Le roman en Afrique de l’Ouest anglophone et francophone : Dr Ezin Jean-Pierre Dotché analyse la plume de trois écrivains africains - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde

Le roman en Afrique de l’Ouest anglophone et francophone : Dr Ezin Jean-Pierre Dotché analyse la plume de trois écrivains africains

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« Le roman en Afrique de l’Ouest anglophone et francophone : Télescopage culturel et interférence linguistique ». Cet essai du Dr Ezin Jean-Pierre Dotché occupe les colonnes de votre rubrique « Note de lecture ». En 2020, « Les Editions des Diasporas » ont publié cette œuvre de 365 pages, fruit d’une recherche scientifique axée sur le brassage des langues étrangères et maternelles et la superposition de deux cultures. Elle aborde huit romans de trois écrivains de l’Afrique que sont les nigérians Amos Tutuola et Gabriel Okara et l’ivoirien Ahmadou Kourouma.

Couverture Livre du Dr Ezin Jean-Pierre Dotché

Le professeur Mahougnon Kakpo, directeur scientifique du Laboratoire des Etudes Africaines et de Recherche sur le FA (LAREFA) souligne, dans la préface, le double intérêt de ce livre. « D’une part, l’analyse rend compte de la façon dont l’affranchissement des normes classiques de la langue étrangère permet aux écrivains africains de poser un regard plus objectif sur la partie de la création romanesque qui concerne les réalités traditionnelles de l’Afrique. D’autre part, elle offre de nouveaux outils de base pour la lisibilité du roman négro-africain. » Et le professeur Kakpo salue la facilité et la capacité des auteurs concernés à se servir dans la langue française ou anglaise pour préparer des textes à la sauce africaine. Lesquels textes permettent aux lecteurs de l’Afrique de l’Ouest anglophone comme francophone de se retrouver dans leurs cultures respectives.
Articulé en 3 parties comprenant à leur tour 6 chapitres, le livre « Le roman en Afrique de l’Ouest anglophone et francophone : Télescopage culturel et interférence linguistique » met le curseur sur les romans « L’Ivrogne dans la brousse » ; « Ma vie dans la brousse des fantômes » de l’écrivain nigérian Amos Tutuola , « La Voix » de l’écrivain nigérian Gabriel Okara, « Les soleils des indépendances », « Monné, « outrages et défis », « En attendant le vote des bêtes sauvages » ; « Allah n’est pas obligé »; « Quand on refuse on dit non » de l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma ». Avec un style simple et digeste, l’auteur a travaillé le corpus de ces romans. Non seulement les auteurs inscrivent dans leurs œuvres de fiction, des évènements qui leur sont contemporains, mais ils puisent aussi dans leurs patrimoines, les matériaux de base de leur production narrative. Ils s’appuient sur les œuvres originales, singulières dont le contenu ne se plie pas aux exigences formelles de la langue conventionnelle que sont l’anglais et le français classique. C’est ce qu’on retient de la première partie consacrée aux « Prolégomènes ». Lisons la page 126 : « Tutuola utilise des mots et des expressions étrangères à la langue du colonisateur. Dans l’ivrogne dans la brousse, nous identifions : le malafoutier, le Zurrjir, Recordman, Ville-Des-Morts, Fantômesse, Père-Des-Dieux-Qui-Peut-Tout-Faire-En-Ce-Monde, le matin suivant… »
Toujours à la même page, on peut lire : « Dans Les soleils des indépendances, nous en dénombrons une multitude sur lesquels nous reviendrons au cours de notre analyse. Toutefois, nous listons quelques-uns : Gnamokodé, Djoliba, Koma, Kala… ». Par ailleurs, l’auteur a convoqué des critiques littéraires dans son écrit. Il a montré la représentativité des écrivains dont le corpus est étudié dans la littérature de l’Afrique de l’Ouest anglophone et francophone et leur volonté d’en découdre avec le conformisme pour adopter un style novateur qui contraint le lecteur à se soumettre à un exercice de traduction permanente.
La deuxième partie fait le lit à l’hybridité des textes dans les œuvres romanesques du corpus. « Ces auteurs adoptent un style novateur qui inscrit leurs écrits dans le courant traditionnaliste dont le modus operandi privilégie la civilisation africaine endogène », peut-on lire à la page 156.
Pour ce qui est de la troisième partie dont le fer de lance est les représentations des chemins actuels de la création dans l’œuvre de Tutuola ; d’Okara et de Kourouma, l’auteur analyse l’univers spatial dans lequel les romanciers inscrivent les actions de leurs écrits. Allons à la page 298 : « La pirogue était pleine d’hommes, de femmes et d’enfants qui rentraient au pays. Le moindre espace disponible était occupé, pas un espace où étirer ses jambes. Aussi Okolo se tenait-il assis les genoux remontés contre son menton en essayant de ne toucher au corps de personne. Cette petite chose, maintenant il l’avait apprise » (La voix, Gabriel Okara).
Au regard de toutes les citations compilées, il faut retenir que l’auteur, à travers une clarté linguistique, fait l’apologie des écrivains qui puisent à la source africaine pour écrire des ouvrages qui tordent le cou aux règles de la langue française. « Le roman en Afrique de l’Ouest anglophone et francophone : Télescopage culturel et interférence linguistique » est une production littéraire qui ouvre les yeux des lecteurs, précisément africains, leur permettant de s’approprier l’ingéniosité des écrivains de cette trempe à travailler avec et sur la langue française pour ressortir les interférences linguistiques qui apparaissent. Il s’agit, pour le compte de ce livre, de l’alternance codique et des emprunts.

Bref aperçu sur l’auteur

De nationalité béninoise et auteur de plusieurs articles scientifiques et ouvrages pédagogiques, Ezin Jean-Pierre Dotché est titulaire d’un doctorat en Lettres Modernes dans la spécialité Littérature Africaine soutenu en 2018 à l’Université d’Abomey-Calavi du Bénin. Il a été l’assistant du ministre des Enseignements secondaire, technique et de la formation professionnelle, le professeur Mahougnon Kakpo.

Enock GUIDJIME

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