Je voudrais soutenir une idée qui va paraître quasi paradoxale voire dégradante pour la plupart des béninois tout d’abord et mes frères africains ensuite : nous agissons et réagissons au regard de nos traditions et de nos cultures. En même temps, nous nous réclamons d’une modernité qui ne nous appartient pas vraiment, même s’il nous happe et cherche à nous reformer et nous transformer.
Cette thèse que je voudrais prendre le temps de développer, va immédiatement en rebuter plus d’un. Certains vont même décider de ne pas continuer la lecture car j’ai parlé de tradition et de culture ; des « choses », sommes toutes surannées et dépassées car ils estiment être dans la société de mondialisation avec son dynamisme et sa positivité.
Mon approche ne compte pas du tout juger une culture ou une tradition. Mieux, je ne souhaite pas du tout enlever sinon extirper de la pensée du Béninois les stéréotypes souvent négatifs liés à nos traditions ni l’enthousiasme et l’admiration béats face aux effets évidents de la mondialisation : je voudrais juste faire constater un certain nombre d’éléments qui éclairent et soutiennent ma thèse selon laquelle nous vivions et nous nous comportions selon nos traditions. En même temps, cela ne veut pas dire que nous nous comportions comme des villageois ; ce qui aurait été d’ailleurs mieux pour nous. Prenons quelques exemples liés aux différents aspects de la vie que sont le travail, le mariage et les relations matrimoniales, l’éducation, la santé, la religion etc.
Lorsqu’on évoque le travail, nous nous retrouvons dans une dialectique curieuse où nos intellectuels préfèrent le confort des bureaux de l’administration tandis que la large majorité est confinée dans la débrouille d’un entreprenariat aléatoire. Tandis que l’occidental lutte pour la retraite à 60 ans et cherche ardemment les moments de loisir, le travailleur africain investit dans les briques, dans les mariages et autres cérémonies ruineuses et dans la bière ou l’église. Il voudrait surtout mourir dans la fonction publique.
Dans les relations sociales et matrimoniales, diverses législations copiées sur l’occident sont venues dénaturer et déstructurer le tissu social : ainsi la polygamie n’est pas bonne ; il y a un âge requis pour se marier, il y a une condition féminine de plus en plus contraignante à respecter. A côté de cela, il est prôné et promu des pratiques homosexuelles ; la vie à plusieurs ou trouple ; la limitation de naissances etc. On se retrouve devant des propositions insistantes sinon des injonctions qui ne rencontrent pas du tout nos valeurs et notre manière de vivre. Il a fallu la dernière fois, un réel lever de bouclier contre l’imposition de lois homosexuelles dans nos pays. On voit à quel point nos cultures nous portent encore et se plient difficilement à ce qu’on voudrait nous faire croire comme l’expression de la liberté qu’on nous restreint en réalité chaque jour.
Lorsqu’on se retrouve au niveau de l’éducation, le rapport à nos enfants est complètement différent. On aime nos enfants et on développe vis-à-vis d’eux une morale de l’amour, de la solidarité et on n’hésite surtout pas à les corriger en partant du principe : « qui aime bien, châtie bien ». Il ne viendrait pas à l’esprit d’un enfant de convoquer son père parce qu’il a soi-disant des droits et on ne peut lui faire aucune forme de violence (morale, physique etc.). C’est pourtant ce qui se passe dans les pays occidentaux où l’enfant roi devient un adulte sans repères moraux, éduqué par l’internet et les media. Est-ce que nous le supportons. NON.
La plus grande erreur dont nous nous rendons compte actuellement, c’est l’enseignement quasi catastrophique, soporifique et inadapté donné à nos enfants dans un contexte de mondialisation et d’entreprise. L’histoire enseignée est fausse ; la géographie incompatible avec nos besoins sur le terrain sans compter qu’on nous dénie tout esprit scientifique alors que nos artisans font des miracles au quotidien. Les enfants sur des années, écoutent, ânonnent, admirent une connaissance travestie et pernicieuse qui ne les forme pas mais les formate pour se conformer à des zombies consommateurs d’internet et de déviances diverses.
Quand on parle de santé, on nous refuse les tisanes au nom de médicaments qui ne guérissent plus rien mais qui vous rendent malades à vie. Et pourtant nous les prenons. Et nous ajoutons la visite au féticheur.
Enfin, quand nous faisons attention à la religion, on se rend compte que c’est à ce niveau que nous avions complétement dévoyé et travesti le message transmis par la Bible. Pour nous Dieu fait face à Satan et à ses sorciers de telle façon que le premier travail des prêtres consiste à soigner les âmes tourmentées qui se présentent chaque jour aux aurores dans les églises avec des dents ensanglantées. Les pasteurs s’ajoutent à ce festin macabre où Dieu immuable est mis à toutes les sauces.
Si je suis parvenu à vous convaincre, un tant soit peu, de notre attachement conscient ou inconscient à nos valeurs, il s’agit maintenant de l’accepter sans honte ou arrière-pensée. Il s’agira alors d’arriver à une seconde étape essentielle : comment faire face, de manière intelligente et réaliste, à cette étouffante et pernicieuse et intelligente mondialisation ?
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe