberté ! La francophone répliqua : toi, tu ne sais rien. C’est de Rousseau sur la démocratie ! Je donnais raison à tout le monde et expliquais qu’il est vrai que c’est en parlant de démocratie que l’auteur avait souligné que tout peuple dans ce type de gouvernement, se prescrit, lui-même des lois et a le devoir de les respecter sans contrainte extérieure et donc, se trouve libre et libéré autant moralement que légalement. Les lois s’imposent à toutes et à tous, mais on les respecte plus facilement lorsqu’on les a prises ensemble et chacun qui s’exécute fait ses devoirs et en même temps, jouit de ses droits de citoyen.
Quelques jours plus tard, après quelques discussions et rappels et surtout à l’observation strict des occupations par les parents, je convoquai une réunion et fit le point. Ce qui m’étonna, c’est que je constatai que l’anglophone avait pris le pli et même à la reprise de l’école avait gardé l’habitude d’exécuter ses tâches tandis que la francophone oubliait souvent la plupart des recommandations ; elle qui avait eu des cours sur les droits et devoirs.
Je demandai à chacun de raconter ses expériences avec moi en ce moment : l’anglophone s’étonna que, depuis quelques temps, je lui faisais des compliments pour les tâches domestiques tandis que la francophone soutenait qu’elle se sentait exaspérée par mes rappels à l’ordre. Pire, j’avais évoqué la situation de la francophone avec son professeur principal et rappelé la pensée de Rousseau ; ce qui l’a amené à s’appliquer et à venir chaque matin me rappeler qu’elle a fini ses travaux. Ce qui lui valut des félicitations. Je répondis : examinons ce que nous avions réalisé au regard de la pensée de Rousseau. Est-ce que vous ne vous sentez pas libre maintenant à chaque fois que vous exécutez vos activités ? Vous obéissez, non pas à moi qui vous contraint, mais tous les matins, à vous-mêmes et aux décisions prises ensemble. Mieux, on vous félicite et vous vous sentez heureux. Ainsi, lorsque je décide de faire un devoir, je me sens libre sinon libéré à la fin. Je peux réclamer mes droits, car j’ai fait mes devoirs. Et, c’est comme cela qu’il faut agir dans la société.

Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe

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