En ce moment où une nouvelle année scolaire va bientôt commencer, je voudrais m’adresser à toi, en toute sincérité, en toute simplicité. La même lettre est valable pour tes autres sœurs et frères, car je vous vois grandir ensemble, chacun avec ses qualités et ses défauts mais une chose est sûre : vous êtes la chair de ma chair, le sang de mon sang.
Est-ce que vous me ressemblez ou à votre mère ; vous nous ressemblez physiquement de toutes les façons mais une chose est sûre, vous deviez partager nos traits de caractère. Aujourd’hui, une chose m’interpelle et je souhaite vous en parler. Je constate que vous vous intéressez à vous-mêmes, à vos plaisirs, à vos joies et peines. Mais, ce qui est terrible, votre mère et moi ne semblions vous intéresser en rien.
Chaque jour, nous nous levons, nous courrons partout pour votre bien être. Mais s’il ne s’agissait pas de votre petit-déjeuner, le déjeuner et le reste, nous serions des étrangers dans notre propre maison, pire des empêcheurs de tourner en rond. Qu’avions-nous fait pour mériter cela de vous qui aviez été lavés, nourris et logés dès votre naissance ?
Vous vous étonniez que je me lève et me prépare en silence ou encore avec quelques éclats de voix le matin lorsque je n’arrive pas à être servi pour telle ou telle chose ; lorsque malgré tout, vous n’êtes pas encore prêts pour aller au cours et que je dois encore intervenir pour vous demander de vous dépêcher. Tel a encore oublié un cahier ou encore son stylo, mais vous n’oubliez jamais l’argent du petit-déjeuner pour lequel vous êtes obligés de me passer un bonjour pauvre, neutre et pour ainsi vide. Mais qu’avions-nous fait pour mériter cela !
Savez-vous pourquoi je rentre fatigué et que je commence à crier pour tout le désordre dans la maison ; pour tout le désordre que vous occasionnez dans ma vie ? C’est parce que je découvre chaque jour et toujours, des individus de mon sang qui n’ont même pas un instant pensé à moi toute la journée alors que je les vois vautrés, avachis devant la télé, admirant des vedettes de rien du tout alors que, moi, le héros ou plutôt le zéro, je me suis fait houspillé voire humilié par le sous chef de mon ministère.
Généralement, tout le monde disparaît à ma vue si ce n’est pas moi qui m’enferme dans ma chambre pour un peu de répit. Lorsqu’on habite un deux-pièces, on se contente de trainer dans un bar, imaginant la belle vie qu’on aurait eu avec une fille comme cette plantureuse serveuse qui tourne les fesses devant vous et dont le sourire et l’attention subjuguent.
Lorsqu’il vous arrive de venir spontanément me dire bonjour au détour d’un matin de dimanche, je renfrogne la mine pendant que mon cœur bat la chamade, car votre bonjour n’est jamais anodin. Il est annonciateur de problèmes. Savez-vous que, à part lorsque vous étiez bébé, vous ne m’aviez jamais donné le bonjour gratuitement ? Votre bonjour est toujours lourd et cher : il ne sourit jamais ; il assomme et détruit le peu de forces du réveil.
Le plus insensé, c’est seulement lorsqu’il y a des problèmes qu’on peut obtenir votre attention. Certes, il arrive de percevoir de l’admiration pour mon poste administratif, quelque moto ou voiture achetée ou de l’amour pour l’abnégation de maman, mais tout cela est toujours passager et il semble toujours que le voisin, l’autre famille plus loin, est meilleur à la vôtre. Je vais vous faire le plus grand aveu entre tous : nous avions été jeunes, votre mère et moi, et nous sommes faits de chair et de sang. Nous avions nos sentiments, nos problèmes, nos peurs et nos angoisses. Mais nous vous avions, vous qui deviez être notre fierté et notre bonheur.
Aujourd’hui, en cette veille de rentrée où maman et moi allions encore nous casser la tête pour vous caser dans les écoles et donc, faire notre devoir pour votre avenir, nous venons ici vous dire quelque chose de très important. Certes, nous vous aimons et ce n’est pas le plus important. Certes, nous cherchions à remplir notre devoir et ce n’est pas le plus important. Le plus important, c’est, face à tout cela, votre attention et votre reconnaissance. Alors, vous aurez notre bénédiction.
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe