Le marché du savoir a accueilli un essai philosophique ambitieux : « La quête du sens ». Cet ouvrage qui se présente comme des « Mélanges offerts à Paulin Hountondji à l’occasion de ses 80 ans » a été lancé le jeudi 31 mars 2022 à l’Institut Jean-Paul II à Cotonou. Dans cette œuvre de 501 pages, parue à Star Editions, le philosophe béninois Paulin Hountondji est, peu ou prou, encensé par ses pairs en raison de ses réflexions axées sur le sens des choses ; la politique ; l’épistémologie ; la religion ; l’éthique… Mais surtout, il est de plus en plus perçu comme le catalyseur d’une nouvelle perception de la pensée en Afrique.
«Pour quiconque s’intéresse à la philosophie, en Afrique et ailleurs, il y a un avant et un après Paulin Hountondji. En faisant reconnaître l’Afrique comme ‘’un espace autonome de réflexion et de discussion théorique, indissolublement philosophique et scientifique’’, il l’a arrachée à sa tentation mimétique (reproduire la démarche intellectuelle des colonisateurs), au prix de débats encore vifs et dont se fait l’écho, l’hommage qu’on va lire ». Michèle Gendreau-Massaloux, ancienne rectrice de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), exprimait ainsi, dans la préface de ce livre, le travail important du philosophe béninois Paulin Hountondji qui part de la considération des idées des colonisateurs pour l’adapter aux réalités de l’Afrique.
« La quête du sens » comporte deux grandes parties, et est déterminé par le thème de la liberté. Il s’agit de la liberté individuelle et collective, la liberté des peuples accédant à l’indépendance après la colonisation, la liberté associée à la justice et à l’égalité, la liberté à l’œuvre dans les processus de démocratisation.
Science, Méthode et Ethique
Dans la première partie consacrée à « Science, Méthode et Ethique », les auteurs ont exposé l’ancrage de la philosophie de Paulin Hountondji, de ses prédécesseurs voire des contemporains. « Le 27 mai 2014, à l’université de Cocody désormais dénommée université Félix Houphouët-Boigny, Hountondji prit la parole pour, selon ses propres mots, bégayer la généalogie de leur controverse à propos de l’existence de la philosophie africaine… À la fin de la première journée, après la prise de parole du professeur Hountondji qu’aucun étudiant présent ne connaissait physiquement, il a fallu organiser un service spécial de protection pour la sécurité du désormais célèbre philosophe africain ». (p.37, Pr Thiémélé Ramsès Boa, université Félix Houphouët-Boigny).
Voyons aussi ce que souligne Pierre Dominique Nzinzi, de l’université Omar Bongo), à la page 67 :
Dans la critique de Hountondji, l’universel et le particulier désignent, plus que deux mots, deux programmes de recherche et de publication en « philosophie africaine ». En prenant le sens de l’universel, il semble lui-même avoir dépassé sa limite platonicienne, signalée par ses nombreux critiques sous le nom d’« idéalisme », qui rassemble alors tout ce qui est dépourvu de lien avec le contexte empirique ou socio-historique.
Dans un style nécessairement très philosophique, les trente-trois (33) contributeurs, la plupart philosophes, admiratifs du professeur Paulin Hountondji, ont fait l’orthodoxie de la philosophie africaine. Son humanisme, son charisme, son sens critique et de critique ont été abordés dans cet ouvrage.
L’idée de cette œuvre a germé lors de la célébration des 70 ans de vie du professeur Paulin Hountondji le 18 octobre 2012, et elle émane du philosophe Paul Christian Kiti, enseignant à l’Université d’Abomey-Calavi (UAC). Cette idée a tôt fait d’intéresser Désiré Médégnon et Aloyse-Raymond Ndiaye, respectivement philosophe béninois et philosophe sénégalais. Lisons d’ailleurs ce qu’écrit le philosophe Désiré Médégnon, enseignant-chercheur à l’UAC à la page 106. « La science n’est pas juste une constante de la pensée philosophique de Hountondji ; elle en est probablement le cœur. La critique de l’ethnophilosophie, le refus d’élever les savoirs endogènes à la dignité d’un système scientifique achevé, et le rejet des politiques fondées sur le dogmatisme et l’exclusion renvoient, d’une manière ou d’une autre, à un condensé de principes et de valeurs dont la fécondité est établie et que la science incarne malheureusement en tant que tradition et projet »
Société, Culture et Politique
Dans cette seconde partie, les auteurs ont siégé dans le secteur de l’éducation après le choc de la covid-19, l’interculturalité, la politique. « Esquisse d’une épistémologie de l’interculture comme science ». C’est sur cette thématique qu’a portéla recherche du philosophe béninois Paul Christian Kiti et d’Antoine Marie Guy d’Oliveira, prêtre catholique de l’archidiocèse de Cotonou (p. 345). Dans cette recherche non achevée, estiment-ils, un clin d’œil est fait au professeur Paulin Hountondji, l’un des célèbres philosophes africains et pionniers des travaux sur le pluralisme des savoirs. « Ce n’est pas une tâche facile d’aborder la pensée politique du professeur Hountondji dont la réflexion est nettement centrée sur la philosophie africaine. Pourtant, à y voir de près, on remarque qu’il est surtout préoccupé par des questions touchant à l’essence de la vie républicaine », (p.444, Dègbédji Gad Abel Dideh, enseignant de philosophie à l’Ecole Normale Supérieur de Porto-Novo).
À la lumière de tous ces témoignages sur la philosophie du penseur béninois, Paulin Hountondji est un mouton à cinq pattes. Ses connaissances sont véhiculées et exposées dans des universités du continent africain voire d’autres continents de la planète terre. Parlant du continent africain, dans ce livre volumineux, l’écrivain nigérian Wolé Soyinka, prix Nobel de littérature en 1986, y a laissé des mots en guise de reconnaissance de l’humanisme du penseur béninois.
«La quête du sens » est un mélange de réflexions philosophiques rédigé en français comme en anglais pour montrer la clarté de « la philosophie africaine ».
Biographie du professeur Paulin Hountondji
Paulin Hountondji est né le 11 avril 1942 à Abidjan en Côte d’Ivoire. Il est un philosophe et homme politique béninois. Il a été à l’Ecole Normale Supérieure de Paris. Agrégé de philosophie et docteur ès lettres, le philosophe béninois a enseigné dans les Universités de Besançon, de Kinshasa et de Lubumbashi. Il enseigne depuis1972 à l’Université d’Abomey-Calavi au Bénin. Membre fondateur du Conseil Interafricain de Philosophie, il a été ministre de l’Education Nationale de 1990 à 1991, puis Ministre de la Culture et de la Communication de 1991 à 1993. Il sera ensuite chargé du Centre Africain de Hautes Etudes dont le siège est à Porto-Novo. Il a été président du Conseil National de l’Education (CNE). Auteur de nombreux ouvrages tels que « La philosophie Africaine » en 1976, « Sur la philosophie africaine » en 1980, « Combats pour le sens-Un itinéraire africain » en 1994, « Economie et société au Bénin » en 2000 ou « Savoirs endogènes, pistes pour une recherche » en 2019. Il a reçu de nombreuses distinctions parmi lesquelles celle de Grand Officier de l’Ordre du Bénin, celle de Commandeur des Palmes Académiques et le Prix de la Fondation Prince Claus des Pays-Bas.
Enock GUIDJIME