Les cours ont démarré à l’Université de Parakou (UP) au même titre qu’à l’Université d’Abomey-Calavi (UAC), pour le compte de l’année académique 2020-2021. Mais le problème, ce sont les inscriptions pour les nouveaux étudiants et les réinscriptions pour les anciens. C’est la croix et la bannière pour les étudiants de cette deuxième université publique pluridisciplinaire du Bénin, dans leur volonté de valider l’inscription académique. Educ’Action est allé toucher du doigt les réalités de l’inscription et de la réinscription dans ce haut lieu de savoir du septentrion. Reportage !
Le soleil est presqu’au zénith, ce mercredi 27 janvier 2021. Cette température marquée par la chaleur ambiante n’a pas de quoi décourager les étudiants de l’Université de Parakou. Qu’il pleuve ou qu’il neige, il est impérieux de s’inscrire pour avoir droit aux diverses prestations universitaires, tant du côté des études que du côté des œuvres sociales. Pour se cacher des rayons du soleil, certains se réfugient sous les arbres pendant que d’autres continuent de se plaindre de cette patience qui n’en finit plus avec des visages teintés de découragement et de déception. Devant la scolarité centrale de l’université où se passe la scène, les étudiants se sont regroupés en de petits noyaux pour se réinscrire. La plupart ont déjà envoyé les SMS, désormais mis à contribution dans le processus de la réinscription.
SMS, une innovation pour faciliter les choses
« Nous voyons que les inscriptions de cette année sont plus aisées que celles des années antérieures. Pour cette année, on nous a donné seulement un numéro sur lequel nous devons envoyer un SMS ». C’est le visage tout heureux que Pierre Gnankpa, étudiant en 2ième année d’espagnol, fait ce témoignage pour saluer au passage cette innovation. Comme lui, son aîné Marius Houinlin, en 3ième année dans la même filière, ainsi que la plupart des étudiants rencontrés ont loué cette initiative.
En 3ième année des Lettres Modernes, option didactique et enseignement de français, les explications d’Emmanuel Bloh sont plus claires sur la procédure d’inscription de cette année. « Le SMS doit mentionner le numéro matricule de l’étudiant, les noms et prénoms de sa mère et de son père, l’e-mail de l’étudiant, son numéro de téléphone et son genre (homme ou femme). Après cela, on attribue une fiche de vingt (20) personnes aux étudiants qui veulent s’inscrire et ils mettent leurs noms et prénoms avec des options et la caution de quatre cent (400) francs à la tête des vingt étudiants concernés. Ce qui fera huit mille (8000) francs CFA. Puis, nous remettons la fiche et l’argent aux agents qui sont chargés de faire l’inscription », détaille-t-il, dans un tee-shirt noir, un bouquin retenu en dessous des aisselles du côté gauche.
Cette innovation appréciée par certains pose aussi problème à d’autres étudiants, notamment ceux qui n’ont pas d’adresse e-mail et qui doivent en créer. Comme l’indique Marius Houinlin, « la principale difficulté, c’est que les amis n’ont pas d’adresse e-mail. Parfois, ils ne savent pas du tout ce que c’est. Ils confondent tout et mettent des majuscules à la place des minuscules ».
Pour d’autres étudiants comme Lémouré Gnonwé, étudiante en 2ème année d’anglais, l’envoi de SMS pose également problème. Debout depuis plus de deux heures de temps, elle invite les autorités à revoir la démarche en faisant des propositions. « Pour améliorer la situation, il serait bien qu’ils nous aident à envoyer les messages. Ainsi, il ne nous resterait qu’à nous inscrire. Ensuite, quand les fiches vont sortir, ils vont nous appeler pour qu’on puisse les retirer au lieu de rester debout pendant une heure, deux heures, sans manger. Avec le monde qu’il y a ce matin, je me demande même si je pourrai le faire avant le soir », fait savoir l’étudiante en promenant le regard toute soucieuse.
Même s’ils reçoivent l’aide de leurs amis, la majorité des étudiants ont souhaité qu’une équipe soit mise à leur disposition pour les aider dans la création des adresses électroniques. Cela dit, aucun d’entre eux n’a pu expliquer ce à quoi serve les quatre cent (400) francs CFA collectés auprès d’eux.
400 francs CFA, pour quoi faire ?
A la question de savoir à quoi serve les 400 francs CFA perçus, demoiselle Lémouré Gnonwé répond : « Moi je ne sais pas trop ! ». Même réponse chez Emmanuel Bloh : « Je n’ai aucune idée à mon niveau. Mais les années précédentes, cela a toujours été pareille. Je ne sais pas si c’est ceux qui se chargent de nous tirer les fiches qui récupèrent les fonds pour leur main d’œuvre ou bien si cela sert à d’autres choses. Je ne sais pas ». En attendant que l’administration universitaire n’apporte une réponse à Educ’Action sur le sujet, une chose est certaine, c’est un laisser-passer pour poursuivre le processus. « Après avoir donné l’argent et la liste, ils iront tirer les fiches qu’ils nous remettent avec les reçus », soutient Emmanuel.
Au moment où les anciens étudiants procèdent à leur réinscription, les nouveaux étudiants sont en phase d’inscription avec les heurts et malheurs de la vie estudiantine.
Inscription, la galère commence
Salle 15 de l’Université de Parakou. Pendant que les rayons du soleil continuent de brûler les cheveux des uns et des autres, certains étudiants s’amusent à chanter joyeux anniversaire à leur camarade. Cette joie des uns cache le désarroi chez les autres, debout depuis un bon moment dans l’optique de remplir les formalités de l’inscription.
C’est ce 27 janvier que Rachelle Gnakou, en première année à la Faculté de Droit et de Sciences Politique (FADESP), s’est présentée pour la première fois à la salle 15 pour suivre la procédure. Elle explique les étapes en ces termes : « Il faut d’abord déposer les dossiers et ensuite, c’est la prise de photo et le numéro matricule. Après le numéro matricule, il faut aller chercher la fiche de préinscription. Le dossier, quant à lui, est composé de l’acte de naissance, du certificat de nationalité et de l’attestation du Bac ».
Même s’il pose avec un visage légèrement souriant pour la photo prise par le reporter, Valéry, en première année des Lettres Modernes, est découragé du processus d’inscription. Et pour cause : « J’étais venu hier pour le dépôt des dossiers et on m’a dit que c’est déjà clôturé. Je suis venu aujourd’hui pour faire la photo et on m’a dit que je dois forcément garder des pièces. Deux ou trois jours après avoir fait la photo, je peux venir retirer mon numéro matricule. Après cela, j’irai retirer la fiche de préinscription. Si tu es un boursier ou secouru, tu dois verser 15.050 francs CFA à la banque mais si ce n’est pas le cas, tu dois payer 400 francs CFA », fait savoir le jeune étudiant au sujet des frais d’inscription, dans sa chemise aux rayures de différentes couleurs, des bribes de barbes pendant à son menton avec des cheveux bien coupés.
Bien informé auprès d’un aîné, il rapporte le déroulement du processus d’inscription à l’Université d’Abomey-Calavi (UAC). « Pour ce qu’il m’a dit, tout est là ! Tu vas à l’ILACI pour faire la photo et tu reçois en même temps le numéro matricule. Avec ce numéro, tu iras directement retirer ta fiche de préinscription. Donc, tout se fait le même jour », se rappelle-t-il, avant d’aborder les difficultés rencontrées. Regardant régulièrement l’état d’avancement du rang, il fait observer qu’à l’Université de Parakou, c’est difficile. Ainsi, « tu peux venir à 7heures et à 11heures 30 minutes, on te dit que c’est clôturé déjà. Le soir quand tu reviens encore, tu seras dans le rang et à 16 heures ou 17 heures 30 minutes, on va encore te dire de retourner. Quand c’est comme cela, c’est décourageant », a-t-il témoigné.
L’horloge indique déjà 10 heures 48 minutes et s’il y a un point sur lequel les nouveaux étudiants, bacheliers d’hier, sont tous d’accord en matière de peine endurée durant ce processus d’inscription, c’est la prise de photo.
Souriez, il y a un seul photographe pour des milliers d’étudiants !
« Je suis là depuis 7 heures, je suis fatiguée, j’ai faim et je n’ai pas encore fait la photo ». Le teint clair, les yeux marrons légèrement fermés, les cheveux allongés par des mèches simplement nattées et tombant de part et d’autres des épaules, dans sa robe sans manche avec des motifs de fleurs de couleur rose et verte, Rachelle qui vient de s’exprimer est noyée dans l’amertume et la déception à cause de la situation. La bavette noire qu’elle porte cache difficilement son inquiétude. Comme elle, tous les étudiants sont abattus quand ils se pointent devant la salle 15 où se fait la prise de photo numérique, une étape cruciale dans le processus d’inscription.
« Selon moi, la procédure de cette année est un peu plus compliquée. Je ne sais pas si les années passées, c’était pareil. Par exemple, il n’y a qu’un seul photographe dans tout le campus, ce qui n’est pas bon », regrette, à son tour, Donatien Fadé, en première année à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FASEG).
« Ça ne va pas. Il n’y a qu’une seule entrée pour la prise de photo et cela ne nous arrange pas. On perd le temps à venir faire les photos. Depuis plus d’un mois, ils sont en train de faire le même travail et ce n’est pas encourageant. Jusqu’à présent, nous sommes à l’étape de la prise de photo », se plaint Foulérath Ibrahima, étudiante en première année d’anglais. Epuisée par cette attente qui n’en finit pas, ne voyant pas non plus le bout du tunnel, l’étudiante n’y va pas du dos de la cuillère, le visage visiblement rouge de colère : « Nous sommes agglutinés parce que nous sommes nombreux. Pis encore, il y a de la corruption parce que d’autres viennent avec des petits papiers et on les laisse passer pendant que nous sommes bloqués ici. Tout cela ne motive pas ». Munis d’un papier, des individus sortis de nulle part se pointent devant l’étudiante pour se faire photographier.
Revenant à la charge, Donatien lève un coin de voile sur les sacrifices qu’ils ont dû faire pour remplir cette formalité. « La première difficulté, c’est la photo puisse qu’il n’y a qu’un seul photographe. Ce qui fait que les gens sont nombreux. Nous sommes obligés de quitter les cours pour venir nous aligner suivant les listes établies. Arrivé ici, tu dois t’inscrire sur une liste d’abord avant de faire les photos », révèle l’étudiant, la gorge pratiquement asséchée.
L’instinct d’économiste à fleur de peau, l’étudiant en première année de la FASEG donne une idée des chiffres sur la prestation du seul photographe commis à la tâche de numériser les visages des milliers de bacheliers devenus étudiants à l’Université de Parakou. Avec ses observations, il soutient qu’au début, cela prenait du temps parce qu’il n’arrivait à servir qu’environ cinquante personnes par jour. Maintenant, poursuit Donatien Fadé, je crois que cela est devenu un peu rapide au point où je crois qu’il y a plus de cent personnes qui font la photo dans la journée.
Face à la tâche herculéenne, les répercussions se font observer sur la qualité des produits. Visiblement bien informé car ayant essayé à plusieurs reprises de se faire photographier, le jeune homme vêtu d’un tee-shirt en colle V, la moustache légèrement fournie et un pinceau de barbe traînant sous la lèvre inférieure constate : « Certains ont fait les photos et n’ont pas encore leur numéro matricule. Il y a d’autres qui ont fait des photos mais au tirage des fiches, les photos ne sortent pas. Ils sont obligés de revenir pour faire les photos et payer encore 400 francs CFA. A chaque fois qu’on revient pour faire une photo, on paie 400 francs CFA à nouveau ».
Face au désarroi généralisé, les étudiants lancent un appel aux autorités de l’Université de Parakou en les invitant à multiplier les postes de prise de photo. En attendant que ces autorités ne se prononcent dans les colonnes de Educ’Action, les retards s’accumulent sur le calendrier universitaire dont le respect est un défi. Les étudiants, quant à eux, ont leurs pensées focalisées sur des tâches administratives au détriment de leurs études, vue que les enseignants ne les attendent pas pour dérouler leurs enseignements. Parler de respect des gestes barrières, de cours en ligne et autres, c’est une autre paire de manche.
Adjéi KPONON