Le fonctionnement des infirmeries scolaires et les difficultés de la prise en charge sanitaire des élèves patients sont, entre autres, les sujets abordés dans cette troisième partie du dossier thématique de ce mois de juillet. Il est bien consacré à la prise en charge sanitaire des apprenants. Infirmières et surveillants de collèges publics abritant des infirmeries scolaires s’ouvrent à loisir pour le bonheur des lecteurs. Lisez !
Nous sommes devant l’armoire qui contient les approvisionnements en médicaments et autres produits de pansement au Collège d’Enseignement Général (CEG) ‘‘Le Nokoué’’. Bien que les enfants soient déjà en vacances, cette armoire contient toujours des médicaments pouvant être utilisés pour les premiers soins. On y voit clairement du Paracétamol, de l’Ibuprofène, de la Quinine, du Métronidazole, de la Noscapine, des multivitamines ainsi que des gants et cotons, pour ne citer que ceux-là. L’infirmerie du CEG ‘‘Le Nokoué’’ est bien fréquentée par la plupart des apprenants souffrant, entre autres, des céphalées, des maux de ventre ou pour le pansement des blessures. « Parfois dans une journée, on ne reçoit pas d’apprenants ou tout au plus deux (02) à trois (03). Mais il y arrive des fois où on va même à vingt (20) apprenants par jour », fait savoir l’infirmière Houéfa Jocelyne Djimadja.
Ces produits, rappelle-t-elle, sont destinés uniquement aux premiers soins, aussi bien pour les apprenants que les enseignants. Placée sous la responsabilité de la surveillance, rien ne se décide dans cette infirmerie sans l’aval des surveillants. Le surveillant général adjoint, André Sokponwé, dira d’ailleurs que le traitement des cas graves ne relève pas de la compétence de l’infirmerie. « Quand les cas sont plus graves, nous sommes tenus de les évacuer. Il nous est arrivé plusieurs fois d’appeler les parents en leur demandant de venir chercher tel élève parce qu’il est indisposé et que la gravité du mal dépasse nos compétences », a témoigné le surveillant général adjoint. Quant aux divers produits utilisés dans cette infirmerie, ils sont acquis annuellement pour un montant total de deux cent cinquante mille (250.000) Francs CFA.
De l’approvisionnement des produits de santé
En dehors des produits disponibles à l’infirmerie du CEG ‘‘Le Nokoué’’ et cités plus haut, plusieurs autres produits sont également utilisés et proviennent, soit de la pharmacie, soit de la centrale d’achat, Société Béninoise pour l’Approvisionnement en Produits de Santé (SoBAPS), moyennant un budget annuel de deux cent cinquante mille (250.000) Francs CFA. « Nous avons un budget de deux cent cinquante mille (250.000) Francs CFA par an destiné au fonctionnement de la pharmacie. Avec ce budget, deux cent mille (200.000) sont réservés pour la centrale d’achat où on va s’approvisionner en produits comme Amoxicilline, Paracétamol, Ibuprofène, Métronidazole, Noscapine, Quinine, des acides, des multivitamines, des gants, cotons, alcool, bandes, etc. Nous envoyons les cinquante mille (50.000) Francs CFA restants à la pharmacie pour l’achat des produits à savoir l’Efferalgan, UPSA, CAC 1000, Doliprane, Dolamine, Niflugel, thermomètre et autres », a expliqué l’infirmière qui précise, par ailleurs, que ce budget prend en compte le traitement de près de trois mille (3.000) élèves inscrits chaque année, en plus des enseignants et du personnel. Ce budget, à en croire le surveillant André Sokponwé, semble insuffisant au regard du nombre de personnes traitées. Pourtant, des produits restent encore disponibles. A ce propos, dame Djimadja confie avoir son secret pour une bonne gestion et fonctionnement de son service. « A vrai dire, le budget ne suffit pas vu le nombre d’usagers. Mais on ne peut que faire avec les moyens de bord. J’essaie d’user de mes talents d’économiste pour ne jamais manquer de médicament », a-t-elle confié tout simplement à Educ’Action. Comme dans tout service, les difficultés ne manquent pas dans la gestion de cette infirmerie et sont, pour la plupart, liées aux comportements des apprenants.
L’infirmerie : un prétexte pour manquer les cours
Pour plusieurs apprenants, aller à l’infirmerie semble l’excuse parfaite pour s’absenter des cours ou pour ne pas se présenter à la surveillance en cas de retard. En dehors des cas réels de maladies ou d’évanouissements assimilés parfois à de la sorcellerie par certains parents, dame Houéfa Jocelyne Djimadja rencontre certains cas d’indiscipline. Elle témoigne : « Les enfants, eux-mêmes, simulent des maladies. Des fois, des apprenants sachant qu’ils sont en retard, passent par l’infirmerie pour éviter les sanctions que la surveillance pourrait leur infliger pour retard. Il y a d’autres qui inventent aussi des maladies et dès lors que vous les autorisez à retourner au cours, ils se servent des cachets tamponnés dans leur paume de main pour sortir de l’école tout simplement», a-t-elle fait savoir, notifiant que ces faits sont les vraies difficultés qu’elle rencontre. Pour sa part, André Sokponwé renseigne que les difficultés observées par la surveillance sont liées à l’évacuation des cas graves. « Il y a des cas qui dépassent nos compétences et pour lesquels nous sommes obligés de débourser, de mettre la main à la poche pour les évacuer en attendant que les parents ne rallient l’hôpital pour prendre le reste des soins en charge », a souligné le surveillant. Au regard de tout ceci, ce dernier ne manque pas de lancer un appel qui, à l’en croire, va permettre d’améliorer les prestations dans les infirmeries des établissements secondaires publics. Tout en remerciant l’Etat pour l’effort fourni, il sollicite auprès de l’administration publique, une augmentation du budget. « Il est vrai que le problème de la santé n’est pas une mince affaire, c’est très complexe et n’importe qui n’est pas autorisé à toucher un malade. Il est aussi vrai que ce sont les soins primaires que nous administrons aux apprenants, mais on peut encore améliorer les choses pour que les apprenants cessent de se moquer de nous en disant que c’est paracétamol seulement qu’on donne. Alors si l’Etat peut augmenter un peu, ce serait bien», plaide-t-il.
CEG 2 Abomey-Calavi : un budget sur le fil du rasoir
Les choses se mettent progressivement en place dans ce grand établissement pour que les épreuves sportives et orales du BEPC 2021 se passent bien. Ce 06 juillet 2021, Keathlean Goudégnon, l’infirmière de l’établissement, est aussi à son poste. Observant de loin les candidats, elle est assise sur une table-banc pour recueillir les certificats de dispense des épreuves pour ceux qui ont des indispositions physiques de tout genre. Ce qui les empêche de faire les différents mouvements tant sur le terrain de sport que sur la vaste cour qui fait aussi office de terrain de sport. Pour ce qui concerne le fonctionnement de l’espace de santé, elle renseigne que l’espace est ouvert aux heures ordinaires de travail de l’école. Comme dans les autres établissements, un budget annuel est destiné à l’infirmerie. « La cagnotte que nous recevons à la rentrée, qui ne dépasse pas deux cent mille (200.000) Francs CFA, doit nous garder durant les neuf (09) mois ainsi que lors des examens de fin d’année. Nous essayons de faire la répartition pour tenir toute l’année scolaire », soutient l’infirmière, le visage couvert par une bavette. L’infirmerie délivre les premiers soins mais en cas d’urgence, d’autres mesures sont prises. En poste depuis 2015, elle ajoute que pour ces cas, elle est obligée de faire recours aux médicaments disponibles. Le véritable problème, c’est ce qui est fait lorsque le budget n’est pas voté. « Quand le budget n’est pas encore voté et que nous avons un besoin pressant, nous nous référons au comptable. Le comptable en parle au directeur qui approuve. Alors, on répond au besoin en question. Il arrive parfois que le comptable sorte de l’argent de sa poche et d’autres collègues aussi le font pour que nous achetions les médicaments pour soigner l’intéressé », confie Keathlean Goudégnon.
Pour elle, la vie est plus importante que le budget, car explique-t-elle, en ouvrant grands les yeux, « il ne faut pas attendre le budget sinon la personne risque de mourir. On aura péché et on va répondre devant le tribunal ». Ces sacrifices pour le bien-être des apprenants sont parfois tachetés de l’indiscipline de ces derniers.
Fausses maladies et insuffisance d’équipements comme principales difficultés
« Il y a trop de simulacres parmi les élèves. Ils mentent à leurs parents qu’ils vont à l’école alors qu’ils vont ailleurs et ils reviennent à l’école et simulent des choses. C’est après de longs interrogatoires qu’on se rend compte qu’ils simulent pour rester à la maison, pour passer du temps avec un homme ou vaquer à autre chose ». La bavette baissée, le regard fixe, un brin de colère sur le visage, Keathlean Goudégnon n’a pas hésité à dénoncer les mauvais comportements des apprenants. En plus des comportements des apprenants, se pose aussi le problème d’équipement de l’espace de santé, à commencer par l’eau. « Nous n’avons pas d’eau à côté. Il faut prendre un seau pour aller jusqu’au portail chercher de l’eau et revenir à l’infirmerie. C’est parce que le compteur qui est à côté et qui nous alimentait a été volé », affirme-t-elle d’une voix basse. Pour quitter l’entrée principale de l’établissement et se rendre à l’infirmerie en traversant la cour en ligne droite, il faut en moyenne huit minutes de marche à pas normal. Comme la plupart des établissements publics, l’épanouissement des filles en situation de menstrues est aussi une autre épine aux pieds de la responsable de la santé du CEG 2 Abomey-Calavi. « Nous avons des problèmes de toilettes. Les filles qui ont des règles douloureuses et qui ont besoin de changer leurs couches ont des difficultés. Nous aussi, nous devons aller jusqu’au bâtiment administratif pour nous soulager », informe-t-elle, sachant que le bâtiment administratif est à une minute de marche de l’entrée principale. Sur le plan purement technique, elle ajoute que l’infirmerie ne dispose pas de poupinelles pour stériliser les compresses, le coton. Nous avons besoin d’une bonne poubelle avec le couvercle fermé hermétiquement pour stocker les déchets biomédicaux », fait savoir l’infirmière.
Réalisation : La Rédaction