L’école et l’alcool pour un cheminement en douce. C’est la typologie de l’école du moment, l’école de notre temps. Certains éclairés aux cols blancs, double produits des acquis de la colonisation et de la modernité, évoqueraient dans un français pompeux l’antonymie des deux notions. Les accros, en revanche, se rebelleront à loisir pour louanger ce beau tandem, prêts à parier sur leurs têtes crottées. Une guerre de tranchée donc autour du goût, des positions et des intérêts mal fignolés. Cependant, le ver est bien dans le fruit.
Ici, sous la République, ce n’est pas la joie partout ailleurs. L’école béninoise est atrophiée par la valse des difficultés et autres obstacles au nombre desquels on pourrait, à raison, citer l’ingurgitation de ce liquide blanchâtre, à la senteur piquante, faisant parfois larmoyer les yeux du consommateur moins aguerris. Les enseignants éthyliques, c’est à eux que je voudrais oser dédier cette chronique qui enjolive tout mon attachement à un système éducatif béninois de qualité, capable de produire des citoyens d’un socle de compétences avérées, fascinantes et susceptibles de nous conduire au développement holistique.
Depuis des années et de façon plus accrue maintenant, il se développe une race d’éducateurs éhontés, directeurs d’écoles et enseignants confondus, dont le fort se loge, fort curieusement, dans la consommation d’alcool, pour beaucoup frelaté, et majoritairement pauvre de qualité. A tout va, ils se servent à satiété, les yeux tout rouges sur la tête, le visage enflé, les cheveux partiellement roux comme de bons enfants chétifs, arborant des tenues hors normes académiques, débiles et titubant devant des apprenants, eux lucides, qui se lâchent et maudissant, à la limite, ces contre-modèles.
Ces enseignants totalement des veinards dépendants s’isolent parfois du cadre éducatif pour répondre à l’urgence de la consommation du liquide empesté, oubliant derrière fiches de cours, cahiers de note, apprenants. Ceux parmi eux qui tentent, après une bonne dose de fraîcheur sous un manguier du coin, de recoller leur conscience à l’urgence éducative, rallient péniblement l’école ou carrément sont ramenés chaos, l’habit déboutonné, sur des motos ronflantes, appartenant à de jeunes déficients et éthyliques en herbe. Surexcités, ils s’offrent en spectacle, racontant joyeux leurs parties de ‘’conso’’, insultant tout moralisateur et bâtonnant tout petit curieux écervelé, malchanceux qui ose les fixer du regard. De ces peintures d’enseignants, elles se généralisent dans nos salles de classes, dans nos écoles, besognant à loisir et au gré du vent en violation parfaite de la déontologie de la profession.
Dans le département du Zou par exemple et de source officielle, des enseignants notamment des directeurs d’écoles pourtant sensibilisés s’illustrent négativement dans cette vilaine pratique, cuvant les verres d’alcool à longueur de journée sans se soucier des tâches pédagogiques. La plaie s’en va infecter, nécessitant des soins d’urgence. Le directeur départemental des Enseignements Maternel et Primaire de la région, sûrement préoccupé par l’avilissement, a pris la responsable et courageuse décision de faire établir, sous peu, la liste des enseignants éthyliques du département du Zou de concert avec les chefs de régions pédagogiques. Une mesure prioritairement dissuasive, qui, de l’avis de cette autorité, s’adresse « aux enseignants qui s’adonnent à la consommation abusive d’alcool, aux enseignants qui n’arrivent plus à se tenir debout et tremblotent devant les apprenants », profanant ainsi tristement l’Ecole béninoise déjà mal en point. « Dès que la liste sera établie, nous avons prévu une série d’actions afin que ceux-ci puissent revenir véritablement à de meilleurs sentiments », nous a-t-il confié.
Que la situation est préoccupante et plus de mansuétude en direction des ivrognes de l’Ecole. Comme de crasseux débiles, ils subiront les rigueurs de la loi. On aura réussi à affranchir ainsi le système éducatif béninois de cette forme de dépendance forgée par des enseignants de faible moralité qui n’ont autre plaisir que l’alcool.
Serge David ZOUEME, Spécialiste de l’éducation, Administrateur du patrimoine culturel