Peut-on aimer l’école ? Peut-on aimer y aller? Avez-vous jamais demandé à votre enfant s’il se réjouit de retrouver sa classe ? Les plus optimistes répondront qu’ils apprécient l’école car ils ont des amis remarquables, un prof gentil, voire (très rarement) un prof qui enseigne bien ! Conclusion : notre progéniture n’aime ni l’école ni les études.
Ceci nous paraît consciemment ou inconsciemment normal. Nous le savons tous : l’éducation dans son ensemble est un effort de l’esprit pour se former (se déformer ?) afin de quitter la nature et accéder à la culture. Surtout, pas de sentiments ! on parle de choses sérieuses qui concernent l’élévation d’une vie. Mettons de côté l’amouret autres sentiments. La devise pourrait se résumer ainsi : « étudie et tais-toi ! Du reste, demain tu en profiteras quand tu seras un cadre compétent » car, c’est connu : Un homme heureux a un job bien payé. Au fond, l’éducation est cette seconde naissance qui nous socialise. C’est un accouchement difficile. D’ailleurs, nos sociétés choisissent la césarienne dans le sens qu’on voudrait fabriquer le nouveau venu par arrachement, sans lui donner encore cette fois l’occasion de participer de tout son être à son éclosion.
J’aimerais ajouter ceci : l’instruction procurée principalement par l’école, doit parler à l’esprit mais aussi au cœur. C’est l’expression d’un projet auquel nous devions participer très tôt en toute conscience. Il faut éveiller notre intérêt de la chose et surtout nous accompagner pour gommer nos appréhensions, effacer nos incertitudes et nos angoisses. Combien d’enfants ont traversé les salles de classes avec effroi sans comprendre l’importance de ces enseignements et leur véritable rôle. Lequel ne se réduit pas à ramener de bonnes notes chez soi ! Alors beaucoup se plient, trimant pour avoir ces trophées en maths et en physique. L’unique récompense est le plaisir affiché par les yeux des parents, qui se proposent de leur choisir plus tard un bon métier sécurisant. Les autres qui peinent au milieu de la classe ou sont carrément au fond se savent perdus et comprennent la déception voire le mépris de leur entourage.
Pourtant chacun a besoin d’être pris en charge dans son entièreté et surtout qu’on l’aide à développer son potentiel et à retrouver sa voie. Certains élèves travaillent mieux avec un peu plus d’attention des parents, des enseignants voire du milieu. Ils ont besoin d’être encouragés, d’éviter la stigmatisation et les jugements hâtifs. Grâce aux parents et aux enseignants l’école parlera à l’enfant, lui faisant aimer ce milieu souvent à peine plus gai qu’une prison.
On n’insistera donc jamais assez sur la nécessité d’avoir au moins des conseillers d’orientation scolaire pour seconder l’entourage et laisser l’enfant s’exprimer. Proposer des activités coopératives et culturelles permettra aussi de découvrir des talents insoupçonnés chez certains apprenants.
Au temps où j’enseignais, j’avais déniché par le plus grand des hasards un élève. Je m’étais décidé à créer un groupe musical au sein de l’école et j’avais pu trouver la plupart des talents, à savoir batteur, chanteurs, organiste, bassiste etc. Il me manquait un guitariste accompagnateur. Malgré les multiples appels et auditions, je n’avais rien trouvé dans l’école. Je dus me rabattre sur un « mercenaire » qui n’était jamais assez disponible et ratait deux séances sur trois. Un jour où tout le monde était au complet et qu’on attendait évidemment le mercenaire, un jeune de taille quelconque déboula dans la salle tout essoufflé et soutint qu’il était guitariste, s’excusant de n’avoir pas eu le temps de venir plus tôt. Il me demanda s’il fallait toujours un guitariste. Je répondis affirmativement malgré le scepticisme lisible sur tous les visages, il commença par s’informer de l’orientation musicale du groupe, parla avec assurance et proposa d’interpréter un morceau de Bob Marley au choix des autres musiciens. Il prit la guitare, enleva sa chemise, apparut dans un tricot de corps, s’assit sur une table et donna le top. Soudain Marley ressuscita par la magie de ce frêle jeune homme au timbre juste et puissant. Après notre spectacle il devint la coqueluche de l’école. Curieusement ses notes s’améliorèrent, il eut son BAC.
Pour clore, l’école est un projet d’intérêt général. Le premier concerné est l’enfant. Il faut le prendre en charge pour fonder un projet qui parle autant à son esprit qu’à son cœur. Sinon, il cherchera toujours son refuge là où on ne le juge pas : sur son phone ou dans son ordinateur et ses univers virtuels.
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe