«On ne commence à vivre réellement que quand on sait qu’on va mourir » ! Et pourtant, chacun de nous sait qu’il va mourir un jour. Mais généralement, cela paraît lointain surtout lorsqu’on est jeune ou tout le temps occupé à travailler, à trousser quelques belles délurées, à délester quelques ‘’Gaous’’ qui croient encore au « Je t’aime », etc. Vient le temps de la retraite où les cheveux blancs poussent partout et s’insurgent contre les performances diverses ! Ailleurs, ce sont les poitrines flétries et le manque de douceur habituel dans des parties naguères pleins de miel qui sonne le glas des coups d’éclats. Il ne reste alors que des tentatives et des soupirs ; et pourtant on croit encore à la vie.
A présent, moi qui a comme credo « vivre et laisser mourir », je m’aperçois que la mort rode autour. Je n’arrive plus à respirer entre les masques, les éternuements ; la famille et les amis qui gémissent, qui tremblent, geignent, crient « n’ayons pas peur » alors qu’ils représentent la peur à l’évidence. Que se passe-t-il ? Pourquoi tant de craintes pour une vie aussi misérable dont le seul espoir est collé aux allégations des pasteurs et autres commentaires tendancieux de nos spécialistes, ergotant sur les remarquables taux de croissances économiques de nos pays africains : il est vrai que le chemin est long, du ciel en passant par les politiciens pour arriver dans nos assiettes, mais nous croyons ! C’est donc pourquoi nous ne comprenons pas que l’on puisse encore parler d’un malheur qui risque de s’abattre sur nous. La mort rode ; la peur aussi et la terreur s’est déjà installée.
La dernière fois, je me suis surpris à rire à gorge déployée au détour d’une anecdote que je lisais. Brusquement, toute ma famille est accourue ; les visages exprimant une immense perplexité : mais que se passe-t-il ? Au lieu de me demander si j’avais gagné au loto, la personne la plus sérieuse s’avança pour me demander si j’étais malade, car cela faisait longtemps qu’on entendait plus un rire franc dans le quartier ; l’autre, depuis longtemps convaincu par mes faibles capacités en mathématiques et en sciences au regard du nombre de pages inutiles que je noircissais pour mes chroniques, me demanda si, par le pur des hasards, j’avais trouvé un vaccin contre la terrible maladie.
Ni l’un, ni l’autre, répondis-je : je me contente de vivre et je voudrais qu’on puisse réfléchir à la vie car, pendant que je cherche à retrouver mon équilibre, je me rends compte que les deux lieux qui nous donnaient la paix et l’espoir d’une vie meilleure sont interdits. En effet, tout d’abord, plus de lieux de cultes où après l’offrande de quelque oboles, je m’en remets au Seigneur qui me donne le courage de continuer à espérer en des jours meilleurs. Ensuite, les débits de boissons par lesquels passe toute une humanité déjà souffrante et malade pour retrouver du réconfort dans quelques verres et servantes, avant de regagner des chambres pleins de chaleur, de cris d’enfants, de femmes flétries et vides du nécessaire, sont fermés. Mais que nous reste-t-il pour rêver, attendre les jours meilleurs que pasteurs et politiciens nous ont promis !
Le pire est encore à venir et c’est la faim car en ce moment où, qu’on veuille ou pas, on est confiné ou on subit la loi du cordon sanitaire. En mêmes temps, le diable est là, dans les détails. On dit que les marchandises passent mais pas nécessairement les commerçants qui doivent traverser le cordon sanitaire pour aller les chercher ! Plus personne n’achète autre chose que les denrées qui ont doublé de prix. Que dire des femmes qui vont le matin sans un sou à Tokpa pour, à force d’ingéniosité et de crédit, revenir avec cinq cents (500) francs qui ne suffisent même pas pour acheter des masques à tous les enfants ! Après la psychose qui est là, c’est surtout la famine qui va faire des ravages.
Quel que soit le pays, les mesures prises auront des avantages et des inconvénients. Ce qui est important en ce moment, c’est qu’on se parle et s’écoute ; qu’on mette en place un comité de crise fait des meilleurs spécialistes auxquels on associe même des leaders d’opinions comme les clergés divers et quelques psychologues. Qu’on n’oublie pas les contrées lointaines où les voix des chefs traditionnels et autres sages peuvent se relever apaisantes. Pour le reste, le Christ ressuscité veillera sur nous dans cette longue traversée du désert. Inch Allah !
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe