Il en est de l’ex jeune et impétueux préfet comme de la révolution du 26 octobre 1972 : il y a quand même des choses à conserver. Ainsi, quand je me promène sur l’abord de nos pavés et autres goudrons interdits, il y a peu à la vente à l’étalage, je me retrouve devant une situation terrible qui me froisse et m’oppresse. En effet, au beau milieu de ces espaces que l’autre enfant terrible a eu à déguerpir, il s’est implanté une et une seule affaire : les tentes du loto sportif ! Et après, on viendra me dire que l’argent ne fait pas le bonheur.
Je vous assure que mon propos n’est pas du tout d’aller contre cette vertueuse érection de chapiteaux de jeu tant prisé par nos Zém (conducteurs de taxi-moto) et autres actuels désœuvrés, car on m’a expliqué qu’avec 100 Francs CFA, on pouvait faire des miracles et même payer la quête à l’église le dimanche. N’ayant pas les prérogatives légales et morales nécessaires pour éventuellement chasser les marchands du temple de la République, on me permettra quand même de m’interroger sur ce nouveau sport national qui consiste à parier ses deniers afin de vivre de l’espoir d’un résultat aussi improbable qu’aléatoire. Parfois, je me dis que la paix et le bonheur de l’homme se trouvent dans des lieux insoupçonnés ! Vous avez compris: je veux parler de paix et de bonheur.
Je ne sais pas si dans d’autres langues, il est facile de cerner le contour de ces deux belles notions. On a l’impression que c’est leur absence qui les fait, paradoxalement, exister. Ainsi, de nos jours au Bénin, tout le monde recherche ardemment la paix même si la quasi totalité est incapable d’en donner une définition ou plutôt un contenu. La plupart pensent que la paix se réduit au silence de deux êtres ou deux camps qui ne se disent plus rien. On ne se rend pas compte à quel point cette paix totalitaire alimente, de part et d’autre, des rancunes et des rancœurs et fabrique un lendemain plein d’incertitudes car à un certain moment, quelques bien pensants ont dit dans la famille «taisez-vous» sans écouter, discerner et apaiser les incompréhensions.
J’avoue que moi-même, j’use d’une définition très prosaïque et très réductrice de la paix qui , à mon avis, réside dans le bonheur d’un ventre plein par la force d’un travail adéquat dans un environnement sain. Et c’est ce qui semble nous manquer, car je ne comprends vraiment pas cette soudaine ruée vers le jeu pour trouver de l’argent !
Donc, on nous a menti ! L’argent fait le bonheur puisque c’est ce que l’on recherche dans le loto. Sinon comment apaiser les ventres qui ont faim à la maison et les hommes d’église qui commencent à jeter des anathèmes à ceux qui multiplient les prières et divisent les quêtes.
A l’évidence, nous vivons une période difficile après, dit-on, des moments de trop grandes facilités. Il est impérieux de se serrer la ceinture pour réussir un Bénin nouveau. Mais alors que faire ? S’il est vrai que le premier pas vers le bonheur est avant tout dans la paix retrouvée, on se rend compte que leurs dénominateurs communs résident dans le pain et l’argent. Mais alors quand j’ai l’argent du pain, et du pain et de l’argent, ai-je la paix ; suis-je heureux ?
Je viens de constater voire de soutenir que la paix et le bonheur sont dans le pain et l’argent, mais alors pas dans ceux qu’on obtient au loto ni dans la corruption et le malheur des autres. Lorsque nous parlons de pain pour la paix, nous parlons juste de quoi s’occuper de la famille sans aucune extravagance. Lorsque nous parlons de richesse, nous pensons à ce souverain bien qui s’obtient par un travail acharné et qui ne conduit personne à se refugier dans des niches légales et douillettes regardant les autres souffrir. On comprend donc, en définitive, que la paix est dans un travail et un environnement sains tandis que le bonheur n’est surtout pas dans le malheur des autres.
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe