L’un des plus éminents hommes de droit au Bénin pose un postulat qui, pour utiliser un euphémisme, me plonge dans un abîme de profonde perplexité car, en effet, comment peut-on soutenir qu’il n’y a pas de rapport entre la démocratie et le développement ? L’intention pour aller à la vision projetée à savoir que la démocratie, en tant que gardienne de la liberté se suffit à elle-même, est louable mais pour une fois, nous nous retrouvons non pas devant une ignorance d’un fait établi et prouvé, mais d’un déni pour récuser une idéologie.
Le rapport sinon la relation entre un régime politique, quel qu’il soit, et le développement dans ses différents aspects s’entend, a été toujours manifeste ; c’est pourquoi celle entre la démocratie, fille aînée de tous les régimes, est quasi incestueuse avec le développement. Soutenir autre chose, c’est tomber dans cette définition économiste du développement qui croit, de manière complètement absurde et cynique, que le développement est seulement économique, alors qu’il doit prendre en compte l’homme et tout l’homme.
L’éminent homme s’émeut contre une tradition, en réalité déjà établie en tant qu’idéologie et réalité politique qui encourage l’éclosion de régimes politiques forts qui promeuvent ce qu’ils appellent la dictature du développement. Il ne faut pas croire que ce sont nos contrées africaines qui ont commencé et encouragé cet état de fait. On est obligé de constater que toute l’économie mondiale actuelle, basée sur la crise perpétuelle (guerres diverses créées pour vendre des armes; maladies créées pour enrichir la première industrie au monde à savoir celle pharmaceutique, médias de plus en plus violents) et qui croit qu’il faut nécessairement des pauvres pour avoir des riches, a soutenu l’éclosion d’une idéologie du pouvoir fort, unifié où on nous présente la sécurité plus importante que la liberté.
Que ce soit aujourd’hui les démocraties occidentales ou toutes les sortes d’autocraties, presque toutes les structures actuelles ont développé des mécanismes qui cherchent à promouvoir, sinon instaurer l’unicité du pouvoir car, ce que reprochent les politiques et leurs patrons (les puissances économiques physiques ou morales) à la démocratie, c’est qu’elle soutient le partage du pouvoir de telle façon que tel groupe s’émeut pour l’environnement, un autre pour quelques tueries ou encore l’éclosion de quelques lois qui rend encore plus fort les forts…
C’est pourquoi, aujourd’hui, partout dans notre monde, on en arrive à une situation où pour faire plus d’intérêt et toujours plus d’argent, on banalise la démocratie en la vidant de son contenu essentiel qui n’est pas en vérité la liberté, mais la pluralité ou le partage des pouvoirs qui fonde une démarcation entre le permis et le défendu. En effet, le partage des pouvoirs a ceci de bon que chacun se sent concerné, à la place qu’il occupe, par les intérêts de l’Etat ; à défaut d’intervenir pour arrêter l’injustice, il en parle et cela le libère et optimise sa conscience morale. Au niveau de l’économique, il sait qu’on lui donne les mêmes chances de concourir, de travailler et donc de se réaliser. En définitive, il se trouve dans une logique de justice et il lui appartient de saisir les occasions qui se présentent à lui. Ainsi, la démocratie signifie égalité des chances, des pouvoirs et de la justice même si à l’arrivée, il y a les nécessaires différences sociales dues à plusieurs contingences.
Dans le second cas, on promeut une idéologie qui prône l’unicité du pouvoir comme gage du développement économique ; le capital humain est assujetti au capital économique et infrastructurel. Ici, c’est qu’on s’occupe de tout avant de s’occuper de l’homme dans le sens où, on travaille ou prétend travailler pour lui sans l’associer. Lentement, ce développement moral, économique et social que lui proposaient les principes de la démocratie est remplacé par l’assurance de vivre dans une sécurité accrue où tout est décidé pour lui.
Maintenant, le débat est là : il s’agit de choisir entre une idéologie démocratique, fait d’idéal de justice, qui ne s’accorde pas nécessairement dans nos sociétés africaines avec le développement économique ou un régime où l’homme s’aliène au profit de sa sécurité et du développement industriel ; il s’agit de choisir donc entre un pouvoir diversifié qui prône la justice et un autre unifié qui induit la charité !
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe